1Un permis de construire pour la réalisation d’une maison individuelle a été déposé pour un terrain sur lequel dès 1863 des vestiges de constructions romaines avaient été relevés. À la suite d’un diagnostic positif (Ferber 2020a), la fouille a mis en lumière quatre états d’un quartier où artisanat et habitat se mêlent, l’occupation semblant pérenne de la seconde moitié du ier au ive s. apr. J.-C. (Neyret-Duperray 2021). Si les niveaux de sol sont souvent absents, l’évolution du plan général des constructions a pu être reconnue grâce à la préservation des assises de fondations des bâtiments et vient compléter le travail entrepris sur la trame urbaine du bourg romain (Neyret-Duperray 2021).
2L’apport original et particulièrement précieux de cette opération réside dans l’étude des structures en creux, une cave, des puits et des fosses maçonnées.
3La fouille de quatre puits a permis de fournir un ensemble de données exceptionnellement bien conservées, excessivement rares dans le cadre d’une fouille terrestre.
4Quelques objets ont un intérêt muséographique patent (deux semelles de chaussures, des tablettes d’écriture, des ustensiles et des éléments de meuble en bois). Ils viennent compléter des corpus peu fournis. Une des semelles serait même un hapax. L’ensemble de tablettes simples ou assemblables en codex est un élément notable et les lignes d’écriture observables sur l’une d’elles, même si leur étude n’en est qu’aux prémices, demeurent une découverte de premier ordre.
5Par ailleurs, des déchets de tournage de bois, des chutes de taille et des ébauches de peignes ont permis de mettre en évidence l’existence d’un atelier travaillant, entre autres, le buis. Parallèlement, des branchages de noisetier présentant des écrasements caractéristiques des brins tressés et la grande proportion de tiges d’osier évoque la présence d’une officine de vannerie. Ces types d’atelier sont particulièrement difficiles à identifier, du fait de la disparition des vestiges périssables et ces lieux de production sont très rarement reconnus.
6La bonne conservation d’éléments organiques permet d’aborder le paysage environnant le site, ainsi que les plantes cultivées dans ce lieu à l’époque antique.
7Dans une ambiance de lisière de bois se côtoient des chênes, des hêtres, des sapins, des buis ainsi, qu’en plus faible quantité, des charmes, des frênes, et des bouleaux. Des zones humides à proximité sont bordées d’aulnes, de saules et de peupliers. Des tilleuls sont aussi très présents. Des vignes, des vergers, des cultures céréalières sont travaillés au voisinage du lieu. Noisetier, prunellier, sureau, continuent d’être exploités en plus de nouvelles espèces telles que le noyer, le pêcher, le prunier, le cerisier et le noyer. Un potager se compose de chicorée, d’aneth, de céleri, de coriandre, de pois, de groseillier et de chou. Les cultures du chanvre et du pavot sont également probables.
8Enfin, cette étude d’un ensemble de puits et de structures en creux maçonnées a permis de répondre, du moins en grande partie, à une énigme longuement débattue. Dès les premiers levés effectués à Izernore en 1863, l’abondance des puits avaient été mise en évidence. Deux secteurs avaient ainsi révélé une concentration anormalement élevée de ces structures de plan circulaire ou carré et de taille variée. Souvent associées au temple encore en partie en élévation, on leur a prêté jusqu’à une date récente des fonctions cultuelles (Fellague, Ferber 2017).
9En réalité, le nombre important de puits dans cette ville est dû à la corrélation de deux facteurs. D’une part, certaines structures sont des aménagements destinés à des activités domestiques ou artisanales : les puits de plan carré sont probablement des latrines, tandis que certaines fosses de petits diamètres et tapissées de dallettes s’apparentent à des structures de calage. D’autre part, la nappe phréatique court sur une couche d’argile étanche à moins de 3 m de profondeur. La construction d’un puits ne nécessite donc pas un travail très important et son coût demeure limité. Dans ces conditions, la mutualisation des moyens pour un bien collectif n’est pas indispensable et il est probable que chaque foyer ait été tenté de s’offrir sa propre source d’approvisionnement. Sur près de cinq siècles, le nombre de points d’eau s’en ressent (Ferber 2020b).
Fig. 1 – Plan général des vestiges
Répartition par secteur.
Levé : S. Couteau ; DAO : J. Clerc, A. Jusselle (Inrap).
Fig. 2 – Plan général des structures tous états confondus
Levé : S. Couteau ; photogrammétrie : G. Martin ; DAO : J. Clerc, A. Jusselle (Inrap).
Fig. 3 – a, puits PTS.100 avant fouille ; b, deux as d’Antonin le Pieux trouvés dans le fond du puits PTS.100
Clichés : E. Ferber (Inrap).
Fig. 4 – Vue générale du bâtiment BAT.25 et du puits PTS.103
Cliché : G. Martin (Inrap).
Fig. 5 – Colonne prise dans le mur MR.106 du bâtiment BAT.25
Clichés et DAO : Inrap.
Fig. 6 – Tablettes avec traces d’écriture
a, tablette F restituée et détail des lignes à l’encre ; b, tablette B et détails de graffiti laissés par le stylet sur la surface du bois ; c, tablette C et détail du nom incisé au revers.
Clichés : B. Lecomte-Schmitt (Inrap).