1Ce diagnostic d’archéologie préventive a été mené en amont du projet de construction d’un café bar au 3 rue Lignières à Basse-Terre par la SARL MGD. Le terrain, qui correspond à l’intérieur d’un bâtiment en élévation au moment de l’opération a une surface de 153 m2. Il est situé pour partie sur une zone gagnée sur la mer vers 1963, date de construction de l’autopont si l’on s’en réfère aux photographies aériennes de l’IGN. Le terrain est situé à moins de 100 m au sud du site de la Gare Maritime où des vestiges d’occupations précolombiennes, datés vers 250-500 apr. J.-C., ont été découverts entre 1,5 et 2,5 m sous le sol actuel, en arrière du cordon littoral (Romon et al. 2006). Une occupation datée de la même période est localisée « rue Christophe Colomb » à une trentaine de mètres (Stouvenot 2012). L’emplacement du diagnostic correspond également à un îlot construit avant 1749 et ayant brûlé en 1844 (Paulet-Locard, Chancerel 2005). Cet îlot ne sera pas reconstruit et on aménagera à cet emplacement une place qui deviendra l’actuelle place de la République.
2Les 5 sondages réalisés à l’aide d’un engin mécanique totalisent près de 22 % de la surface de la parcelle (fig. 1). Ils ont livré des vestiges de structures ainsi que des remblais contenant une grande quantité de mobilier archéologique.
Fig. 1 – Localisation des sondages et des principaux résultats
Système de projection GUAD48UTM20, altitudes rattachées à l’IGN 1988 (NGG).
DAO : Inrap.
3La première structure est située dans l’angle nord-est du bâtiment. Si l’on s’en réfère au mobilier qui l’accompagne, elle est datée du xviiie s. mais a été remaniée dans la seconde moitié du xixe s. Il s’agit très probablement de l’aménagement de la place de la Liberté, actuelle place de la République, après l’incendie qui a ravagé ce secteur en 1844. Il faut toutefois noter qu’aucune trace de cet incendie n’a été identifiée au cours de cette opération. Le sommet de cette structure se situe à moins de 10 cm sous le sol actuel.
4Une seconde structure, localisée dans le quart sud-est du bâtiment, correspond aux vestiges d’une voie pavée inclinée vers la mer et qui possède au moins une rigole de même axe. Si l’on compare les plans antérieurs à l’incendie de 1844, par exemple le « plan de la ville de Basse-Terre et du bourg St François » de Moreau de Saint Mery de 1787 (ANOM F3 288 62) avec les plans postérieurs à cet incendie, par exemple le « Plan de Basse-Terre et ses environs » de Voisin de 1867 (ANOM DFC 1767bis A), la rue qui prolonge l’actuelle rue Maurice-Marie-Claire vers la mer est décalée vers le nord par rapport à cette dernière sur le plan de 1787, alors qu’elle est parfaitement dans son axe sur celui de 1867. Actuellement, la portion est-ouest de la rue Lignières est bien dans le prolongement de la rue Maurice Marie-Claire et la parcelle objet de ce diagnostic archéologique la borde sur son côté nord. La structure pavée est en cohérence avec l’agencement urbain d’avant 1844, hypothèse également en accord avec la chronologie proposée pour le mobilier retrouvé dans le remblai qui la recouvre. Il pourrait s’agir d’une rue ou d’une cale donnant sur la mer, qui permettrait également l’évacuation des eaux vers la mer. Dans les sondages, le sommet de cette structure se situe entre 1 m (vers l’est) et 1,6 m (vers l’ouest) sous le sol actuel.
5Une troisième structure, découverte au centre du bâtiment, correspond aux vestiges d’un mur maçonné avec un mortier de chaux rose saumon. Ce mur est postérieur à la rue précédemment décrite. Il se prolonge vers l’ouest et présente un retour qui recoupe l’axe de cette rue. Il s’agit vraisemblablement de l’aménagement du bord de mer vers le milieu du xixe s., probablement après l’incendie de 1844, par un remblaiement de cette zone et la construction de nouveaux bâtiments liés à l’activité portuaire. En effet, cette structure pourrait correspondre au bâtiment qui avance sur la mer, représenté sur le plan de 1867, au nord du ponton le plus au sud. Il faut également noter que ce ponton est dans l’alignement de l’actuelle rue Maurice-Marie-Claire. Dans les sondages, le sommet des restes de cette structure, arasée, se situe 50 cm sous le sol actuel, directement sous la dalle de ciment datée de la première moitié du xxe s. et qui a été trouvée sur quasiment toute la surface du projet.
6Le mobilier récolté au cours de ce diagnostic est extrêmement dense et riche. Il s’agit essentiellement de verre et de céramique. La part la plus importante de ces éléments, est attribuée au xixe s. dont une grande partie à la seconde moitié de ce siècle. Il s’agit surtout de mobilier d’importation, principalement de France métropolitaine. Cependant, une part de poterie locale est également présente. Une autre part de ces éléments est datée du xviiie s. Ils ont été identifiés dans la première structure, interprétée comme l’aménagement de la place après l’incendie de 1844. Enfin, une part plus infime mais non négligeable de ce mobilier correspond à des restes de faune consommée, déchets de boucherie de grands mammifères et également malacofaune. Aucun élément caractéristique de l’époque précolombienne n’a été identifié.
7L’ensemble constitue un témoin de la vie des habitants de Basse-Terre et de l’évolution de leur ville, qui ont connu des transformations majeures de la fin du xviiie s. au début du xixe s.