1Cette opération de fouilles précède la construction du collège public « Henri Navarre », incluant les bâtiments d’enseignements, administratifs, de résidence, un plateau sportif, des voies d’accès et des parkings

2Le diagnostic Inrap de janvier 2018 portait sur 3 ha. Les sondages avaient permis d’identifier deux occupations rurales distinctes : l’une gauloise et l’autre antique. Les vestiges identifiés laissaient entrevoir des fermes structurées par un réseau de fossés, des fosses, des bâtiments sur poteaux et fondations de silex. Le mobilier céramique paraissait bien représenté. Une sépulture à incinération non datée suggérait la présence d’autres sépultures.

3La fouille a permis de décaper 3,3 ha dans des conditions météorologiques très difficiles : inondation de plus de 6 000 m², lessivage et recouvrement du décapage. Compte tenu de la topographie, de la stratigraphie et de la géomorphologie, certains secteurs ont fait l’objet de trois décapages. Au final, diverses occupations du Paléolithique moyen à l’époque contemporaine ont été révélées ou confirmées. Les recoupements et les mobiliers permettent de percevoir un phasage assez évident pour l’essentiel des vestiges.

4Le Paléolithique est représenté par un nucléus issu d’une coupe stratigraphique. Les vestiges du néolithique sont ténus, deux éléments de forme céramique et quelques outils parfois piégés dans des chablis anciens.

5Un enclos circulaire, voire deux, pourraient appartenir à l’âge du Bronze, ainsi qu’une pointe de flèche en silex à ailerons du Bronze ancien.

6La présence supposée lors du diagnostic d’un enclos de la fin de la période gauloise est confirmée. Cet enclos complet est fossoyé, trapézoïdal et mesure entre 50 et 62 m de côté. Son entrée se trouve côté est. À l’intérieur, des trous de poteaux et des fosses permettent de percevoir quelques bâtiments. Un réseau de fossés de parcellaire complète cet enclos. Le mobilier céramique est assez abondant et concentré dans les sections du quart nord-est du fossé. Les pots en céramique de type « veauvillaise » semblent prépondérants. On notera la présence d’un fragment de bracelet en bronze et d’un soc d’araire en fer.

7La période antique est la mieux représentée en nombre de faits et de restes mobiliers. L’espace est structuré par des fossés qui se succèdent et dont les orientations varient. Ils délimitent diverses parcelles, incluant parfois des bâtiments sur poteaux et sur solins, des fosses, des mares ou fumières et un chemin. L’occupation couvre la période augustéenne jusqu’au début du iii^e s. L’étude des restes céramiques permet une analyse des approvisionnements et leur évolution et notamment de la place des ateliers régionaux de céramiques communes de Lyons-la-Forêt et d’Appeville-Annebault. D’autres éléments de sigillée, de plombifère, de Jaulge et Villiers-Vilneux, de terra nigra… sont inédits dans ce secteur géographique. Les données carpologiques permettent d’entrevoir les cultures durant ces phases. Le site semble déserté jusqu’à la période carolingienne, où l’on retrouve une occupation non identifiée lors du diagnostic, avec des silos, des fosses et bâtiments sur poteaux. Ces vestiges se concentrent en limite nord de l’emprise, dans une parcelle fossoyée (?). Soulignons que cette période est peu identifiée sur le plateau du Pays de Caux. Le mobilier est, comme souvent, très ténu : quelques restes céramiques, des fragments de meule et une fibule. Le mobilier céramique provient pour partie de l’atelier de La Londe et permet une datation de la fin du viii^e s. et probablement du début du ix^e s. La présence probable d’avoine maigre (Avena Strigosa), qui est un marqueur scandinave, constituerait une découverte inédite pour la Normandie.

Fig. 1 – Vue depuis l’ouest du chemin empierré, utilisé entre le i^er et le ix^e s. (?)

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En arrière-plan, une grande fosse en cours de fouille.

Cliché : D. Honoré (Inrap).

8Par la suite, les traces de fréquentation sont absentes jusqu’au début du xviii^e s., où des allées d’arbres sont identifiées par des fosses de plantations. Les données des archives figurent et décrivent ces allées partant du château disparu de Thibermesnil jusqu’au bourg de Yerville.

9Dans le courant du xix^e s., diverses marnières et fosses d’extraction sont exploitées, dont certaines pourraient correspondre aux besoins de matériaux pour la construction de la route de Veules-les-Roses à Barentin.

10Les éléments les plus récents, des petites fosses avec des boites de conserves, des flacons de verre, une épaule de porc, un manche de couteau, correspondent à la fin de la Seconde Guerre mondiale, un des secteurs du camp « Cigarette » américain Old Gold, implanté entre l’été 1944 et 1945.

11Cette opération permet essentiellement de percevoir l’évolution des occupations entre la période gauloise et carolingienne à travers leurs structurations, le mobilier et les restes carpologiques. La mise en évidence d’allées plantées d’arbres révèle le château oublié et disparu de Thibermesnil. Les restes ténus du camp Cigarette américain Old Gold témoignent d’un passé néanmoins fondamental. Ces éléments diachroniques et leurs études ont été partagés avec plus de 150 collégiens des classes de 6^e de Yerville et leurs enseignants. Ces connaissances culturelles, scientifiques, paysagères et historiques figureront probablement dans ce futur collège.