Les eaux salées : un horizon planétaire

1Si les opérations programmées ont marqué un peu le pas cette année, par suite notamment de l’implication chronophage des personnels du Drassm dans la réalisation des évaluations archéologiques générées par la croissance des aménagements en mer, presque tous les horizons maritimes de la métropole ou des espaces ultramarins ont en revanche été visités, de la mer du Nord à l’île de Beauté et de l’aire antillaise à l’océan Indien. À cet éclectisme géographique il faut associer une très vaste palette des séquences chronologiques côtoyées, depuis le porche d’entrée de la grotte paléolithique Cosquer jusqu’aux vestiges des ports édifiés à l’occasion du Débarquement de Normandie de juin 1944. Sur 102 opérations de toute nature autorisées, les prospections, thématiques, diachroniques, avec matériel spécialisé ou pas, restent nettement majoritaires (31), l’ensemble devançant d’une courte tête les sondages (25), puis les expertises ponctuelles de biens culturels maritimes (16) et les fouilles programmées (9).

Le Ponant : de l’estran au grand large

2L’étude de l’épave Waldam 3, découverte l’an passé sur l’estran de Marck, dans le Pas-de-Calais, a permis cette année de mettre au jour quelques vestiges mobiliers, dont un octant fort bien conservé, quelques fragments de faïence anglaise et française et du mobilier en verre. Ces derniers incitent à dater le site entre l’extrême fin du xviii^e et le début du xix^e s. et à l’identifier comme un navire de commerce britannique dont plusieurs sont réputés s’être perdus sur cette côte durant la chronologie cernée.

3L’analyse de l’épave du train-ferry Daffodil s’est par ailleurs achevée au large de Dieppe cependant que plusieurs opérations se sont efforcées de parfaire, d’une part l’exploration méthodique des vestiges des ports Mulberry A et B d’Arromanches, d’autre part la cartographie systématique de 21 sites de biens culturels maritimes du nord-Cotentin.

4Dans la Manche, dans le secteur de Saint-Jean-le-Thomas dont l’érosion ne cesse de grignoter l’estran, de nouveaux travaux sont venus compléter le corpus de nos connaissances des pratiques artisanales ou agricoles mises en œuvre autour de pêcheries datées de la période de transition entre le Néolithique et l’âge du Bronze.

5C’est aussi sur cette zone d’estran, si féconde en découvertes inédites et si terriblement menacée par les changements climatiques, que s’est poursuivie cette année la fouille de l’épave d’Erquy-les-Hôpitaux. Ses vestiges, partiellement saccagés par un clandestin, ont révélé un petit caboteur d’une dizaine de mètres de long sur 3 m de large majoritairement bâti en orme, à l’exception de la quille qui est façonnée en hêtre. L’étude des bois de charpente, comme celle des rares tonneaux de chaux conservés de la cargaison, ont permis de dater le site dans le troisième et le quatrième quart du xvii^e s.

6Découverte par des pêcheurs d’ormeaux, l’épave de Bloscon, à Roscoff, a pour sa part livré une exceptionnelle cargaison de près de 800 lingots d’étain et de plomb/étain. Certains d’entre eux ont conservé une série d’estampilles dont l’analyse dira peut-être l’origine et possiblement la chronologie, sans doute entre le milieu du iii^e et le milieu du iv^e s. apr. J.-C.

7Plus à l’ouest, non loin de Santec, sur l’ilot de Roc’h Santec menacé par l’érosion, un gisement signalé dès 1985 a révélé différentes phases d’occupation, depuis le Paléolithique supérieur (Azilien) jusqu’à La Tène finale, quoique les travaux conduits cette année aient permis de déterminer que les phases d’occupation principales de l’île sont à dater du Mésolithique et de l’âge du Fer.

8Dans le sud-ouest, sur la plage de l’Amélie, à Soulac-sur-Mer, dans un secteur où l’érosion est extraordinairement active, de nouvelles opérations de prospection de l’estran ont visé cette année un semis continu de vestiges datant du Néolithique au haut Moyen Âge. Si, en ces lieux, l’âge du Bronze est encore mal appréhendé, le premier âge du Fer est en revanche bien représenté. La production du sel était alors l’activité prédominante comme l’atteste le mobilier localement mis au jour. Désormais disponible, la carte archéologique précise des vestiges montre une importante densité d’occupation du secteur depuis le Néolithique jusqu’à l’Antiquité tardive.

9Bien plus récents mais tout aussi menacés par l’érosion, les vestiges du Mur de l’Atlantique ont fait également l’objet cette année, au large du cap Ferret, d’un inventaire systématique. Détruites, éparpillées, ensablées ou ennoyées, ces fortifications d’apparence cyclopéenne sont aujourd’hui définitivement condamnées !

10On ne saurait enfin quitter le Ponant sans rappeler que l’année 2015 a également permis au Drassm de poursuivre et d’achever le programme d’évaluation archéologique des parcs éoliens dits du 1^er appel d’offre dont l’installation est à court terme programmée au large de Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire.

Les franges nord de la Méditerranée

11Au large de Mèze, sur l’étang de Thau, le gisement de la Conque, que l’érosion menace, a livré cette année le fragile témoignage d’une double séquence d’occupation humaine datée, pour la première, des xi^e-x^e s., pour la seconde, du milieu du ix^e s. avant notre ère.

12Non loin, le sondage conduit sur l’épave Aresquiers 12, découverte en 2007 devant Villeneuve-lès-Maguelonne, a révélé un navire de construction méditerranéenne, d’un peu plus de 20 m de long. Cette épave se singularise par les blocs de souffre qui composaient, semble-t-il, l’essentiel de sa cargaison. Ce gisement pourrait ainsi constituer un second témoignage, après l’épave Aresquiers 11, du commerce soutenu qui vit au xix^e s. maintes cargaisons de souffre acheminées depuis la Sicile vers le port de Sète afin de combattre l’oïdium, un champignon qui menaçait la production vinicole du fameux muscat de Frontignan.

13Dans le même secteur, décidément prometteur, la fouille de l’épave de la Jeanne-Élisabeth s’est poursuivie cette année dans une zone d’entrepont particulièrement riche en petit mobilier car épargnée par les pilleurs qui se sont acharnés sur le site en 2006. Une petite bourse en toile, fermée, a notamment été mise au jour ainsi qu’une accumulation d’objets personnels qui renvoient à l’un des humains qui séjournaient à bord. L’étude numismatique des « piastres » découvertes sur le site semble par ailleurs extrêmement prometteuse.

14À l’embouchure du Rhône, les opérations de carte archéologique se sont poursuivies cette année, notamment sur une nouvelle épave antique à chargement de barres de fer, cependant que dans le golfe de Fos-sur-Mer, le vaste programme de recherche conduit par le Drassm et le Centre Camille-Jullian sur le système portuaire antique de Fos et le canal de Marius a donné lieu à quatre opérations distinctes dans les secteurs de l’anse Saint-Gervais et de la Marronède.

15Dans le Var, l’épave de la Lune, s’est à nouveau affirmée en 2015 un remarquable laboratoire d’essai pour les technologies que le Drassm souhaite dans le futur appliquer aux épaves situées à très grande profondeur. En outre, ce vaisseau de Louis XIV perdu en 1664 se confirme d’année en année comme un site majeur du littoral français eu égard à son extraordinaire état de conservation et à la très grande diversité des mobiliers que l’on peut y recenser.

16Au large d’Hyères, l’épave Mèdes 6, découverte en 2010 par 44 m de fond et datée de la fin du ii^e ou du début du i^er s. av. J.-C. a révélé une charpente construite à franc-bord, au bordé assemblé par des tenons chevillés dans des mortaises et dont les membrures sont assemblées au bordé au moyen de gournables et de ligatures. Ce caractère de construction très spécifique inscrit ainsi l’épave Mèdes 6 dans le corpus déjà riche de 15 exemples des navires à membrures ligaturées du nord-ouest de la Méditerranée.

La Corse : grandes satisfactions et lourdes inquiétudes

17L’opération conduite en 2015 sur l’épave Mortella 3, devant Saint-Florent, a essentiellement visé les zones avant et arrière de l’épave jusqu’ici peu étudiées. C’est dans ce contexte que les fouilleurs ont découvert la partie inférieure du gouvernail conservée en arrière du talon de quille. Cette découverte clôt pour l’heure le rythme annuel des campagnes menées sur cette épave car ses fouilleurs souhaitent se ménager un temps de réflexion et d’analyse des très nombreuses informations livrées depuis cinq ans par ce gisement.

18Sur la face orientale de la Corse, la carte archéologique des épaves de grande profondeur amorcée l’an passé s’est poursuivie cette année lors de deux phases distinctes de terrain. Lors d’une première opération, ce sont les épaves antiques Aléria 1, Cap Corse 2 et Capo Sagro 2 qui ont été visitées et ont fait l’objet de couvertures photographiques systématiques à fin de restitution 3D. Lors d’une seconde opération, sept autres épaves ont été expertisées, dont la chronologie court du début du ii^e s. av. J.-C. à l’époque contemporaine et dont une seule est apparue exempte de destruction liée au chalutage, à savoir l’épave Capo Sagro 3 localisée par 500 m de fond.

19Ce constat, terrible, montre combien les épaves des abysses que l’on a cru longtemps préservées par leur profondeur d’immersion sont désormais menacées par les activités halieutiques. Il importerait en conséquence que l’on prenne très vite des mesures de sauvegarde par l’étude de ce patrimoine gravement menacé.

Les espaces ultramarins

20Situé par 24 m de fond, expertisée par le Drassm en 2002 et daté à l’époque de l’extrême fin du 1^er quart du xix^e s., le site de la baie des Saintes, à la Guadeloupe, a fait l’objet cette année d’une prometteuse expertise. Les recherches documentaires menées dans le même temps incitent à identifier l’épave comme celle de l’Anémone, un brick goélette de la Marine royale construit et mis à flot à Bayonne en 1823 puis perdu lors de l’ouragan qui a frappé l’archipel des Saintes dans la nuit du 7 au 8 septembre 1824. La nature comme la qualité des vestiges conservés mériteraient sans doute qu’on inscrive ce site des Saintes au rang des chantiers école que l’on ambitionne de voir s’imposer dans l’arc antillais.

21À Mayotte, l’année 2015 a donné lieu à plusieurs découvertes et opérations dignes d’intérêt. Au-delà des recherches conduites sur la plage de Sakouli autour de la mise au jour d’une sépulture d’influence musulmane datée par des fragments céramiques de la période sucrière des xix^e et xx^e s., les travaux ont porté cette année sur l’étude stratigraphique de la falaise de la plage de Koungou. Cette opération a livré un mobilier très fragmentaire qui atteste d’une céramique raffinée.

22Dans le même temps, une prospection pédestre menée sur le littoral de Kangani, dans le nord-est de la Grande Terre, a révélé trois enclos funéraires très directement menacés par l’érosion marine. Ces trois tombes, datées entre le x^e et le xii^e s., sont matérialisées par des enclos rectangulaires dont le remplissage sédimentaire a livré un riche mobilier avant de révéler des restes humains.

23Sur la plage de M’Tsanga Guini, enfin, des prospections ont conduit à la découverte d’un foyer, de céramiques communes apparentées à celles de Madagascar et de divers mobiliers caractéristiques des xvii^e et xviii^e s. qui confortent pour cette période l’hypothèse d’une présence européenne et d’échanges commerciaux dans ce secteur.

Le Drassm : des chercheurs qui s’exportent à l’international

24Depuis 1999, maints chercheurs d’épaves, principalement américains et français, ont pris pour cible le territoire maritime de Madagascar. Selon eux, une piraterie endémique y aurait en effet consigné aux xvii^e et xviii^e s. une abondance de trésors immergés qui n’attendent plus que le plongeur assez « malin » pour les découvrir… C’est dans ce climat singulier où bêtise et convoitise s’associent volontiers pour sacrifier le patrimoine ennoyé qu’un chercheur du Massachusetts a prétendu avoir retrouvé aux abords de l’île Sainte-Marie le trésor du Capitaine William Kidd, un célèbre pirate écossais pendu à Londres en 1701. Pour preuve de sa bonne fortune, ce supposé découvreur a dévoilé en mai 2015 devant les autorités malgaches et la presse mondiale un lingot d’argent d’un demi quintal mis au jour sur le site… À la demande de la république malgache et au nom de l’Unesco, le Directeur du Drassm a donc conduit cette année une opération d’expertise du site. Celle-ci a permis de constater que le lingot prétendument d’argent n’était composé que de plomb et que les « merveilleuses » épaves signalées par les Américains avaient certes un intérêt archéologique mais ne correspondaient presque en rien à leurs affirmations. Les vestiges de la supposée épave de l’Adventure Galley du Captain Kidd se sont en premier lieu révélés ceux d’anciens aménagements portuaires…

25Quant à l’épave présumée du Fiery Dragon, un navire néerlandais capturé par le pirate anglais Christopher Condent, son analyse a rapidement démontré qu’il s’agissait d’un navire asiatique de gros tonnage, sans doute d’origine indienne. Probablement capturé par les pirates puis conduit et abandonné à l’île Sainte-Marie, il mériterait pour sa part qu’on y programme à terme une étude archéologique qu’il serait opportun cette fois de ne pas confier aux « pieds nickelés » que ce type de site semble irrésistiblement attirer. Mais c’est là sans doute de notre part un vœu pieux tant l’univers pirate semble fasciner les honnêtes gens au point de les précipiter sans plus réfléchir dans les bras de ceux qu’un goût immodéré des media, sinon l’appât du gain motivent plus sûrement que la recherche archéologique.

Eaux intérieures : progression ou trompe-l’œil ?

26Le bilan 2015, avec 52 opérations recensées dans les eaux intérieures, donne à penser à une augmentation cette année de l’activité dans ce domaine. Elles n’étaient en effet que 39 en 2013 et 47 en 2014, dont neuf avaient toutefois été in fine annulées. On gardera néanmoins à l’esprit que l’analyse quantitative reste en la matière sujette à caution. Bien que parfois compensée par la récupération de données directement par le Drassm, la question récurrente de l’aléatoire remontée des informations depuis les SRA vers ce Département incite en effet légitimement à s’interroger sur la valeur réelle des tendances observées. À coup sûr le doute est permis !

27À ces réserves près, l’image générale de l’activité reste semblable à celles des années précédentes, dominée par des constantes, liées au travail régulier de certaines équipes, et de quelques nouvelles, peu nombreuses. Sur les 22 régions de métropole, 15 sont concernées contre 13 en 2014. Les grands absents sont toujours l’Est, avec le Rhin et ses affluents, l’Ouest ainsi que les affluents de la Loire en rive droite, et enfin le cours inférieur de la Garonne et ses affluents en rive droite, Dordogne et Lot.

28La proportion des opérations menées par le Drassm reste stable, à 21 %, tout comme celle des interventions qui relèvent des institutionnels, soit 40 %. La proportion des opérations menées par des équipes bénévoles s’avère donc toujours aussi élevée et concerne surtout des prospections. Celles-ci sont en très nette augmentation, de même que les sondages, mais dans une moindre mesure. Un point particulier réside dans la très forte augmentation du nombre des responsables d’opération qui, en trois ans, passe de 22 à 38. Sur ces 38, 20 sont actifs depuis au moins trois ans et six depuis deux ans. Le solde positif de leur effectif global est ainsi de 10 depuis 2014 mais la liste détaillée de ces responsables montre un solde négatif de cinq noms. Deux phénomènes semblent ici se conjuguer. D’une part, une meilleure récupération par le Drassm des informations au-delà du « noyau dur » des intervenants habituels, d’autre part l’apparition d’intervenants qui ne s’investissent pas sur la durée. Cette situation mérite d’être suivie de près dans le cadre du renouvellement des équipes, de leur encadrement mais aussi des démarches et des problématiques.

Cours d’eau : diversité des chronologies et des vestiges

29La contribution des prospections à la carte archéologique est à souligner. Elles concernent de nombreux cours d’eau, de toute taille : Marne, Clain, Cher, Allier, Saône, Rhône, Charente. La constance de certaines équipes est remarquable, les découvertes n’étant pas toujours à la hauteur des attendus, avec des structures ou des objets isolés difficiles à remettre en contexte.

30Pour les périodes anciennes, seule la Protohistoire est représentée avec la poursuite de la fouille du site de La Motte à Agde, dans l’Hérault. L’emprise du site est estimée à près d’un hectare mais elle est perturbée en son centre par le chenal actuel et sur chacun de ses flancs par des paléochenaux, antique à l’ouest et du Petit Âge glaciaire à l’est. À ce jour, plus de 400 pieux sont repérés. La campagne 2015 a ciblé une zone empierrée et un clayonnage effondré. L’étude typologique de l’abondant matériel céramique découvert indique une possible approche des lieux à la fin du Bronze moyen, l’occupation principale débutant au cours du Bronze final IIIa et se poursuivant un peu au-delà de la fin du Bronze final IIIb.

31Pour la période antique, le Rhône, dans la traversée d’Arles, continue de livrer une abondance de mobilier. Sur le dépotoir urbain tardif de Trinquetaille, 150 m² ont été décapés à l’emplacement d’un déversement d’objets en marbre, éléments de sculptures et placages de décors.

32Toujours dans le Rhône, mais plus en amont, dans la traversée de Vienne, le pont Sud, mis en évidence en 2011, a fait l’objet d’un sondage en bordure de la pile proche de la rive droite. Malgré des conditions de courant et de visibilité très défavorables, une coupe de 3 m de longueur sur un mètre de hauteur a pu être dégagée à la transition entre la pile et le chenal. Du mobilier céramique et des bois horizontaux ont été observés dans une séquence de lentilles imbriquées et recoupées par les pieux de fondation. La présence de ces éléments, qui permet des calages chronologiques, montre les potentialités du site pour l’étude de son évolution et de l’implantation de l’ouvrage.

33À Blois, dans le cours de la Loire, le tracé d’un pont antique a pu être complété par des prospections subaquatiques menées dans le cadre d’un PCR diachronique. Le relevé de la pêcherie dite amont, datée des xii^e-xiii^e s. a en outre été poursuivi avec près de 600 pieux géolocalisés. En aval, des prospections et des décapages terrestres ont concerné un ensemble d’aménagements successifs également à fonction de pêcherie et de même période.

34Dans la Garonne, les prospections ont concerné le cours supérieur du fleuve. Plusieurs ensembles ont été repérés et ont fait l’objet d’un mémoire de Master 2 : Moulins et aménagements associés, digues-barrages et canaux d’amenée, tours.

35L’année 2015 a vu aussi la fouille ou la conduite de sondages, souvent programmés dans la poursuite de campagnes précédentes, sur de nombreuses épaves, couvrant une chronologie large, de l’Antiquité à l’époque moderne.

36Dans la Charente, un sondage sur l’épave EP2 de Courbiac a montré son excellent état de conservation. Datée de l’Antiquité tardive, cette embarcation, longue d’au moins 16 m pour une largeur de 5 m, s’avère d’un grand intérêt pour les architectures de type romano-celtique.

37Dans le Doubs, sur le moulin flottant de Sermesse, la fouille du « forain », plus petite des deux embarcations de l’ensemble, a pu être achevée malgré un épais recouvrement de sable. L’exceptionnelle conservation de cet ensemble du xvii^e s. est confirmée.

38Dans la Loire, à Saint-Satur, une épave avec son chargement de blocs de pierre a été dégagée sur 11,5 m de longueur pour une largeur incomplète de 3,4 m. Sa datation, de 1319-1435 cal AD, par le radiocarbone en fait l’épave de Loire antérieure au xvii^e s. la mieux conservée.

39Toujours sur la Loire, le PCR « Épaves et naufrages en eau douce depuis le haut Moyen Âge » a bénéficié d’une baisse sévère du niveau qui a autorisé cette année des prospections pédestres. Un point majeur fut la possibilité d’intervenir sur le site de Langeais, apparu en 2013 mais jusqu’alors couvert d’un banc de sable. Il s’agit d’un grand chaland dont le fond et les bordés sont visibles. La cargaison, pour partie en place et pour partie étalée jusqu’à 900 m en aval, se singularise par des boulets, des roues et des caissons d’artillerie. Le procès-verbal de naufrage a été retrouvé. Il donne la date du 15 Ventôse an III, soit le 5 mars 1795. Ce site exceptionnel ouvre sur un large champ d’études, tant archéologiques que patrimoniales. Il devrait faire l’objet d’une fouille programmée dès l’an prochain.

40Sur les berges de l’Adour, une datation dans le xix^e s. a été proposée pour un bordé monoxyle de transition mis au jour au cours d’un terrassement. Cette découverte vient rappeler la particularité régionale et la perduration de l’architecture monoxyle assemblée. Les potentialités de ce fleuve mériteraient des investigations approfondies.

41Dans la Canche, une épave repérée en 2013 lors d’une prospection au sonar latéral a fait l’objet d’un premier dégagement dans des conditions difficiles. Les premiers résultats sur cette embarcation datée du milieu du xvii^e s. incitent à poursuivre la fouille.

42Dans la Somme, autre fleuve côtier, un nouveau programme pluriannuel a débuté sur l’épave d’Épagnette, datée de 1747. Elle portait une cargaison de tuiles.

Plans d’eau : Protohistoire et Antiquité

43Dans les Landes, sur l’étang de Sanguinet, le redémarrage en 2014 des opérations de terrain avait montré le bouleversement du lieu de stockage à faible profondeur de pirogues découvertes le long du cours ennoyé de la Gourgue. Lors de la campagne 2015, on a dû malheureusement constater qu’une pirogue est brisée, seule une petite partie étant encore présente, et il n’a pas été possible, en dépit de plusieurs plongées, d’en retrouver quatre autres.

44En domaine savoyard, l’année 2015 marque le début du « monitoring » des sites inscrits par l’Unesco dans le cadre du bien sériel et transnational « Palafittes préhistoriques autour des Alpes ». Concernant quatre lacs avec neuf sites inscrits et près de 40 compris dans les zones tampons, la programmation de ce projet est prévue sur quatre ans. Dirigé par le Drassm, il bénéficie pour sa réalisation d’une dotation importante de la Sous-direction des Monuments Historiques et des espaces protégés. La première année a été en grande partie consacrée à un bilan documentaire des sites concernés avec la reprise d’archives remontant jusqu’aux années 1980. Les travaux de terrain ont débuté sur le lac d’Annecy, privilégié cette année parce qu’il présente le plus de risques en termes d’érosion. La démarche retenue est la recherche des repères des anciennes opérations, leur géoréférencement et, si nécessaire, la réalisation d’observations complémentaires (topographie de pieux, carottages de sédiments, implantation de repères pour le suivi de l’évolution de la couverture sédimentaire…). Au nombre des résultats obtenus, on signalera qu’il a été possible de compléter le plan de la station du Bronze ancien des Mongets et de proposer une nouvelle interprétation de son organisation. Dans le lac du Bourget, la couverture topographique de la station du Bronze final Conjux 1 s’est poursuivie. La présence de structures de type grenier et les particularités du mobilier amènent à proposer un schéma d’organisation territoriale pour la rive nord du lac avec un site de production et de stockage à Conjux 1 en liaison avec un site de villégiature à Châtillon. Ce schéma vient ajouter ici une nouvelle différence en regard des autres lacs du domaine alpin.

45Toujours dans la baie de Conjux, la poursuite des travaux sur le site cultuel antique de Près Nuaz a enfin conduit à élargir son emprise, tout comme sa période de fréquentation, du ii^e au début du iv^e s.