1Les mesures compensatoires à la construction du deuxième pont de Moulins sur l’Allier comprennent la réfection de la passe à poissons de la rive droite du pont Régemortes. Pour la construction du batardeau d’épuisement de la zone, les sables ont été pris en aval, ce qui a provoqué des creusements importants dans le lit mineur de la rivière.

Pont Mansard

2La passe à poissons en aval du Pont Régemortes montre les vestiges du Pont Mansard dont la construction a été ordonnée par Louis XIV à son architecte Jules Hardouin-Mansard. La pose de la première pierre eut lieu le 4 septembre 1705. Le 8 novembre 1710, alors que le pont n’est pas achevé et que les cintres sont toujours en place, il s’écroule, sapé par les eaux d’une très forte crue.

3L’emprise asséchée pour les travaux de la passe à poissons comprend la pile ouest du pont, la deuxième étant sous le perré est et les culées se trouvant sous la route à l’est, et sous le batardeau à l’ouest. Les pieux de fondation munis de sabots de fer ont été trouvés à l’emplacement présumé de cette pile. Les bois liés à la construction, parfois en connexion, sont à un niveau proche de la base des fondations. Leur situation profonde est due à l’érosion des sables sous les structures, ce qui a provoqué leur enfoncement progressif.

4Des ensembles cohérents et importants de bois assemblés ont été trouvés. Ils étaient recouverts par des blocs de grès, briques et remplissage de calcaire chou-fleur, non organisés, la plupart déplacés et réunis au sud et au nord à partir de 1976 pour réaliser des digues destinées à casser le courant en dessous de la passe à poissons et du pont Régemortes. L’incision du lit au bas de la passe est de 2,74 m par rapport au niveau du radier du pont actuel (204,94 m). Les hauts des pieux et sabots restants s’étagent entre 201,60 m et 202,44 m d’altitude, ce qui montre que ces pièces ont été ponctuellement découvertes et soumises à l’érosion sur 3,34 m de hauteur.

5Des écroulements d’ensembles de blocs de grès et de briques bien lisibles sont tous orientés du sud-ouest vers le nord-ouest à partir du nuage de pieux du secteur centre, correspondant à l’emplacement de l’ancienne pile ouest. Ils sont pour partie encore liés par du mortier, parfois avec un mortier de tuileau ou avec un mortier gris classique. Des maçonneries lient sur certaines parties une alternance de grès et de briques. Sous ces blocs, un ensemble de bois assemblés bien conservé est en partie dégagé par le courant. Cette fenêtre laisse présumer que ces grands écroulements pourraient recouvrir également d’autres bois assemblés.

6L’épave d’un bateau à fond plat, dont 8,45 m de long sont visibles au diagnostic, se trouve piégée sous les gravats du pont. Elle pourrait être un bateau lié aux travaux de construction.

7Dans le courant des xvi^e et xvii^e s., l’ingénierie des ponts se développe, avec notamment la création du corps de commissaires des Ponts-et-Chaussées en 1716. La découverte des assemblages ayant servi à la construction du Pont Mansard constitue un éclairage très ponctuel sur les techniques d’ingénierie du début du xviii^e s. Les modules liés aux techniques alors en cours d’évolution constituent un cas unique et inédit et une opportunité de documentation.

Travaux affectant le pont Régemortes

8Une partie de ce pont est touchée par les travaux, une rigole étant prévue : 2 m de large et 0,20 m de profondeur, creusée dans le radier.

9La première pile est sculptée en amont et en aval de deux échelles de hauteur, qui sont graduées en chiffres romains, très exactement en pied-de-roi, de 32,4 cm. Des échelles métriques métalliques ont été apposées par-dessus avec la généralisation du système métrique. Trois marques de crues sont visibles, dont certaines sont pratiquement effacées.

10La partie supérieure du radier de dalles est en partie visible sous les réparations contemporaines. À l’aval du radier, les bois des cadres d’origine apparaissent très dégradés. De grands madriers perpendiculaires au courant, posés à tenon-mortaise sur des pieux, calent des pieux de palplanches. L’ensemble est solidarisé par de grands clous à tête triangulaires de 30 cm de long.

Duits et endiguements

11Une vaste zone a été creusée pour construire le batardeau nécessaire aux travaux d’assèchement de la passe à poissons et a fortement affecté le secteur. Une structure linéaire de pieux et de blocs a été mise à jour, qui s’aligne sur la culée des anciens ponts xiii^e-xvii^e s. et un ancien quai situé à 80 m en amont qui marquait la rive gauche jusqu’à l’élargissement du lit de la rivière par Régemortes. Elle s’allonge sur 109 m, avec une largeur de 4,50 m à 8 m, et comprend 278 bois, essentiellement des pieux et quelques bois horizontaux. Des parties importantes des enrochements ont été conservées en place.

12La construction a les caractéristiques d’un endiguement ou duit de navigation. Les archives de Moulins mentionnent à plusieurs périodes les travaux réalisés par la ville pour empêcher l’Allier de dériver vers l’ouest. En effet, la circulation fluviale importante doit passer sur la rive de la ville, faute de quoi, le commerce des bateaux risque de ne pas s’y arrêter et les péages, nécessaires à l’entretien des ponts et des autres ouvrages de la ville, plus perçus. Les archives documentent la construction à plusieurs reprises de bâtis de pieux aux abords de Moulins pour dériver la rivière devant la ville, ainsi que la destruction des moulins qui détournent la rivière.

13Quatre datations radiocarbones ont été réalisées et montrent des constructions et réparations depuis la première moitié du xv^e s., jusqu’à l’abandon de cette rive ouest, lors de son immersion, avec la fin de la construction du pont Régemortes en 1763.