Boves – Complexe castral et prioral du Quartier Notre-Dame
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Année de l'opération :
2010Numéro d’opération :
9879Chronologie :
époque médiévaleNature de l'opération :
fouille programméeNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Université de Picardie Jules-Verne
Texte intégral
1Cette année, nous avons obtenu une nouvelle autorisation de fouilles programmées de trois ans (2010-2012) pour terminer le secteur sud-ouest de la plate-forme de la motte castrale de Boves et pour sonder diverses parties de la basse-cour. Avec une trentaine de stagiaires, la plupart étudiants venus de l’université de Picardie et d’autres universités françaises (Paris, Lille, Arras, Poitiers...), nous avons poursuivi les travaux menés depuis 2006 sur le grand donjon du xiie s., reconstruit à la fin du xive s., et sur ses abords (partie orientale, secteur nord, rebords ouest et sud de la motte) ainsi que sur les occupations antérieures (xe-xie s.) heureusement préservées sous les sols du donjon. Nous présentons ici les principales découvertes 2010 en fonction de la chronologie générale du site qui, rappelons-le, est fouillé depuis 1996. Des informations capitales ont été rassemblées sur la construction de la motte, laquelle semble être bien contemporaine de la première installation aristocratique (début xe s.). Le rebord de motte (« couronne périphérique ») est structuré par des lits de moellons de craie (extraits certainement du creusement du grand fossé sud), déposés en gradins depuis le sol extérieur (basse-cour actuelle) jusqu’au sommet de la plate-forme (ph.1). Chaque lit de moellons est associé à au moins un radier damé de craie pilée, en pente vers l’intérieur de la motte. La pente de ces radiers est donc de plus en plus forte au fur et à mesure que l’on monte. Le contact entre les lits de moellons et les radiers n’est pas direct, peut-être en relation avec l’évolution d’une machine, de type « rouleau compresseur », qui servait à damer les radiers successifs (ph.2). Des trous de pieu placés entre les radiers et les lits de moellons, aux différents niveaux, pourraient être liés à cette opération de damage (pour remonter le rouleau à l’aide de cordes), mais ils ont également pu servir au raidissement de cette partie du rebord de motte au fur et à mesure de sa construction. Grâce aux orientations des radiers damés au sud du secteur extérieur sud-ouest (ph.3) et à leur interruption au sud du secteur oriental, il est possible de reconstituer l’emprise de la première motte dans sa partie méridionale. Dans le secteur oriental, un sondage profond a confirmé la succession des radiers de construction et leur forte pente vers le centre de la motte (ph.4). Ces informations confirment l’ampleur des travaux de construction de la motte qui ont nécessité à la fois une main d’œuvre spécialisée et un lourd investissement en temps et en moyens financiers. Pour les phases les plus anciennes (phases 2A et B, xe s.), l’implantation du rempart de terre et de bois à partir de la phase 2B (seconde moitié du xe s.) pourrait être confirmée par la réutilisation d’une fosse (ancien silo ?) de rebord de motte comme avant-trou pour installer les poteaux des palissades interne et externe du rempart (ph.5). On constate une différence entre les zones fouillées quant à la densité des vestiges. Ils sont très nombreux dans la partie occidentale du secteur sud-ouest actuellement fouillé mais peu abondants dans la partie orientale. Est-ce seulement la conséquence d’un décapage dû à l’implantation d’une tour construite en pierre lors de la phase 3 (xie s.) ? Ces vestiges, largement préservés à l’emplacement du donjon roman, se présentent sous la forme de couches d’occupation (sols de terre battue) structurées par des sablières et des empreintes de poteau (ph.6). Il semble confirmé que, pour cette période, la pierre n’est utilisée que pour mettre en place des solins et pour caler les poteaux. La partie sud-ouest est particulièrement soignée, à l’emplacement d’un bâtiment légèrement excavé avec entrée à auvent (ph.7). On note plusieurs recharges de « mortier sans chaux » (ou « mortier de terre ») séparées seulement par une fine couche noire de piétinement, ce qui indique un nettoyage régulier (ph.8). La succession des bâtiments au même emplacement se confirme également avec des sablières superposées (ph.9), comme au centre est du secteur 2 (2000-2005). La variété des occupations (résidentielle avec ces recharges et une cheminée (ph.10), artisanale avec un four (ph.11), domestique avec une fosse de rejet de boucherie (ph.12) est d’autant plus remarquable qu’elle se développe sur des superficies réduites. La phase 3 (xie-première moitié du xiie s.) est, aujourd’hui, mieux déterminée avec l’emploi plus abondant de la pierre comme matériau de construction et, peut-être, par une meilleure sectorisation des activités. En particulier, la zone sud, structurellement plus élevée dès l’origine, est le lieu privilégié d’une implantation de constructions en pierre, avec une tour sub-carrée aux murs épais (ph.13) et un bâtiment avec cheminée certainement plus bas et rectangulaire implanté à l’ouest de la tour (ph.14), apparemment sans relation directe. Est-ce le fameux schéma aula-camera ? La fin de la phase 3 (première moitié du xiie s.) et les profondes modifications qui marquent la phase 4 pourraient être en relation avec un important effondrement vertical qui s’est produit au centre de la plate-forme (ph.15), peut-être provoqué par l’écrasement d’une salle souterraine, de type citerne, mise en place dès l’époque de la construction de la motte. Cet événement semble avoir été suffisamment violent pour entraîner la chute de la tour et la détérioration des bâtiments situés aux alentours. Le site a pu être abandonné le temps de sa remise en état, ce qui a permis une prise en considération globale de la plate-forme, d’où le nivellement général constaté les années précédentes pour l’interface entre les phases 3 et 4. L’endroit de l’impact a été colmaté selon plusieurs méthodes (blocage de craie, bouchon de mortier) et a pu servir occasionnellement de dépotoir (ph.16). La construction du donjon roman, qui s’est implanté sur l’arasement du bâtiment en pierre rectangulaire et qui a réutilisé des pierres de la tour effondrée (présence de murs fantômes), a tenu compte de cet effondrement par la mise en œuvre de larges semelles de fondations aux endroits sensibles (ph.17). Les relations entre la construction du donjon roman en phase 4 (milieu du xiie s.) et sa reconstruction en phase 5 (fin du xive s.) ont pu être précisées. D’abord en ce qui concerne l’extension sud-est de la plate-forme, si l’on considère que la fondation retrouvée en secteur oriental est bien le mur ouest d’une tour de flanquement de la phase 4 (ph.18), on aurait, pour la phase suivante, un agrandissement de l’angle sud-est de la plate-forme de la motte pour construire la nouvelle tour. C’est peut-être à cette époque qu’a été terrassé le triangle repéré de ce côté et reliant la butte au talus oriental surplombant le grand fossé sud. Ce triangle pourrait correspondre à la mise en place d’une rampe d’accès, avec une porte placée juste au nord de la nouvelle tour sud-est. Ce triangle de terre fera l’objet d’une investigation archéologique lors des prochaines années. Quant à la succession des constructions du donjon sud-ouest, les indices convergent pour une reconstruction d’ampleur à partir d’un arasement du donjon roman (ph.19). Seule la partie sud-est aurait été entièrement démontée par le creusement de l’angle de la butte, depuis l’extérieur et probablement jusqu’au sol, pour brancher une tour de flanquement avec des parements descendant au pied de la motte (voir les tours de Coucy, Aisne). Le reste des constructions a été établi sur l’arasement, avec réutilisation de certains éléments, comme une baie dans le mur occidental (ph.20). La courtine sud a dû être construite également par recoupement du rebord de motte, ce qui n’exclut pas une légère extension de cette partie de la plate-forme. L’année prochaine, le démontage des murs est et nord du donjon sud-ouest permettra d’étudier précisément les niveaux d’occupation antérieurs et de compléter le plan du château primitif (xe-xie s.). Par ailleurs, un large sondage au pied de la motte, dans cette partie sud-ouest, sera l’occasion d’étudier pour la première fois le fossé circulaire ceinturant la butte. Plusieurs investigations sont également prévues dans la bassecour et sur le talus oriental pour préparer la campagne 2012, qui sera essentiellement consacrée à l’analyse des vestiges archéologiques situés aux abords de la motte. Cette année, de nombreux prélèvements ont été effectués (charbons de bois, sédiments, mortier...). Leur analyse fournira de précieux renseignements sur la vie quotidienne de cette résidence castrale exceptionnelle et sur les techniques de construction des différents bâtiments. Le mobilier collecté est particulièrement riche : céramique, verre, tabletterie, métal, monnaies... Son étude nécessite un lourd investissement en temps et en compétences. Dès l’automne, une exposition est prévue au Musée de Picardie. Une publication concernant le mobilier retrouvé entre 1996 et 2005 viendra compléter les informations archéologiques déjà publiées en 2000 et en 2008 dans la Revue archéologique de Picardie.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Vue générale de la grande motte de Boves |
Crédits | Cliché : S. Charrier. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/129647/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 666k |
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Titre | Fig. 2 – Centre tour |
Légende | Vue du nord-est |
Crédits | Cliché : P. Racinet (université de Picardie Jules-Verne). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/129647/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 620k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Philippe Racinet, « Boves – Complexe castral et prioral du Quartier Notre-Dame » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Hauts-de-France, mis en ligne le 28 novembre 2022, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/129647
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