1Site étrange que celui de Merk al Lestr. Déclaré depuis 1987 par René Ogor, ce gisement se signale périodiquement, à l’issue de fortes tempêtes, par des découvertes ponctuelles de mobiliers archéologiques dispersés sur un fond de sable, par 22 à 28 m de profondeur, au pied d’un haut fond rocheux à un demi-mille au nord de la Grève Blanche sur la commune de Plouguerneau, dans le Finistère. Dans l’intervalle rien ne signale l’existence sur la zone des vestiges d’un naufrage et il reste aujourd’hui impossible de déterminer la localisation exacte du gisement principal. Tout indique donc que seule la grande houle de fond générée par les coups de vent connaît l’emplacement de cette épave dont elle se charge périodiquement d’exhumer des éléments. Réalisée après un furieux coup de vent notre expertise n’a pas apporté d’information nouvelle sur ce site. Le site de découverte privilégié est constitué par un accore rocheux et une large plaine de sable à gros grains où le gisement archéologique est peut-être enseveli. À défaut de connaître l’emplacement exact de l’épave on peut au moins s’efforcer d’en approcher l’existence au travers des éléments mobiliers découverts.

2Au fil des années l’épave a ainsi livré notamment deux bouteilles en grès intactes et de nombreux fragments de plusieurs autres exemplaires de ce même type de bouteille, une petite cruche à goulot munie de deux anses, une urnette en céramique grise des fragments de céramique à décor bleu, un couvercle en faïence, des fragments de verres à pied et de bouteille de verre, un plomb de sonde, de la porcelaine chinoise et des carreaux de verre, identifiés comme des carreaux de fanal de poupe. Un examen un peu minutieux de ce modeste mobilier permet de tenter une première approche chronologique pour le site. Les bouteilles en grès vernissé portent en effet un décor au cobalt et la marque de fabrique CTR sur l’épaule. Or, cette même marque a déjà été identifiée sur des bouteilles en grès du Westerwald datée de la seconde moitié du xviii^e s. De même, la porcelaine chinoise à décor bleu et blanc et couverte extérieure café au lait est-elle à dater du milieu du xviii^e s. La présence de ce mobilier et la chronologie du site, la seconde moitié du xviii^e s., ont permis à René Ogor de rapprocher l’épave de Merk al Lestr avec le naufrage en janvier 1792 dans le secteur de la Grève Blanche d’un navire anglais de 218 tonneaux le Neptune. Désemparé dans la tempête et abandonné de son équipage, ce navire marchand anglais semble avoir dérivé depuis l’île de Batz jusqu’à la côte de Plouguerneau où il s’est finalement échoué et a fait l’objet par les populations riveraines d’un pillage méthodique au cours duquel, la maréchaussée étant intervenue, les gendarmes furent molestés par la population et contraints à la fuite. On ne sait malheureusement pas exactement où le Neptune s’est échoué dans la baie et où il a coulé après que dans la nuit qui suivit l’échouage un nouveau coup de vent ait dérobé l’épave qui disparut sans que nul ne sache où elle avait été emportée. Le mobilier de Merk al Lestr peut ainsi constituer la première indication après deux siècles du lieu de dernier séjour du Neptune, à moins qu’elle ne signale la localisation du premier échouage du bâtiment au moment de sa dérive vers la côte de Plouguerneau. Avant de s’échouer à la côte il est très possible en effet que le navire ait touché les têtes de roches qui parsèment la baie et ait ainsi vomi une partie de sa cargaison.

3Il serait bon en tout cas qu’une opération de sondage ayant pour objectif principal l’exploration ponctuelle de la large plaine de sable qui jouxte l’accore du rocher soit conduite sur le site avec des moyens logistiques et financiers conséquents car l’environnement est difficile.