1En plus des opérations autorisées et encadrées, les découvertes fortuites signalées au SRA permettent d’effectuer de nouvelles expertises et observations, dont certaines sont significatives pour ces deux années.
- 1 J. Vidal (SRA de La Réunion).
2Sur la rive droite de la rivière d’Abord, à Saint-Pierre (fig. 1), un mur dont une partie s’est effondrée a dû être détruit par la mairie pour sécuriser la zone. En amont de sa démolition, le SRA est intervenu en effectuant un relevé photogrammétrique de l’élévation [consulter le relevé photogrammétrique]1, pour sauvegarder par la numérisation les informations liées à ce vestige (fig. 2). Ce relevé a été rattaché en topographie par OMT.
3Au sein de l’élévation de ce mur, on lit des traces d’ouvertures – visibles grâce aux moellons basaltiques soigneusement taillés pour les encadrements – et de rebouchages postérieurs. Ils témoignent d’une évolution de l’urbanisme dans ce secteur de Saint-Pierre.
4Les données récoltées serviront de documentation complémentaire pour les opérations préventives qui seront peut-être à mener dans ce secteur en cas d’aménagement futur.
Fig. 1 – Localisation du « mur Babet » à Saint-Pierre
DAO : M. Baffert.
Fig. 2 – Le « mur Babet » : relevé photogrammétrique
Clichés et DAO : J. Vidal (SRA de La Réunion).
5Dans l’enceinte extérieure de l’Ehpad Georges-Martin, au 38 rue Labourdonnais à Saint-Paul (fig. 3), des travaux ont mis au jour une structure circulaire maçonnée. Avant la poursuite des travaux le SRA en a effectué une expertise et un relevé photogrammétrique.
Fig. 3 – Localisation du bassin dans l’enceinte de l’Ehpad à Saint-Paul
DAO : J. Vidal (SRA de La Réunion).
6Cette structure jouxte directement les fondations d’un bâtiment occupé aujourd’hui par la maison de retraite. Elle est apparue à une vingtaine de centimètres de la surface du sol actuel.
7La maçonnerie est d’une largeur régulière de 0,42 m. Elle est faite majoritairement de gros blocs basaltiques pas ou peu équarris et assez dégradés, en alternance avec des « plaquettes » plus denses et disposées à plat, surtout utilisées sous le niveau de surface du mur.
8Le diamètre externe de la construction fait 2,45 m pour un diamètre interne de 2,03 m (fig. 4). La fosse maçonnée est profonde d’1,16 m, depuis son bord jusqu’au fond – en partie conservé. Sous le sol enduis, les fondations de la construction, mélangeant petits cailloux et graviers, sont épaisses d’environ 0,25 m. Elles sont édifiées sur le substrat naturel de sable basaltique et gros galets arrondis. Un escalier de deux marches repose sur le fond de la structure. La première marche est large de 0,31 m, et la seconde de 0,53 m.
9Un enduit de ciment taloché – différent de celui du sol – chemise la partie haute de la structure sur 0,58 m à l’intérieur, enveloppe le rebord et s’étale à l’extérieur sur une hauteur d’une trentaine de centimètres. Pour finir, deux tuyaux métalliques sont visibles à une quinzaine de centimètres du rebord.
10Les observations ont permis de constater que l’escalier est d’origine. L’enduit d’étanchéité arrondi épouse les côtés de l’escalier. Ce revêtement est le même que celui qui recouvre le fond, indiquant qu’enduit et escalier sont contemporains. Si l’on considère les tuyaux d’arrivée et l’enduit hydraulique qui recouvre le fond et les bords de la cuve, la structure peut être interprétée comme un bassin. Aucun tuyau servant au pompage et à la circulation de l’eau n’a été repéré dans la partie basse du bassin. Son alimentation en eau par les tuyaux en hauteur est manifeste, mais l’évacuation de celle-ci reste indéterminée.
11Au centre, l’ouvrage ne semble pas être agrémenté d’un piédestal ou d’une fontaine, comme c’est le cas pour les bassins d’ornementations (connus notamment à la maison Derramond-Barre ; Jacquot 2016) ; sa margelle recouverte d’enduit de ciment n’était pas décorée de carreaux de tomettes ou de pierres de basalte taillées.
12Le bassin possède un fond deux fois plus profond que la hauteur de l’enduit extérieur, pouvant indiquer que cette cuve/bassin a été conçu(e) pour apparaître semi-enterré(e).
- 2 FR ANOM 23DFC0112bisA : Plan de la ville de St. Paul et de ses environs, F. Chandellier, 1805-1806.
13Cette structure, géolocalisée lors de l’expertise, n’apparaît pas sur le plan Chandelier de 18062. Cependant, elle se situe dans l’enceinte de ce qui semble être une belle propriété arborée au centre de laquelle trône une demeure. La maison et le bassin pourraient être contemporains, hypothèse appuyée par l’agencement de ces deux éléments.
Fig. 4 – Le bassin en cours d’étude
Cliché : J. Vidal (SRA de La Réunion).
14Consécutivement à un signalement, plusieurs médias ont fait état, entre le 10 et le 14 octobre 2020, de la découverte d’un « cimetière d’esclave » dans la région de Villèle à Saint-Paul (fig. 5). Le SRA a effectué une visite sur site, le 14 octobre 2020. La zone concernée est située dans un espace de savane, au nord de Villèle et à l’est du canal Bruniquel. Les données historiques et les recherches archéologiques récentes identifient ces environnements comme riches en vestiges liés aux anciennes activités agricoles, notamment d’élevage (Cornec 2019 ; Cornec 2020 ; Vidal 2020). Lors de leur expertise, les archéologues ont procédé à un repérage des vestiges dans la zone, à une identification des structures et à une évaluation du potentiel scientifique de chaque site. Les structures archéologiques et les autres traces ayant fait l’objet d’intérêt par la presse ont été photographiées et relevées au GNSS différentiel pour une localisation centimétrique.
Fig. 5 – Localisation de l’expertise au lieu-dit « Bassin Bleu » à Saint-Paul
DAO : J. Vidal (SRA de La Réunion).
15Quatre groupes de structures ont fait l’objet de photographies et de relevés par les archéologues (fig. 6). Trois secteurs étaient désignés par les découvreurs (fig. 6, secteurs 2, 3a et 3b), deux autres secteurs ont été intégrés aux observations par le service de l’archéologie en raison de la présence de vestiges (fig. 6, secteurs 1 ; fig. 4).
Fig. 6 – Les groupes de structures identifiés et relevés
DAO : J. Vidal (SRA de La Réunion).
16Si les alignements de pierres désignés comme un cimetière ne présentent à l’expertise aucun indice qui vienne corroborer l’interprétation des découvreurs, en revanche les vestiges du secteur 1 associés à des éléments des secteurs 3b et 4, témoignent quant à eux d’une ancienne activité agricole étendue et structurée dans cette zone qui a perduré au moins jusqu’au début du xxe s.
17On note la présence sur le secteur 1, d’épais murs maçonnés constitués de gros blocs de basalte (fig. 7). Les murs extérieurs sont parementés sur leurs deux faces et composent un édifice régulier. L’élévation est conservée sur l’ensemble du secteur sur environ 50 cm de hauteur. La végétation de savane s’est développée sur le site mais les ruines restent nettement visibles.
Fig. 7 – Les murs maçonnés du secteur 1
Cliché : J. Vidal (SRA de La Réunion).
18Au nord se trouve une vaste cour enclose (fig. 8), délimitée par 4 murs et dont le mur ouest est percé d’une ouverture d’accès. Cette entrée présente une élévation conservée en maçonnerie d’environ 1 m, ses blocs sont liés par un mortier de chaux.
19Les différents éléments de cette structure constituent un ensemble cohérent dans sa construction et son organisation, suggérant une contemporanéité d’occupation et d’abandon. Des vestiges de tôles sont présents dans l’espace sud-est. Ils peuvent indiquer un usage de cette structure jusqu’au xxe s.
20Bien que ces vestiges ne puissent pour le moment être datés, leur reconnaissance permet d’alimenter les problématiques liées au développement agro-pastoral de la zone. Ces activités sont privilégiées dans les secteurs de savane dès le xviiie s. et constituent la majorité de la fréquentation de ces zones de marge aux xixe et xxe s. (Briffaud, Germanaz 2020 ; Vidal et al. 2021). Dans cette zone, on sait en particulier que la savane sèche au pied des terrains de Mme Desbassayns est mise à disposition pour le pâturage dès le xixe s. (Miranville 2014).
Fig. 8 – L’aire enclose au nord du secteur 1
Cliché : J. Vidal (SRA de La Réunion).
21En 2020, des agents de l’Office national des forêts et du Parc national de La Réunion ont fait des déclarations de découvertes dans le secteur de la Glacière, au Maïdo, à Saint-Paul (fig. 9). Une journée de prospection a été organisée avec les découvreurs afin de recenser, décrire et enregistrer les vestiges signalés.
22À partir des années 1820 et jusqu’à l’apparition des systèmes de refroidissement modernes, un commerce de la glace se met en place. Pour ce faire, dans le secteur d’altitude du Maïdo, les eaux superficielles gelaient la nuit dans des bassins aménagés ou dépressions naturelles avant d’être récoltées au lever du jour. Des pains de glaces allant jusqu’à 25 kg étaient ensuite stockés à basse température dans des puits, puis transportés dans des sacs de jute (« gonis ») et de la sciure. Ce transport sur une soixantaine de kilomètres était, jusqu’à l’abolition en 1848, assuré par des esclaves.
23Des puits et une glacière aménagée sont visibles sur le parcours reliant le parking du Maïdo au Grand Bénare. La prospection des archéologues et agents de l’ONF et du Parc national a permis de constater l’ampleur des aménagements dédiés à la production de glace dans ce secteur des hauts de Trois-Bassins puisque de nombreuses glacières, creusées dans des cavités volcaniques naturelles, ont été observées (fig. 10). Les espaces autours de ces cavernes-glacières sont jonchés de mobilier, ce qui témoigne d’une occupation intense liée à cette activité au xixe s. et début xxe s. (fig. 11 et 12).
Fig. 9 – Localisation des glacières sur orthophoto et LiDAR
DAO : J. Vidal (SRA de La Réunion).
Fig. 10 – Vue de l’entrée d’une glacière
Cliché : J. Vidal (SRA de La Réunion).
Fig. 11 – Croquis de la grande glacière du site qui en porte désormais le toponyme (1861)
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Fig. 12 – Bouteilles en verre du dernier tiers du xixe s. récoltées en prospection
Cliché : F. Lachery (Inrap).