1Déclaré par Gérard Bousquet en septembre 1994, ce gisement est sans doute l’un des plus prometteurs qu’il nous ait été donné d’expertiser au cours de cette opération Carte archéologique. Situé au nord-ouest du phare du Paon, au nord de l’île de Bréhat (Côtes-d’Armor), le site de Pen Azen repose sur un fond tourmenté de sable et de roches noyées par les laminaires. Les vestiges gisent par moins de 10 m de fond, sur la face nord-est d’un tombant rocheux dont le sommet est sans doute à l’origine du naufrage. Localisé aux abords de Bréhat le gisement de Pen Azen est malheureusement situé dans l’axe du violent courant qui balaye hors des étales de marée toute l’entrée du chenal de Bréhat. Compte tenu de l’orientation du site c’est au reflux qu’il est le plus facile de mener une opération sur le site. Il n’est en revanche pas imaginable d’y travailler au flot par fort coefficient. Il sera donc relativement long et difficile d’y réaliser une fouille méthodique. En outre la côte est très dure, sans protection, et très ouverte à la houle, donc d’approche difficile. Malheureusement, les objectifs poursuivis n’étant pas de même nature, ces mêmes conditions naturelles qui freineront le bon déroulement d’une opération archéologique ne pénalisent guère les pillards et le site a déjà reçu la visite des clandestins. C’est en effet l’entassement de mobilier archéologique sur une plaine de sable qui a attiré en premier lieu l’attention de l’inventeur. Il est évident que cet entassement ne devait rien au hasard et que sans l’intervention de Gérard Bousquet ce mobilier aurait déjà rejoint aujourd’hui une collection privée. Cette anecdote prouve une fois de plus que le patrimoine sous-marin atlantique est grandement menacée.

2Réalisée dans des conditions de plongée acrobatiques et de visibilité médiocre, l’expertise a permis cependant de distinguer sur ce gisement la présence de deux sous-ensembles de mobilier qui sont sans doute à rattacher non pas à un seul mais à deux naufrages distincts. On observe en effet à l’accore de la roche un premier groupe de quatre canons en fonte de fer, de faible calibre, peut-être de 4 livres, dispersés sur une quinzaine de mètres et, à une dizaine de mètres à l’est du dernier canon de cette première série, un second sous-ensemble matérialisé par la présence d’une ancre et de deux petits canons à boîtes très courts. Si l’on s’en rapporte au type des pièces d’artillerie et sous réserve d’un examen plus approfondi il semble raisonnable de placer chronologiquement les premiers canons dans le cours du xvii^e s., voire le xviii^e s., cependant que les seconds se rattacheraient plus volontiers à un faciès xvi^e s. Ce regroupement en deux sous-ensembles trouve par ailleurs certains échos dans les distinctions chronologiques qu’on peut effectuer entre les différentes pièces de mobilier ramenées au jour lors de la découverte du site. Pétards (fig. 1), lingots de plomb, plats en pierre ou métalliques peuvent assez aisément être rattachés aux canons du xvi^e s., bracelets et plomb de sonde aux canons de 4 livres. Ce petit mobilier ramené au jour est tout à la fois d’une étonnante diversité et d’un grand intérêt scientifique. La présence de nombreux pétards évoque tout naturellement un transport d’armes de siège. Dans quels buts ? Par qui ? Quand ? Les questions restent posées. Une étude attentive de l’histoire bretonne au xvi^e s. ou la présence de croix de Malte incisées dans le plomb des lingots permettront peut-être d’apporter des éléments de réponse. La présence de bracelets d’esclaves ou plus exactement de manilles, et d’un ensemble homogène de pièces de mobilier de bord sur le second gisement évoque bien sûr quant à elle le commerce négrier. Le site est en tout cas, en dépit des difficultés que posera son étude, l’un des plus intéressants de la côte nord de la Bretagne. Il conviendrait donc d’y réaliser dès que possible une vraie campagne d’évaluation dotée de moyens financiers conséquents et d’une logistique solide, confiée à une équipe locale expérimentée et connaissant bien les pièges de cette côte.

Fig. 1 – Pétard, bouche à feu dont l’usage est de rompre les portes et les herses des châteaux

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Échelle : 1/4.

Dessin : É. Veyrat.