1Au terme de ce diagnostic mené entre juin et juillet 2021, les données acquises s’avèrent importantes et, pour la plupart, inédites. Les dix-huit sondages sédimentaires et bâtis pratiqués dans l’emprise du Castel-Franc, situé en bordure sud-ouest du Vieux Vichy, apportent des données archéologiques sur l’occupation médiévale à contemporaine du site. Ce diagnostic archéologique intervient en amont d’une campagne de restauration et de réhabilitation engagée par la société propriétaire du site depuis 2019.

2Le diagnostic sédimentaire du parc arboré intervient en amont du projet de réaménagement de ce dernier. Aujourd’hui détérioré, il est destiné, après restauration, à devenir un lieu de repos et de promenade pour les usagers du futur complexe hôtelier. La prescription de diagnostic couvre l’emprise de ce parc, soit 2 292 m². Les deux sondages ouverts représentent une surface d’étude de 103 m², ce qui correspond à 4,49 % de la superficie du parc. Le diagnostic bâti du Castel-Franc intervient également en amont du projet de restauration et de réhabilitation du bâtiment destiné à accueillir plusieurs espaces fonctionnels : un hôtel, un restaurant et une salle d’exposition. La prescription de diagnostic couvre la totalité des élévations du bâtiment, soit 1 750 m² de murs répartis sur quatre niveaux. Les quinze sondages ouverts représentent une surface d’étude de 195 m², ce qui correspond à 11,14 % de l’élévation du bâtiment. La surface étudiée est donc restreinte par rapport à l’emprise globale du bâtiment et de son parc arboré. Le présent diagnostic a ainsi permis de sonder 7,37 % de la surface archéologique (plan et élévation) totale du site.

3Sept périodes ont été retenues pour définir les grandes étapes d’occupation, de construction et d’évolution du site à partir des résultats du diagnostic.

Période 1 : topographie et exploitation du rocher

4Le Castel-Franc est établi en limite septentrionale d’un affleurement rocheux. Ce dernier a été abordé à plusieurs endroits du diagnostic. Dans l’emprise du Castel-Franc, il affecte un important pendage de direction nord-ouest – sud-est, auquel vont se conformer les constructions. Ce secteur abrupt, très largement urbanisé, n’a jusqu’à aujourd’hui, jamais été abordé par l’archéologie et l’origine naturelle et/ou anthropique de son profil général n’a pas pu être établie dans le cadre de ce diagnostic. Il ne peut pas être exclu que ce secteur ait servi de carrière à grande échelle, comme le secteur tout proche des Célestins/Lardy (Walter 1941, p. 164).

5La nature de ce socle rocheux n’a été observée qu’en partie inférieure de l’escarpement sur environ 20 m². Il a été identifié comme un dépôt de travertin issu de la source dite des « Célestins ». Il est ici en position secondaire. Ce socle rocheux montre une surface accidentée, marquée par des failles, des basculements, voire le détachement de certains gros blocs. Si l’origine naturelle de ces surfaces reste inexpliquée, plusieurs éléments convergent vers une exploitation de ce rocher. L’exploitation de ce rocher est principalement attestée par la présence d’une zone d’extraction à ciel ouvert semi-urbaine (Blary, Gély 2020). Antique ou médiévale, cette carrière a été réutilisée comme embarcadère. Ce type d’aménagement est en effet signalé plusieurs fois à l’époque moderne pour accéder aux bords de l’Allier ou à la source des Célestins.

Période 2 : modifications du cours de l’Allier (ix^e-xviii^e s.)

6Le présent diagnostic permis d’apporter de nouvelles données quant aux évolutions du cours de l’Allier à proximité du Castel-Franc. La découverte de dépôts alluviaux datés entre le ix^e et le xviii^e s. confirment bien la présence toute proche, voire affleurante, de l’Allier au niveau de l’ancienne ville médiévale, au pied de l’affleurement rocheux des Célestins. Si l’eau semble bien circuler au pied du rocher jusqu’au xi^e s., la stratification de ces dépôts montre le recul progressif de l’Allier vers la rive sud à partir du xvi^e s., avec un point de non-retour à la fin du xviii^e s., période d’importantes crues et de modifications du lit de l’Allier (Walter 1941, p. 263-280). Une nette rupture stratigraphique a été constatée dans les sondages du parc arboré à partir de la fin du xix^e s. La dynamique des dépôts alluvionnaires s’arrête au profit d’une occupation de plus en plus anthropique.

Période 3 : mise en place d’un îlot urbain (xv^e s.)

7Le présent diagnostic archéologique n’a donc pas permis de valider les hypothèses émises depuis plusieurs années sur le tracé et les datations des fortifications du Vieux Vichy (Walter 1941a). En revanche, cette troisième période d’occupation correspond à plusieurs ensembles construits qui pourraient répondre à une organisation en îlot urbain. Les caractéristiques de construction et les liaisons entre ensembles construits n’ont que très ponctuellement été observées. La datation de ce possible îlot est estimée à un « grand » xv^e s.

Bâtiment « A »

8En partie est du Castel-Franc, l’angle d’un bâtiment orienté nord-ouest a été reconnu. Une seule pièce peut donc être restituée. Deux baies en plein cintre surbaissé sont intégrées au mur oriental de cette pièce. Observées sur un même plan, elles se situent à des altitudes légèrement descendantes vers le sud. Ce type de mise en œuvre est souvent observé dans des constructions cherchant à compenser la dénivellation abrupte d’un terrain (Rollier 1994 ; Clément 2016, p. 170-171) et sous-entend l’utilisation d’une terrasse artificielle, ici reconnue dans les importants soubassements du bâtiment actuel.

Le corps de logis « B »

9En partie ouest du Castel-Franc, un bâtiment cohérent a été reconnu. Celui-ci est encore identifiable dans le plan actuel du Castel-Franc grâce à des maçonneries massives. Il ne semble pas être isolé puisque des indices de mitoyenneté ont été repérés. La façade de ce bâtiment se développe depuis la rue Verrier vers le sud. Elle est contemporaine d’une tour d’escalier qui assure la circulation verticale et principale du logis. La pièce principale de ce dernier peut être reconnue grâce à la découverte d’une cheminée monumentale. Cette dernière s’inscrit dans une typologie connue pour la fin du xv^e s. (Sirot 2011, p. 63-65). Ce corps de logis repose sur une salle partiellement enterrée, contrainte par la topographie du site et par le parcellaire urbain. Construction soignée, cette salle s’étend sous la rue Verrier via une annexe. Aujourd’hui reconnue comme une simple trappe à charbon, cette annexe est encore identifiée au xix^e s. comme une descente d’escalier. Les représentations graphiques anciennes associent cet escalier indépendant à un bâtiment, sans doute détruit lors des grands projets d’alignement de façade du xix^e s. Le voûtement en berceau, partiellement conservé de cette salle, la présence de placards et l’accès depuis la rue Verrier garantissant une indépendance totale par rapport aux bâtiments alentours, poussent à identifier cette « cave » comme un espace de stockage (Renaud 2016, p. 242-263). Une analyse plus approfondie des élévations conservées, simplement photographiées dans le cadre de ce diagnostic, pourrait confirmer notre hypothèse quant à la fonction de cet espace et apporter de nouvelles données sur le parcellaire médiéval de Vichy, tout en soulevant de nouvelles interrogations sur la gestion de l’espace urbain vichyssois, aujourd’hui totalement inconnue.

Périodes 4 et 5

10Les périodes 4 et 5 correspondent à un certain nombre de réaménagements réalisés sur les ensembles construits de la période 3. Elles correspondent à des modifications réalisées avant le xix^e s.

Période 6 : transformation en hôtel particulier

11La période 6 couvre le xix^e et le début du xx^e s. Elle correspond à la création de l’hôtel particulier néogothique de la famille Gravier durant les travaux engagés en 1885 par Charles Gravier du Monsseaux. Le bâtiment prend alors le nom de « Castel-Franc » par suite de la découverte supposée de vestiges appartenant au premier château médiéval de Vichy dans les élévations anciennes du bâtiment. Un programme de construction cohérent est suivi pour la création du « Castel-Franc ». Plusieurs étapes de construction ont été identifiées dans les différents sondages du présent diagnostic, mais aussi grâce aux sources écrites. Un aspect néogothique est donné à la façade sud de cet hôtel particulier grâce à une reprise très importante des étages en partie est, notamment avec la création d’une tourelle quadrangulaire. La première étape de chantier correspond aux nombreux percements réalisés dans les maçonneries anciennes pour la création de baies. Si l’aspect général extérieur du bâtiment est très largement modifié, l’intérieur l’est également, avec la création de nouveaux planchers harmonisés sur tout le bâtiment. On constate alors une organisation intérieure sous forme de pièces en enfilade. De nouveaux axes de circulation sont créés en arrière de façade.

Période 7 : transformations et réfections contemporaines. Création du musée de la Compagnie fermière de Vichy (xx^e-xxi^e s.)

12Du fait de la conservation de nombreux plans d’archives et de la présence d’autres sources descriptives, la septième période d’occupation du Castel-Franc est la mieux documentée. Elle correspond à la création du musée de la Compagnie Fermière de Vichy dans l’hôtel particulier de la famille Gravier du Monsseaux. Entre 1936 et 1938, Gustave Simon, architecte de la Compagnie, réalise des aménagements intérieurs et extérieurs pour adapter l’hôtel particulier à une fréquentation importante de visiteurs. Le premier changement concerne la mise en place d’un escalier tournant à deux volées droites pour relier le rez-de-jardin côté boulevard John Kennedy, au rez-de-chaussée du bâtiment côté rue Verrier. Le second changement correspond à l’agrandissement du bâtiment, avec l’adjonction de l’ancienne buanderie, de forme octogonale de la villa voisine « du rocher » au nouveau musée. En parallèle, de nombreux aménagements rendus inutiles par le changement de fonction du bâtiment sont détruits.

13Les extérieurs de la propriété sont plus tardivement mis en valeur. En juillet 1936, le parc est encore à l’état de « jardin potager ». Il faut attendre 1949 pour que le jardin « à la française », aujourd’hui partiellement conservé, soit réalisé. Ce jardin s’organise autour de parterres et bosquets symétriques au centre desquels est aménagé un bassin. L’arrachement de ce bassin et son adduction abandonnée ont pu être identifiés dans le sondage 1. Le musée du Castel-Franc ferme ses portes en 1984. En 1997, le bâtiment est racheté par la ville de Vichy au groupe Nestlé, propriétaire de la Compagnie des Eaux de Vichy. Il est mis en vente et racheté par les propriétaires actuels en 2019.

14Les résultats de ce diagnostic fournissent en premier lieu de nouveaux éléments sur le contexte environnemental de Vichy et ses évolutions liées aux fluctuations de l’Allier. En second lieu, les observations effectuées sur les élévations ont permis de mettre en évidence la conservation importante de maçonneries anciennes (médiévales et modernes) dans les élévations du Castel-Franc (son état actuel relevant des modifications des xix^e et xx^e s.). La reconnaissance partielle de plusieurs bâtiments, estimés du xv^e s., formant un possible îlot urbain, permet d’apporter de nouvelles données sur la ville médiévale de Vichy, implantées sur le rocher dit des Célestins, jusqu’alors trop peu documentées, voire inconnues.