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Année de l'opération :
1942Sujets :
architecture, édifice, édifice religieux, lieu de culte, temple, cella, péristyle, colonnade, colonne, galerie, antéfixe, boutonNature de l'opération :
fouilleNotes de la rédaction
Notice publiée dans Gallia, 1-2, 1943, Paris, Éditions du CNRS, p. 266-273.
Texte intégral
1Du 20 août au 7 septembre 1942, des fouilles, pour lesquelles la main-d'œuvre a été fournie par un camp de jeunesse, ont été effectuées au temple dit de la Fortune (parcelles 444-445-446 du plan cadastral).
2Situé au nord de Jublains, l'antique Noiodunum, capitale des Aulerci Diablintes, ce temple, dont les substructions ont été découvertes en 1834 par M. Verger, avait été fouillé en 1834-1835, et surtout de 1860 à 1870, par H. Barbe. En 1913, MM. J. Chappée et Reboursier y pratiquèrent, à leur tour, quelques recherches.
3L'édifice, qui paraît avoir été construit au ier s. de notre ère, comprend une cella de 11,30 m sur 9,60 m, inscrite dans un péristyle de 21,60 m sur 23 m. Ce temple est entouré de constructions qui, du côté sud, semblent avoir une longueur de 73 m ; le mur extérieur devait être percé de deux portes, l'une à l'ouest et l'autre à l'est. À l'intérieur et le long du mur sud, des appartements – peut-être des boutiques de marchands d'objets de dévotion –, avaient été mis au jour en 1913. La cella était noyée dans un blocage grossier, vraisemblablement exécuté à l'époque des invasions barbares pour transformer le temple en ouvrage de défense. La masse de pierres, de briques et de tuiles entremêlées de grosses racines, qui recouvrait le sanctuaire, en avait jusqu'ici rendu le dégagement difficile. De plus, certains murs ont été démolis au cours du xixe s. pour en extraire de la pierre à bâtir et, par l'effet du temps, les vestiges apparents chaque année, s'écroulent davantage.
4Après avoir défriché une partie des taillis près de l'enceinte méridionale, nous avons ouvert une tranchée perpendiculairement à ce mur vers l'intérieur de l'enceinte, dans la direction du nord-est.
5Voici la coupe du terrain : 0,40 m de terre végétale mêlée de nombreux débris de tuiles (tegulae et imbrices), de pierres de petit appareil en granit, quelques tessons de poterie rouge et noire de basse époque, quelques clous de charpente ; 0,40 m de sable ; une couche de tuffeau écrasé de 0,40 m ; 0,20 m de sable ; une couche de 0,03 m de débris calcinés et enfin 0,40 m de sable et gravier.
6À 5,50 m du mur d'enceinte déjà dégagé, nous avons rencontré, parallèlement à ce mur, une construction très régulière en petit appareil allongé de tuffeau, formant un bloc relié à deux murs en petit appareil ordinaire en moellons de granit. Nous nous sommes bientôt aperçus qu'il s'agissait d'un mur de fondation supportant les colonnes d'un péristyle. Nous l'avons dégagé sur une longueur de 21 m, mettant ainsi au jour cinq bases de colonnes, espacées de 2,50 m à 2,75 m les unes des autres (fig. 1). Il est évident que nous nous trouvions en présence d'une galerie couverte, jadis garnie de portiques qui ornait la cour intérieure du temple et sur laquelle prenaient jour les appartements découverts vers le sud au cours des fouilles antérieures.
7Cette colonnade se termine à l'est par un ouvrage de maçonnerie de forme bizarre s'incurvant vers le nord. Le point où nous nous sommes arrêtés marque l'angle de la colonnade et se trouve à 5,40 m du mur intérieur des appartements de l'enceinte est. À cet endroit, les matériaux employés sont très différents des constructions voisines ; toutes les mesures changent et les directions nouvelles des murs n'ont aucun rapport avec la colonnade. Sur cette construction, on ne peut émettre pour le moment aucune hypothèse ; la suite des fouilles permettra peut-être d'en préciser le caractère.
8Les cinq bases de colonnes, de mesures inégales, diffèrent aussi par la nature des matériaux employés. Les bases I et II sont construites en tuffeau, petit appareil allongé, sans cordons de briques ; III-IV-V sont en petit appareil de granit avec des cordons de briques ; en outre ces derniers ont une largeur moyenne de 0,20 m plus grande que les autres (fig. 2).
- Base de colonne I. Ce soubassement, sans fondations, est brisé à 0,40 m de son début du côté nord. La partie du mur, qui lui fait suite du même côté, est en partie écroulée, à la suite d'une fouille antérieure.
- Base de colonne II. Sans fondations également, ce soubassement, bien conservé, s'élève à 0,50 m au-dessus du sol présumé, c'est-à-dire au niveau où se trouve une sorte de revêtement, en béton coulé.
- Base de colonne III. II n'en reste qu'un cordon de briques plates (carreaux de 0,30 m x 0,40 m ; épaisseur : 0,03 m) à 0,50 m au-dessus du sol présumé.
- Base de colonne IV. Sur les fondations, deux rangées de petit appareil en granit ; au-dessus, un cordon de deux rangées de briques, puis deux autres épaisseurs de petit appareil recouvert d'un second cordon de briques, dont il ne reste qu'une seule rangée. La hauteur totale du sol présumé, au sommet du soubassement, est de 0,70 m.
- Base de colonne V. Identique à la précédente, elle est mieux conservée ; elle est faite de petit appareil jusqu'à 0,30 m du sol présumé. Un cordon de deux rangées de briques, puis petit appareil (0,25 m d'épaisseur) et sur le tout un cordon de trois rangées de briques. La hauteur totale du sol présumé, au sommet du soubassement, est de 0,85 m.
9À 0,37 m de la base V, du côté nord, le mur, épais sur toute sa longueur de 0,68 m, et construit en petit appareil de granit très régulier, est coupé perpendiculairement par un mur large de 1,52 m, de construction beaucoup plus grossière et, probablement, d'autre époque. Se dirigeant vers la cella, il y a une courbe accentuée. De l'autre côté de ce mur, reparaît sur une longueur de 0,71 m le mur de petit appareil, toujours dans le même alignement.
10À 2,60 m de la base V, c'est-à-dire à peu près à la distance, où se serait trouvé le soubassement suivant, le mur de petit appareil qui s'arrête est prolongé par une pierre de granit de 0,40 m de hauteur. Les fouilles ont été arrêtées à cet endroit.
11Du côté sud, le mur en petit appareil est coupé par le prolongement du mur grossier qui a de ce côté 1,64 m d'épaisseur. Ce mur semble rejoindre l'enceinte du temple, dégagée antérieurement.
12Le mur de petit appareil est orienté est-est-nord-est comme la cella du temple et comme l'enceinte extérieure, exactement 72°.
13Le déblaiement des fondations du péristyle a permis de constater que cette construction n'était pas régulière : les pierres sont fréquemment en saillie de 0,01 m ou de 0,02 m. Comme les murs ne portent aucune trace d'enduit, il faut en conclure qu'ils étaient revêtus d'un placage de marbre leur donnant la régularité dont les architectes romains étaient coutumiers et que ce placage a disparu lors du pillage et de la destruction du temple. La découverte de fragments de marbre, très brisés, d'ailleurs, donne quelque valeur à cette hypothèse.
14Dans la terre végétale, et en particulier à la limite de la couche suivante, nous avons trouvé nombre de morceaux de tuiles plates et creuses, notamment un imbrex entier et une moitié d 'ante fixe (fig. 3) décoré de crosses de fougères, de nombreux clous de charpente, une clef ou crochet, des tessons de poterie rouge, noire, blanche de basse époque, quelques fragments de poterie sigillée, un de décor incisé, deux fragments de bordure décorée à la barbotine de feuilles de lotus, deux fonds de pots signés MACIO et IINIATO (fig. 4). Alors que partout ailleurs dans Jublains, les tessons de poteries ont été nombreux et importants – l'on a parfois trouvé des vases entiers –, les débris ramassés en 1942 sont relativement rares et très petits. Dans cette couche, nous avons également rencontré plusieurs petits fragments de chapiteaux en calcaire blanc, assez abîmés, ornés de feuilles d'acanthe, d'ordre corinthien ou composite.
15Au même niveau, qui correspond au sommet du mur dégagé, nous avons trouvé l'angle d'une pierre de granit taillée, de 17,5 cm x 21,5 cm, portant les deux lettres A R qui marquent la fin d'un mot (fig. 5). À notre connaissance, c'est le premier reste d'inscription recueilli dans le temple.
16Tout le long du mur, toujours au même niveau et particulièrement du côté nord, nous avons rencontré quelques fragments d'enduits décorés de peintures, vert-bleu, ocre-jaune, vermillon, terre de Sienne, pas toujours en couche uniforme, mais formant parfois sur fond blanc des dessins impossibles à reconstituer à cause du mauvais état et de l'exiguïté de ces fragments. Signalons cependant à l'extrémité de la tranchée, du côté est, un fragment triangulaire, de 0,26 m de côté, provenant d'un coin inférieur de mur, peint à fresque et représentant la moitié d'un oiseau au riche plumage.
17À une profondeur de 0,80 m à 1 m, nous avons rencontré des fragments de fût de colonne cannelée exactement semblables à un fût déjà dégagé lors de précédentes fouilles. Ce fût qui porte dix-huit cannelures mesure 0,70 m de diamètre. On pourrait donc supposer que la colonnade était d'ordre corinthien ou composite, que le piédestal mesurait 2,30 m, le fût 7 m, l'entablement 1,70 m et l'ensemble 11 m.
18À différents niveaux, nous avons découvert de nombreux fragments de marbre de toutes couleurs, taillés et polis, qui attestent la richesse de' la décoration. Enfin, au-dessous de la couche de mortier marquant le sol primitif ancien, on trouve encore dans le sable des débris de poterie et des traces d'incendie.
19Toutes les découvertes de 1942 ont été déposées au Musée local de Jublains, à l'exception d'un bouton en bronze, parfaitement conservé, revêtu d'une patine intacte qui, trouvé dans le castrum, a été remis au musée de Laval (fig. 6).
20De cette campagne archéologique, nous avons pu tirer les conclusions suivantes :
1. Le temple de Jublains a été détruit, puis reconstruit, sans qu'on puisse préciser la date, enfin incendié et définitivement abattu comme toute l'agglomération. Cette destruction systématique avait dû être observée par Barbe lors de ses fouilles en 1870. Tout ce qui était précieux ou utilisable a été enlevé. Les colonnes, les inscriptions, les chapiteaux ont été brisés en menus morceaux. Il n'est pas impossible que la destruction de ce temple corresponde à la venue du christianisme dans la région.
2. Nos fouilles ont apporté des éléments nouveaux : les plans de Barbe, repris par Laurain dans sa brochure sur Jublains, sont inexacts ; l'échelle n'est pas respectée ; le temple n'est point orienté suivant les points cardinaux ; l'axe du temple forme avec le nord un angle de 18° vers l'est. Enfin la découverte de cette colonnade, en modifiant le plan du temple (fig. 7) a permis de faire de celui-ci une reconstitution complète. Ce temple périptère, entouré de son péristyle, devait compter sur le côté sud douze colonnes. On peut le comparer à la construction de Nisy-le-Comte (Aisne), que déjà de Caumont supposait être un temple. À Nisy existent une enceinte rectangulaire et un péristyle, mais la cella avait disparu. À Jublains, on connaissait une enceinte rectangulaire et une cella, mais pas de péristyle. La découverte de celui-ci permet, en augmentant les ressemblances, de croire que les ruines de Nisy sont bien celles d'un temple (fig. 8).
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Mur de fondation supportant les colonnes d'un péristyle |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 714k |
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Titre | Fig. 2 – Composition des bases III, IV, V |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 198k |
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Titre | Fig. 3 – Moitié d'antéfixe |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 132k |
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Titre | Fig. 4 – Signatures de fonds de vases |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-4.jpg |
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Titre | Fig. 5 – Pierre gravée |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-5.jpg |
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Titre | Fig. 6 – Bouton en bronze avec sa patine trouvé au castrum |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 54k |
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Titre | Fig. 7 – La cella du temple |
Légende | Au sud, aboutissement de la galerie formant péribole (voir fig. 8). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 453k |
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Titre | Fig. 8 – La galerie à colonnade constituant le péribole du temple |
Légende | 1, meule à bras ; 2, grande pierre (0,90 x 0,90) ; 3, débris de colonne cannelée. Couche Tuffeau ; 4, moitié d’antéfixe ; 5 à 9, débris d’enduits peints ; 10, tuile courbe entière. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/121619/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 313k |
Pour citer cet article
Référence électronique
René Boissel, Yves Lavoquer, « Jublains – Temple dit de la Fortune » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Pays de la Loire, mis en ligne le 23 mars 2022, consulté le 23 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/121619
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