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AccueilRégionsGrand Est199651 – MarneReims – 14 rue de Venise

1996
51 – Marne

Reims – 14 rue de Venise

Sauvetage urgent (1995-1996)
Responsable d’opération : Philippe Rollet

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Afan

Texte intégral

1Préalablement à la construction d’un vaste ensemble immobilier, une fouille préventive a été menée à l’emplacement des biscotteries Auga – 14 rue de Venise. La superficie totale du projet couvre 8 000 m2 et la surface explorée lors des fouilles est de l’ordre de 6 000 m2. L’opération archéologique a permis de mettre au jour un ensemble urbanisé qui complète celui dégagé sur le site voisin du Conservatoire, rue Gambetta, en 1992.

La voirie antique

2Deux rues perpendiculaires qui délimitent quatre insulae ont été mises au jour. L’hypothèse, émise lors de la fouille du Conservatoire rue Gambetta, d’un gauchissement de l’orientation de la rue A qui suivrait la courbe du fossé de l’oppidum n’est pas vérifiée ici mais reste envisageable plus à l’ouest, pour rejoindre la rue mise au jour rue des Capucins en 1989. Vers l’est, le prolongement de la rue passe immédiatement devant l’arc antique de la Porte Sazée.

3La rue B correspond à un axe de circulation qui traverse la ville du nord au sud (sur au moins 1 400 m), repéré déjà plusieurs fois, notamment, sur le site du 28 boulevard Joffre en 1988 et rue Libergier en 1983.

4Les rues sont implantées vers la fin du règne d’Auguste. À l’origine, elles sont bordées de caniveaux peu profonds qui délimitent une surface de roulement de 9,50 m de large, directement sur le terrain naturel ou le paléosol.

5En ce qui concerne la rue B, lors de la première décennie de notre ère, des niveaux de circulation construits en craie compactée, généralement surmontés d’un cailloutis, vont se succéder et de nouveaux caniveaux latéraux, vraisemblablement boisés, en retrait des précédents, vont être aménagés. Ils rétrécissent ainsi la largeur de la chaussée de roulement à 8,50 m puis à environ 5,80 m.

6Au cours des deuxième et troisième décennies, un niveau de circulation empierré est construit sur une chape de craie et les fossés latéraux sont placés sur le même emplacement que ceux auxquels ils succèdent ; côté est de la rue nord-sud, le remplissage du fossé Présente un surcreusement qui semble correspondre à n curage.

7À la fin du ier s., deux niveaux de chaussées sont construits en craie. Au premier niveau, sont associés de larges fossés latéraux qui contiennent un abondant mobilier archéologique. Ils sont implantés légèrement en retrait des précédents, vers l’extérieur, et délimitent une surface de roulement sensiblement plus large que la précédente (environ 6,80 m). Le second niveau est recouvert d’une épaisse couche d’utilisation.

8Les caniveaux contiennent un matériel archéologique très abondant au moment où la rue est la plus étroite, et correspond probablement au plein essor de l’urbanisation du site. La réduction de la surface de roulement peut correspondre à une colonisation temporaire des trottoirs des chaussées par les riverains. Les piliers de portique sont construits au iie s. sur l’emplacement des tous premiers caniveaux. Les fondations de piliers sont construites en craie pilée et descendent généralement jusqu’au substrat géologique. La surface de circulation contemporaine du portique n’est pas conservée, mais peut être déduite de la distance entre les piliers qui est de l’ordre de 8,50 m. Ces portiques matérialisent une stabilisation de l’espace public qui met fin à la colonisation des trottoirs.

9Les dernières chaussées étaient vraisemblablement empierrées, puisque récupérées.

L’habitat antique

10Il apparaît qu’initialement seules les rues existent. Peu de traces d’occupation correspondant aux premières décennies de notre ère, ont pu être mises en évidence. Cependant, les réfections des niveaux de circulation, observées dans un laps de temps assez court témoignent bien d’une activité dans le quartier, dès l’époque augustéenne, ce qui tendrait à confirmer la présence de constructions, probablement en matériaux périssables, au moins en bordure des rues ; l’urbanisation n’intervenant qu’ensuite, car les premières constructions, fondées en pierres et alignées avec les rues sont datées du milieu du ier s.

11Dans la seconde moitié du ier s., interviennent des changements qui concernent à la fois les techniques de construction et la densité de l’occupation. On voit apparaître des murs fondés en craie pilée compactée. À Reims, il est admis que ce type de fondation succède et souvent coexiste avec les fondations en pierres. Généralement cette technique apparaît lors de réaménagements (par exemple, découpage d’une pièce), ou pour de nouvelles constructions. Pour la première fois on a eu l’occasion, sur ce site, d’avoir la preuve que lors de reconstructions, certaines fondations en pierres sont récupérées et remplacées par des fondations en craie qui reprennent exactement leur tracé, ce qui confirme les hypothèses antérieures. La raison de ce phénomène est à rechercher dans le fait qu’on récupère les pierres, un matériau utile pour la construction des élévations, et qu’on le remplace par la craie, matériau qui présente une meilleure stabilité d’ensemble.

12Les techniques romaines sont désormais largement présentes : murs maçonnés (opus caementicum pour les parties basses des élévations, les parties hautes étant généralement construites en briques crues), peintures murales, sols avec inclusions de tesselles, sols en terrazzo, caves maçonnées en moellons de craie ou en pierres avec chaînages de briques et joints lissés au fer. La forte densité des structures révèle une occupation quasi totale de la surface, avec une réduction des espaces non construits comme les cours, ce qui atteste une urbanisation en plein essor.

13La dernière phase de construction semble s’établir dans le courant du iie s. et correspond à la création d’hypocaustes, de puits, et utilise principalement les fondations en craie.

14Le site est occupé jusqu’au iiie s. L’abandon est marqué par la récupération systématique des matériaux. Le rare mobilier présent sur les sols et le peu de tuiles retrouvé dans les couches de démolition, témoignent plus d’un abandon progressif que d’un abandon rapide et brutal. La construction du rempart du Bas-Empire (situé à environ 200 m) qui nécessite un volume considérable de matériaux, peut être éventuellement mise en relation avec ce phénomène de récupération.

15La nature de l’habitat, quant à elle, est plus complexe à identifier. On constate que les trois insulae étudiées présentent des caractéristiques différentes. Fouillée en 1991, l’insula, au nord de la rue A, est occupée par de petite unités d’habitation. 22 caves sont présentes dans les pièces en façade sur rue, ce qui peut laisser supposer la présence de petits commerces.

16L’insula à l’ouest de la rue B possède des caractéristiques différentes. Le dernier état tend à montrer l’existence d’au moins 3 parcelles de 29 m sur 27 m à l’intérieur desquelles on distingue des petites cours et des passages destinés à la circulation interne. L’organisation des pièces est régulière et alignée sur l’axe des rues au niveau des façades qui présentent probablement des boutiques sur la rue, alors que l’intérieur de l’îlot montre une distribution plus irrégulière. D’où l’hypothèse d’une première phase de construction en bordure des rues avec une densification progressive dans les espaces libres en cœur d’îlot. Là aussi, il est possible qu’une activité dont la nature ne peut être précisée en raison de l’érosion des couches, se soit développée avec des ateliers, des aires de stockage et des boutiques au rez-de-chaussée et les pièces d’habitation à l’étage.

17L’insula à l’ouest de la rue B, a été en partie observée en 1991, sur une faible surface en façade des deux rues. Lors de cette opération seule un secteur conserve des vestiges antiques qui ne sont pas en connexion avec la rue. L’orientation légèrement divergente de ces structures, en cœur d’îlot, est peut-être due à la présence d’un habitat antérieur à l’urbanisation du quartier comme c’est le cas sur la fouille du boulevard Joffre, mais il n’a pu être mis en évidence. Par contre, il apparaît qu’à l’approche de la rue, les murs sont à nouveau orientés en fonction de celle-ci. À l’intérieur de cette insula, une meilleure conservation des couches a permis de définir plusieurs phases de construction, du ier s. jusqu’à l’abandon du site. Ainsi des relations ont été établies, grâce à la chronologie, entre l’évolution des rues et celle de l’habitat qui peuvent servir pour une modélisation de l’évolution de l’ensemble de ce quartier antique.

18À partir du Bas-Empire, le site n’est plus occupé et a certainement été remis en culture.

19Vers la fin du xiiie s., les Clarisses de Reims y établissent leur couvent. Les terrains étudiés correspondent à la partie sud de l’enclos du couvent des Clarisses de Reims. Il s’agit principalement d’une zone de jardins, d’après les plans anciens. L’occupation est matérialisée par des fondations en moellons de craie correspondant à des murs de parcelles qui délimitent des jardins, des fosses dont deux ont livré un matériel relativement abondant daté de la fin du xve-première moitié xvie s., puits et glacières. Deux creusements importants de la même période, dont la fonction reste énigmatique (carrières d’exploitation de la craie à ciel ouvert, étang ?) ont, en grande partie, détruit les traces d’occupation antiques et médiévales.

20Le site est abandonné par les religieuses à la Révolution. Des maisons vont d’abord occuper les terrains en façade de la rue de Venise puis viendra ensuite l’installation de la biscotterie.

21Pour conclure, les chantiers mitoyens de la rue de Venise et de la rue Gambetta ont fourni l’opportunité rare d’étudier la structure urbaine d’un quartier antique du Haut-Empire et un enclos monastique sur une surface de l’ordre de 1,5 ha.

Fig. 1 – Plan d’ensemble des structures antiques des fouilles de la rue Gambetta (1991) et de la rue de Venise (1995-1996)

Fig. 1 – Plan d’ensemble des structures antiques des fouilles de la rue Gambetta (1991) et de la rue de Venise (1995-1996)

En noir, les murs relevés ; en gris, les murs restitués.

Fig. 2 – Zone 3, état 1, pièce A : hypothèse de restitution

Fig. 2 – Zone 3, état 1, pièce A : hypothèse de restitution

La présence des pierres crapaudines permet d’imaginer une structure à l’étage, indépendante des murs.

Dessin : M. Poirier.

Fig. 3 – Caniveaux est de la rue B

Fig. 3 – Caniveaux est de la rue B
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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Plan d’ensemble des structures antiques des fouilles de la rue Gambetta (1991) et de la rue de Venise (1995-1996)
Légende En noir, les murs relevés ; en gris, les murs restitués.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/123752/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 278k
Titre Fig. 2 – Zone 3, état 1, pièce A : hypothèse de restitution
Légende La présence des pierres crapaudines permet d’imaginer une structure à l’étage, indépendante des murs.
Crédits Dessin : M. Poirier.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/123752/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 259k
Titre Fig. 3 – Caniveaux est de la rue B
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/123752/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 597k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Philippe Rollet, « Reims – 14 rue de Venise » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Grand Est, mis en ligne le 02 novembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/123752

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