Saint-Paul-de-Léon – Le moulin à roue horizontale et la fontaine de Landounic (EA 3871 et 3872)
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Année de l'opération :
2013Numéro d’opération :
301959Nature de l'opération :
opération de diagnosticNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : CNRS
Texte intégral
1Sur proposition de Jean-Claude Le Goff, adhérant de l’Amarai, une intervention fut programmée au printemps 2003 en vue de procéder à des prélèvements dendrochronologiques sur une pêcherie en bois découverte sur une plage de Santec et sur une petite structure non identifiée visible sur l’estran de Saint-Pol-de-Léon (29) dans l’embouchure de la Penzé. Malheureusement, le temps d’organiser la mission depuis Rennes, les sables avaient totalement recouvert le barrage à poissons au moment de la campagne d’échantillonnage. C’est donc le site d’estran voisin de Landounic, découvert peu de temps auparavant par Daniel Roué qui fit l’objet de premières observations. D’après J.-C. Le Goff, quelques pierres alignées et du bois y apparaissaient.
2Sur place en haut de l’estran, une structure rectangulaire de 10 x 4 m délimitée par de grosses pierres était orientée obliquement à la rive et des planches de chêne plantées verticalement en fermaient la partie haute. À première vue, chacune des sept sections de planches débitées sur maille (terme issu de la menuiserie et de l’ébénisterie pour désigner les flammes que dessinent les rayons du chêne lorsqu’il est débité radialement) présentait plus de 200 cernes. Il devenait alors évident que :
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ces planches devaient être intégralement prélevées pour étalonnage dendrochronologique et étude archéologique ;
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deux grandes périodes de temps présentent des croissances similaires : a) la préhistoire récente (soit à peine 7 à 8000 ans) et l’état des référentiels en 2003 ne permettait pas de tester d’autres périodes que le Néolithique moyen et le Bronze final ;
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le haut Moyen Âge, et là aussi, des lacunes demeurent régionalement pour l’époque mérovingienne notamment.
3Dans tous les cas, ces sept éléments semblaient suffisamment importants pour intégrer la courbe dendrochronologique de la Bretagne.
4Un rapide sondage au sein de la structure montrait que des madriers étaient présents. L’un d’eux assez énigmatique conservait, enchâssé dans une mortaise centrale, un bloc de quartz maintenu par une planchette chevillée et ajourée de façon à rendre visible la pierre.
5Dans l’immédiat, il convenait de protéger les éléments découverts sur le site dans l’attente d’une fouille. Localement, cet emplacement connu sous le nom de « Feunteun Vor » évoquait certainement un approvisionnement en eau douce dans ces fontaines de mer accessibles à marée basse et dont les pardons ont perpétué jusqu’après-guerre la mémoire. Dans un contexte alto médiéval, la présence d’un bloc de quartz s’éclairait à la lumière de dépôts identiques rencontrés au Pays-de-Galles et en Irlande. Symbole de pureté, de transparence, de lumière, ces pierres apportées en offrandes apparaissent habituellement dans des sources votives ou autour d’ermitages fréquentés par des saints. L’interprétation de notre structure léonarde n’en devenait que plus limpide.
6En laboratoire, une fois les échantillons mesurés, six avaient effectivement plus de 200 cernes, un plus de 300, synchronisés, ils furent datés du début du viie s. de notre ère (premier cerne de la chronologie en +284 et dernier sans aubier en +603). Ce site devenait ainsi du même coup un jalon important pour l’étalonnage dendrochronologique régional et pour appréhender une période d’une grande indigence du point de vue des traces archéologiques qu’elle délivre.
7C’est seulement lors des grandes marées de septembre 2013 qu’une campagne de fouille fut entreprise, soit pratiquement dix ans après les premières datations. Objectifs : compléter l’étalonnage dendrochronologique et comprendre l’organisation de ce captage avec son énigmatique madrier.
8Rapidement, la découverte d’une crapaudine de quartz fracturée oriente la vocation de cette structure en direction d’un moulin hydraulique, ce que confirmera l’examen de l’autre pièce de quartz enchâssée dans le bois qui s’avère présenter les mêmes usures caractéristiques (cupule à poli miroir). Elle évoque en cela dans les modèles ethnographiques et archéologiques les pierres sur lesquelles prennent appui l’axe des lanternes, c’est-à-dire des engrenages dans les moulins à roues verticales, ou directement l’axe de la turbine et des meules dans les moulins à roues horizontales. En France, l’archéologie des moulins porte essentiellement sur la période antique et le haut Moyen Âge, et point de crapaudine dans cette littérature.
9D’après des modèles identiques de moulins à roues horizontales fouillés en Irlande pour les viie-viiie s., les planches verticales devaient tenir lieu à la fois de vannes et de coffrage pour les pierres de la digue en amont de la machinerie et l’articulation entre les deux éléments de bois horizontaux, supports du rouet et des meules, permettait de régler l’écartement de ces dernières (fig. 1 et 2).
Fig. 1 – Vocabulaire employé dans cette notice pour les différentes pièces techniques

1, sole ; 2, trempure (pontille) ; 3, restauration (greffe) ; 4, tirant ; 5, crapaudine (Quartz) ; 6, pivot (Quartz) ; 7, rouet + arbre debout ; 8, conduite d’eau.
10Restait à sonder un empierrement repéré 25 m au nord-ouest du moulin. Il s’agissait d’un tas de pierres au sein duquel un parement semblait délimité par de plus gros blocs. Son démontage en mit un deuxième en évidence, formant un retour à angle droit par rapport au premier. Un troisième, moins bien conservé devait également apparaître pour dessiner une structure en U tournant le dos à la mer. Son comblement, riche en matière organique, présentait la même texture et la même couleur que des plaques de « tourbe » rencontrées sur le haut de la plage entre les structures archéologiques et une prairie humide faisant office de collecteur de toutes les eaux de ruissellement du petit bassin versant. En l’absence d’élément de datation, une analogie pouvait être établie dans la nature et les modalités de dépôts de ces sédiments, tendant à indiquer un engorgement de cet espace à la suite de l’implantation de ces constructions faisant barrage.
11Quelle était donc la fonction de ces murets ? Portion de digue du moulin ? Un autre petit muret partant de cette structure et pointant en direction du moulin pourrait suggérer une installation de ce type. Cependant, il s’agit d’une construction fermée sur trois côtés et ouvertes vers la terre. Un bassin pour la fameuse fontaine de mer ? Cela semblait effectivement parfaitement défendable, d’autant plus que l’un des derniers coups de pelle dans son remplissage provoqua le jaillissement d’une eau très fraiche… et douce.
12La découverte d’un moulin à roue horizontale est réellement une première en France. Elle place celui de Landounic parmi les plus anciens en Europe, et une cartographie rapide de ce type de structure du haut Moyen Âge démontre bien sa filiation avec l’Irlande où ces mécaniques sont largement majoritaires dès le viie s., mais aussi avec l’Angleterre et l’Écosse où quelques exemples existent également. Son antériorité d’une trentaine d’année par rapport aux exemplaires insulaires en fait également une des rares preuves des échanges transmanche de cette période. Il n’est donc pas exclu que d’autres moulins de ce type puissent être mis au jour dans les années à venir en Bretagne.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Vocabulaire employé dans cette notice pour les différentes pièces techniques |
Légende | 1, sole ; 2, trempure (pontille) ; 3, restauration (greffe) ; 4, tirant ; 5, crapaudine (Quartz) ; 6, pivot (Quartz) ; 7, rouet + arbre debout ; 8, conduite d’eau. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/137859/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 46k |
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Titre | Fig. 2 – Plan général du moulin de Landounic (haut) et interprétation des structures en bois (bas) |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/137859/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 889k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Vincent Bernard, « Saint-Paul-de-Léon – Le moulin à roue horizontale et la fontaine de Landounic (EA 3871 et 3872) » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Domaine public maritime, mis en ligne le 03 mai 2023, consulté le 22 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/137859
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