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Année de l'opération :
2016Numéro d’opération :
10955Nature de l'opération :
fouille programméeNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Amicale laïque de Carcassonne
Texte intégral
1A l’issue cette 2e campagne de fouille programmée dans le castrum de Cabrespine, nous avons bien confirmation que toutes les structures excavées que nous avons fouillées comportent un dispositif complexe d’évacuation des eaux. Dans la zone 3, la roche schisteuse, imperméable, explique l’aménagement d’un système hydraulique très élaboré, préalable à la construction, constitué de petites canalisations qui guident l’eau vers un collecteur, dont la fouille a pu être terminée, et une citerne qui a été nettoyée et protégée cette année. La protection de la construction, sensible au ruissellement semble avoir été une priorité, et est ici complétée par un système de récupération et de stockage, voire de régulation du débit, ce qui surprend dans un milieu globalement aussi fruste. De plus, nous avons constaté, en zone 2 et en zone 5, la présence d’un système d’évacuation-récupération similaire. Nous avons enfin résolu la question de la fonction d’un système aussi complexe : en lien avec la protection du bâti, il l’est aussi avec le souci d’alimentation en eau d’une activité artisanale, dont nous avons la confirmation grâce à la découverte, lors de cette campagne, du foyer FAI 20027. Ce système très élaboré et visiblement préconçu, est probablement le résultat d’une planification : ce quartier avait, dès l’origine, une vocation métallurgique pour laquelle l’eau est nécessaire : les ateliers métallurgiques de Cabaret sont associés à une citerne, lorsqu’ils sont éloignés d’un point d’eau. Ce quartier du castrum confirme donc sa vocation artisanale, jusqu’ici perçue mais non localisée. De plus, nous possédons désormais un bon corpus d’objets médiévaux, centrés sur les xiie-xiiie s., ce qui contribue à appuyer l’hypothèse du lien probable de ce castrum avec les mines à l’époque féodale. Le grand nombre de scories et la présence d’un foyer métallurgique, confirmés par la campagne 2016, nous incitent à interpréter la zone 3 comme une zone d’aménagements complexes destinés à une forge de transformation, nécessitant de l’eau à proximité, les cours d’eau étant assez éloignés, ce qui explique la présence d’une citerne et de drains d’alimentation. L’ensemble se situe chronologiquement aux xiie-milieu xiiie s. et son origine pourrait même remonter un peu avant (xie s. ?). La nature même de la roche, imperméable, explique cette profusion de petites canalisations qui guident l’eau, montrant une maîtrise de l’hydraulique qui rappelle celle de l’exhaure dans les mines. En effet, la protection de la construction, qui pourrait être fragilisée par le ruissellement, est ici complétée par un système de récupération et de stockage, voire de régulation du débit, ce qui surprend dans un milieu globalement aussi fruste. Plusieurs indices permettent de penser qu’il y a dans ce secteur un système d’évacuation-récupération-stockage similaire à celui des mines observées autour du site. La question, non résolue à ce jour, est de savoir si ce système est en lien simplement avec la protection du bâti et/ou l’alimentation en eau de la communauté vivant ici, ou si ce système assez élaboré est en lien avec l’activité artisanale. La présence de scories en très grand nombre, dont une partie a été manifestement remaniée, et la fréquence de traces rubéfiées sur certaines structures confirment qu’une activité artisanale était omniprésente dans ce quartier du castrum. Les raisons du remaniement de ces structures, qui aurait conduit au déplacement d’une partie du mobilier métallurgique laisse perplexe. Il ne faut pas négliger cependant la phase de mise en cultures et l’aménagement de terrasses qui pourrait avoir provoqué ce bouleversement stratigraphique. Il s’agit en effet de terrasses qui ont été réaménagées pour les cultures et dont la stratigraphie a été bouleversée. Mais au sud de la zone, des restes d’un foyer métallurgique circulaire de 1,20 m de diamètre, probablement recreusé, dont la fouille est en cours laisse entrevoir la présence d’une structure de combustion, bien présente, jointe à du mobilier médiéval (xiie-xiiie s.). Les espaces environnants, riches en scories, pourraient être des zones de vidange de ce foyer. Ce quartier confirme donc sa vocation artisanale, en lien avec les besoins du castrum et sous le contrôle du pouvoir, mais éloigné du centre castral en raison de ses activités polluantes, comme pour les forges castrales de Cabaret et de Calberte. Il est probable que la proximité de falaises d’où il était aisé de jeter les déchets métallurgiques pourrait avoir contribué au choix de ce quartier. Cabrespine revêt ainsi un intérêt majeur pour l’étude de l’économie médiévale, voire alto-médiévale, en moyenne montagne.
2Les résultats sur ce site castral se précisent d’une campagne à l’autre. Nous pensons que la poursuite de cette étude nous permettra de mieux cerner l’atelier métallurgique, même s’il a en grande partie disparu, en finissant de décaper le contexte du foyer découvert en 2016. Avec les sites de Cabaret et de Cabrespine, la Montagne Noire occupe une place de premier plan pour l’étude des relations entre pouvoir châtelain et ressources naturelles, notamment métalliques, au Moyen Âge. Même si, pour l’instant, le lien direct n’a pu être établi par la documentation entre ce castrum et l’exploitation, le contrôle et la gestion des mines environnantes, l’existence d’activités métallurgiques avérées sur le site castral, à deux pas des mines du Roc de l’Aigle et du Pech Pezoul, nous permettent d’émettre en tous cas l’hypothèse d’un lien entre les 2. Par ailleurs, l’architecture soustractive très conséquente du castrum, très voisine par sa morphologie aux travaux constatés dans la mine du Pech Pezoul, est-elle un travail de mineurs ? Des analyses métallographiques et paléoenvironnementales s’imposent donc sur le mobilier et les prélèvements effectués, afin de mettre éventuellement en relation le castrum et les sites d’extraction environnants. Une série d’analyses 14C serait également nécessaire pour bien caler l’occupation de ce quartier castral. Une étude spécifique des traces d’outil, voire une expérimentation, pourraient apporter des éléments, en l’absence d’autres preuves tangibles. De plus, les travaux entrepris récemment de relevés et de modélisation 3D, qui seuls peuvent restituer correctement ces espaces excavés, pourront être ainsi poursuivis et pourront accompagner la publication de l’ensemble des résultats obtenus sur les mines et sur le castrum. La connaissance a ici progressé, il serait opportun que ces sites fragiles, dont le schiste se délite très rapidement, puissent bénéficier d’une protection dans les meilleurs délais. La campagne 2016, en raison d’une météo peu clémente, ne nous a pas permis, malgré nos efforts, de terminer la fouille de tous ces espaces. Une année complémentaire en 2017 permettrait d’obtenir une image exhaustive des aménagements jusqu’ici mis au jour, et ainsi de mieux les comprendre, et de livrer une vision cohérente de l’activité économique de ce castrum, en la complétant d’une série d’études complémentaires : études métallographiques (en cours), paléo-environnementales et au la datation 14C d’au moins 6 échantillons de charbons de bois.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Citerne tailée dans le schiste |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/135889/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 761k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Marie-Élise Gardel, « Cabrespine – Le castrum » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Occitanie, mis en ligne le 25 avril 2023, consulté le 19 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/135889
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