1Suite à la découverte fortuite d’une sépulture à dépôt de crémation antique, lors de travaux de réaménagement d’un bâtiment situé dans l’enceinte des locaux de Caux-Seine-Agglo, le SRA de Normandie a émis une prescription de fouille archéologique préventive. Cette petite opération, réalisée en janvier 2019, a porté sur une surface de quelques dizaines de mètres carrés, dans un secteur périphérique à la nécropole antique dite du Catillon où, jusqu’alors, aucune découverte funéraire n’avait jamais été réalisée.

2L’intervention a consisté principalement en une fouille fine de la sépulture identifiée de prime abord (SP 1) et en un complément de décapage de la surface du projet. Les vestiges ainsi mis au jour consistent en plusieurs structures fossoyées modernes à contemporaines auxquelles s’ajoutent plusieurs structures antiques dont deux autres sépultures à dépôt de crémation.

3Les vestiges modernes à contemporains se limitent à un ensemble de fosses de plans variés, mais dont la fouille n’a pas été réalisée en deçà du niveau décapé, lui-même déjà inférieur à la cote de fond de projet. Seule une probable aire de gâchage de mortier, sans doute en lien avec la construction ou la réfection du bâtiment adjacent, a fait l’objet d’un test manuel. Faute de mobilier datant, son attribution chronologique ne peut toutefois pas être précisée.

4Les structures antiques comprennent quelques fosses ou trous de poteaux dont la nature n’a pas pu être déterminée. L’essentiel des découvertes réside dans la présence de trois sépultures à dépôt de crémation. L’une d’entre elles (SP 16) a été pillée anciennement, mais sans que l’on puisse en préciser la date. La deuxième (SP 5) a livré un dépôt consistant en une urne en céramique à laquelle avait été associée une petite cruche (fig. 1), le tout datant du ii^e s.

Fig. 1 – La sépulture SP 5 en cours de fouille

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Cliché : P. Wech (Made).

5La troisième sépulture (SP 1) a livré les traces d’un aménagement spécifique ainsi qu’un mobilier abondant et remarquable. La fouille a montré que cette sépulture avait été installée dans une fosse préparatoire de plan ovale d’environ 1 x 1,5 m pour une profondeur de 0,45 m. Au sein de cette fosse, un coffre ou coffrage en bois a été aménagé. Son empreinte rectangulaire a été mise en évidence grâce à la découverte de nombreux clous en fer dans leur position originelle. Leur présence permet de restituer une « caisse » de 0,35 x 0,45 m, haute d’environ 0,3 m, soit un volume interne de 0,04 m³ (fig. 2).

Fig. 2 – La sépulture SP 1 et le dépôt funéraire mis au jour dans le coffre

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Échelle unique pour tous les objets.

Clichés et DAO : P. Wech (Made).

6Ce coffre a accueilli un dépôt funéraire consistant en une urne en céramique (malheureusement vidée par les terrassiers au moment de sa découverte), autour de laquelle avait été soigneusement disposé un mobilier riche et varié : plusieurs figurines en terre cuite (une Minerve, un chien assis et deux bustes de matrone), une lampe à huile en forme de pied chaussé d’une sandale (terre cuite avec une glaçure plombifère), une boîte à miroir en alliage cuivreux comportant, sur ses deux faces, des décors travaillés au repoussé, un gobelet à dépressions en céramique, plusieurs perles (quatre exemplaires ovoïdes en os, deux tubulaires en verre et une en cristal de roche de très grande taille), une bague en pâte de verre dont le chaton, en verre translucide, recouvre un fond sombre sur lequel se détache un ciel nocturne (lune et étoiles en feuilles d’or), une fusaïole en schiste d’Autun portant une inscription équivoque (et peut-être coquine) : AVE DOMINA / AMO TE (Salut maîtresse / je t’aime), plusieurs verreries (un remarquable entonnoir, deux pots miniatures de type Isings 68, un gobelet tonnelet et un pot sphérique apode), trois anneaux en alliage cuivreux et deux jetons en os.

7L’ensemble suggère une datation au début du ii^e s. et semble refléter une certaine aisance financière. Plusieurs objets sont ainsi notablement rares, voire de provenance lointaine, et ne semblent pas accessibles à toutes les bourses de l’époque. Quant à l’étude anthropologique menée sur les esquilles osseuses collectées hors contexte, elle indique que nous sommes probablement en présence des restes d’un individu immature ou d’un jeune adulte, mais dont le sexe ne peut pas être précisé. Avec toutes les précautions d’usage quant à ce type d’approche, l’examen des mobiliers pourrait inciter à identifier la sépulture d’une demoiselle.

8Cette découverte, au-delà de la qualité des mobiliers mis au jour, permet de compléter notre connaissance de la principale nécropole de Juliobona et d’en étendre la surface jusque sur le coteau dominant à l’est la vallée du Ru du Commerce.