1La reconnaissance et l’étude des vestiges archéologiques dispersés sur les cols et les zones d’altitude des Alpes, préservés durant des siècles, voire des millénaires, par les neiges et les glaces plus ou moins permanentes, est aujourd’hui urgente. En effet, la fonte de ces appareils « conservateurs » est engagée depuis la fin du Petit Âge Glaciaire vers 1840. L’accélération du réchauffement climatique depuis la fin du xx^e s. compromet la préservation des vestiges de passage, d’accidents et d’activités variées qui témoignent de l’intérêt des sociétés humaines pour ces terres hostiles. Les vestiges les plus fragiles, en bois, textiles, peau, etc. sont voués à disparaître à brève échéance ; les autres (en métal, pierre, etc.) seront définitivement altérés ou oblitérés par les phénomènes météoriques et biologiques à l’œuvre dès leur sortie des glaces.

2Nous avons amorcé un travail de suivi de 2007 à 2009 sur le passage du Colerin à Bessans (3 200 m d’altitude). Depuis 2018, ce travail a été élargi à tous les cols glaciaires de la vallée d’Avérole dans la même commune et deux autres sites ont été reconnus : au col d’Arnès (3 012 m) et surtout au col de l’Autaret (3 072 m).

3La campagne de terrain 2021, réalisée en deuxième quinzaine d’août, visait à conforter nos connaissances sur les sites glaciaires déjà connus à Bessans et à développer des prospections exploratoires sur d’autres secteurs favorables. Elle a été conduite sous la direction du responsable et de Valentin Lafont, doctorant (Lyon 2), selon la procédure mise en place les années précédentes : prospection pédestre en équipe, inventaire, photographie, positionnement et prélèvement de tous les vestiges archéologiques et naturels qui ne soient pas à coup sûr contemporains (plastiques, boîtes de conserve, fils de fer barbelé et autres vestiges militaires du conflit de 1939-1944).

4Les résultats de la campagne 2021 peuvent être résumés de la manière suivante.

5Au Colerin à Bessans, la collecte a été très fructueuse grâce à la fonte du glacier, en particulier au pied du col, près du lac glaciaire, avec de nombreux petits vestiges en bois et textile (une pelote de cordelette). Sur la retombée ouest, une lance presque complète monoxyle, datée par le radiocarbone des i^er-ii^e s. apr. J.‑C., a été collectée. 151 objets ont été collectés cette année.

6Au col d’Arnès à Bessans, les découvertes sont maigres (18 objets en 2021) : une petite série d’os animaux sous le col (comme en 2020), espèce Bos taurus, quelques bois épars et en mauvais état de conservation dans les délaissées glaciaires du xx^e s.

7Au col de l’Autaret à Bessans, le névé qui masque le fond du vallon sous le col était bien développé lors de notre passage, interdisant toute observation sur le dernier secteur encore englacé. La prospection fine a concerné la surface autour de ce névé, avec une maigre collecte de 23 objets sans découverte notable.

8Au col de la Galise à Val-d’Isère (2 987 m), peu de vestiges ont été identifiés, malgré une première prospection fructueuse de la part de P.-J. Rey menée en 2019.

9Au col de la Lose (2 957 m) et au col de la Vache (2 955 m) à Val-d’Isère, les quelques fragments de bois collectés sont de peu d’intérêt. En revanche, le petit lac proglaciaire sis sous le col de la Lose, à la cote 2 880 m environ, recèle de très nombreux vestiges en bois, dont un probable fragment d’arc indatable en l’état (fig. 3). La prospection de 2021 a permis de collecter 55 objets, mais il s’agit là d’une première approche.

10Suite au signalement d’une découverte au col du Grand Fond en Tarentaise (communes de La Plagne et de Les Chapelles, 2 671 m), une prospection des deux passages très proches a permis de collecter 18 bois de datation incertaine, certains très récents, d’autres plus anciens.

11Des enregistrements photogrammétriques ont pu être effectués au Colerin et au lac de la Lose par Emmanuelle Regagnon (CNRS, UMR 5133 Archéorient). Ils permettront de projeter les points de découvertes sur un fond géoréférencé et actuel, l’environnement se modifiant très vite sur les fronts de déglacement.

12Au bilan, la stratégie exploratoire révèle toute son efficacité mais aussi ses limites, induites par la disponibilité et par l’endurance des prospecteurs archéologues, ainsi que par la courte fenêtre d’observation dans l’année, de mi-août à mi-octobre environ, compte non tenu des aléas météorologiques (chutes de neige, etc.). Un travail collaboratif est plus que jamais nécessaire, de même que la sensibilisation la plus large possible auprès des professionnels et des usagers de la haute montagne. Ce travail, réfléchi depuis 2020, s’élabore lentement. Une concertation est engagée avec les institutions archéologiques régionales concernées par cette problématique : SRA ARA, Conservations du patrimoine des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, Musée-Château d’Annecy. Un projet de site internet collaboratif qui permettrait de recueillir les signalements de découvertes et d’informer les publics est en cours de réflexion. Il pourrait connaître ses premiers développements en 2022, en parallèle à la tenue d’une exposition « vestiges des cîmes » au musée d’Annecy organisée par L. Tremblay-Cormier.