Vallée de l’Eure : une rivière, des territoires
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Année de l'opération :
2019Numéro d’opération :
173034Lieux :
France métropolitaine, Normandie, Département de l'Eure, Marcilly-sur-Eure, Pacy-sur-Eure, Centre-Val de Loire, Département d'Eure-et-Loir, Île-de-France, Département des Yvelines, Garennes-sur-EureChronologie :
Préhistoire, Néolithique, Protohistoire, Antiquité, Antiquité gréco-romaine, Antiquité romaine, époque médiévaleNature de l'opération :
projet collectif de rechercheNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Université de Paris
Texte intégral
1Le PCR « Vallée de l’Eure : une rivière, des territoires », débuté en 2019, s’intéresse au bassin-versant de l’Eure, encore très peu étudié sur le plan archéologique et historique. Il se place dans la continuité des grands programmes lancés à partir des années 1990 sur l’étude des dynamiques d’organisation spatiale qui ne cessent de se multiplier pour développer des problématiques autour du rôle des sociétés dans les phénomènes de transmission et de changement des formes d’occupation spatiale. Il vise à intégrer aussi bien des études sur la morphologie des paysages que sur la formation des groupes culturels jusqu’à la reconstitution de dynamiques socio-environnementales qu’engendrent au cours du temps les interactions entre l’homme et son milieu.
Hypothèse de travail
2La plupart des approches menées sur les dynamiques d’occupation du sol et les interactions homme/milieu privilégie tout naturellement des secteurs riches en documentation archéologique de première main et en potentiel, en s’intéressant à des « terroirs favorisés » ou considérés comme tels en raison de conditions favorables à la fois à l’installation humaine du fait de la présence de l’eau et à une bonne conservation des vestiges.
3Inscrit dans une large portion occidentale du Bassin parisien, entre Seine et Loire, le bassin-versant de l’Eure forme aujourd’hui un petit bassin agricole moyennement peuplé, composé de plateaux faiblement ondulés et de quelques vallées encaissées, propice a priori à une telle étude. Or, en dehors de la confluence Seine/Eure au nord et des agglomérations de Chartres au sud et d’Évreux à l’ouest, ce bassin se distingue par l’absence d’un véritable inventaire archéologique du fait de son statut majoritairement agricole qui ne favorise que peu les projets d’aménagement et par conséquent les opérations d’archéologie préventive. La documentation disponible repose pour l’essentiel à l’heure actuelle sur le repérage en prospections aériennes de formes géométriques de nature très probablement anthropique mais non datables.
4Pour autant, du point de vue historique, la vallée connaît, de par sa position géographique, une occupation humaine plurimillénaire qui se manifeste en divisions territoriales successives dès le Néolithique, à l’interface du « Grand Ouest » et du bassin de Paris. D’autre part et sur le plan paléogéographique, l’Eure se caractérise par la diversité et l’omniprésence des formations superficielles dont les potentialités géoarchéologiques sont élevées. Parce qu’elle se heurte à la difficulté d’acquisition des données, son étude ouvre sur la possibilité de constituer un véritable atelier de travail pour de nouvelles méthodes d’approche interdisciplinaires, en intégrant résolument la dimension diachronique qui permet de suivre les évolutions de quelque nature qu’elles soient. Une première fenêtre d’étude a été ouverte sur la portion médiane de la vallée – entre Marcilly-sur-Eure (28) et Pacy-sur-Eure (27), à cheval sur les trois départements de l’Eure, de l’Eure-et-Loir et des Yvelines –, choisie en raison de ses aspects différenciés sur le plan environnemental comme de l’occupation humaine qui s’inscrit tout particulièrement à partir de l’âge du Fer dans un contexte politique à plus large échelle, qui se construit et se déconstruit en parallèle.
Vers une approche géoarchéologique multiscalaire
5Le maigre corpus de données archéologiques disponible ouvre d’emblée sur la question de la conservation et de la visibilité dans le paysage des traces anthropiques et des processus géomorphologiques à l’origine de leur fossilisation ou de leur démantèlement.
6Une première étape a par conséquent consisté à réaliser un zonage préparatoire des potentialités géoarchéologiques et paléoenvironnementales sur le secteur défini, à partir d’une analyse du contexte archéologique et topographique complétée par une cartographie géomorphologique afin d’identifier les secteurs favorables à l’archivage de données sédimentaires et de cibler des zones propices au piégeage d’archives paléoenvironnementales. Cette approche a permis de préciser les spécificités de répartition des gisements archéologiques et des formations superficielles quaternaires (fig. 1). À une échelle plus locale, une « zone atelier » a été sélectionnée dans le fond de vallée de l’Eure après l’identification de plusieurs paléoformes fluviales (style anastomosé) à proximité d’un sanctuaire d’époque romaine reconnu par photographie aérienne (Archéo 27, 2011) au lieu-dit « Bellevue », à Garennes-sur-Eure. Ce deuxième axe visait à croiser les données archéologiques, historiques et géomorphologiques dans un objectif commun d’interpréter l’environnement géomorphologique du site archéologique et d’éclairer les interrelations entre le complexe cultuel, la plaine d’inondation de l’Eure et les traces de l’évolution de l’occupation humaine sur le temps long. Ce travail s’est appuyé sur différentes opérations de terrain : prospections géophysiques (tomographie de résistivité électrique et géoradar) et sondages par carottage pour une reconstitution 2D de l’architecture des remblaiements alluviaux (fig. 2) ; prospections au sol pour évaluer le potentiel archéologique ; télédétection à l’aide de capteurs montés sous drone (photogrammétrie, LiDAR, thermique) et analyse des nuages de points pour une restitution microtopographique de certains secteurs clés. Les premiers éléments d’analyse montrent une évolution nette dans la structuration du paysage – du remblaiement progressif du chenal à partir de l’âge du Bronze (2146-2010 av. J.‑C.) à son abandon total à la période antique lors de l’établissement du sanctuaire sur une légère butte restée potentiellement soumise aux inondations de l’Eure lors de crues épisodiques (fig. 3). Les variations microtopographiques révèlent quant à elles un changement d’utilisation du milieu à partir du Moyen Âge, qui voit se multiplier les aménagements hydrauliques sur le Radon à l’origine des tracés en baïonnette dans sa zone de confluence avec l’Eure, et amènent à s’interroger sur l’ancienneté des modelés et du réseau parcellaire associé.
Fig. 1 – Vallée de l’Eure, section médiane : comparaison entre la localisation des gisements archéologiques et celle des formations superficielles quaternaires

Sources : BD Alti IGN, BD Carthage, BD Archéo PCR ValEuRT.
DAO : T. Piau.
Fig. 2 – Garennes-sur-Eure, Bellevue : profil de résistivité électrique perpendiculaire à l’axe du paléochenal (profil TRE avril 2019)

Les mesures de résistivité apparente forte en rouge renvoient à des faciès grossiers (grave à silex roulés) ; à l’inverse, les mesures de résistivité apparente faible (en bleu et vert) renvoient à des faciès sédimentaires plus fins (argiles et limons).
DAO : C. Virmoux.
Fig. 3 – Garennes-sur-Eure, Bellevue : extrait du modèle numérique de terrain RGE Alti 1 m de l’IGN et de l’image LiDAR (capteur monté sous drone)

Interprétation géomorphologique et paléohydrographique préliminaire à proximité du sanctuaire d’époque romaine.
DAO : T. Piau.
Perspectives
7À l’inverse des approches courantes, l’année probatoire du PCR a tendu à considérer les arguments pertinents que peuvent apporter conjointement l’archéologie et la géomorphologie dans une stratégie commune d’acquisition, de traitement et de croisement des données. À l’issue de cette première année, des pistes exploratoires ont pu se dessiner, confirmant l’intérêt d’une approche diversifiée qui conjugue étude de l’histoire paléoenvironnementale, interprétation du contexte sédimentaire d’enfouissement et de piégeage et télédétection à haute résolution, nécessaire pour pallier l’absence d’indices visibles au sol de l’anthropisation passée du secteur. Cette approche mérite d’être développée, notamment pour tenter d’éclairer les différentes phases d’occupation humaine et de matérialiser les périodes de transition sur le temps long, en lien avec les dynamiques paléohydrologiques de l’Eure, dans un contexte d’exposition historique au risque d’inondation.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Vallée de l’Eure, section médiane : comparaison entre la localisation des gisements archéologiques et celle des formations superficielles quaternaires |
Légende | Sources : BD Alti IGN, BD Carthage, BD Archéo PCR ValEuRT. |
Crédits | DAO : T. Piau. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/119793/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 798k |
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Titre | Fig. 2 – Garennes-sur-Eure, Bellevue : profil de résistivité électrique perpendiculaire à l’axe du paléochenal (profil TRE avril 2019) |
Légende | Les mesures de résistivité apparente forte en rouge renvoient à des faciès grossiers (grave à silex roulés) ; à l’inverse, les mesures de résistivité apparente faible (en bleu et vert) renvoient à des faciès sédimentaires plus fins (argiles et limons). |
Crédits | DAO : C. Virmoux. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/119793/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 278k |
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Titre | Fig. 3 – Garennes-sur-Eure, Bellevue : extrait du modèle numérique de terrain RGE Alti 1 m de l’IGN et de l’image LiDAR (capteur monté sous drone) |
Légende | Interprétation géomorphologique et paléohydrographique préliminaire à proximité du sanctuaire d’époque romaine. |
Crédits | DAO : T. Piau. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/119793/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 473k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Fabienne Dugast, François Bétard et Théophile Piau, « Vallée de l’Eure : une rivière, des territoires » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Normandie, mis en ligne le 14 mars 2022, consulté le 15 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/119793
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