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AccueilRégionsGrand Est201567 – Bas-RhinStrasbourg – 8-20 route des Romains

2015
67 – Bas-Rhin

Strasbourg – 8-20 route des Romains

Fouille préventive (2015)
Responsable d’opération : Pascal Flotté
Notice rédigée avec Géraldine Alberti et Séverine Blin

Entrées d’index

Année de l'opération :

2014, 2015

Numéro d’opération :

016108, 016403

Nature de l'opération :

fouille préventive
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Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan

Texte intégral

1La fouille réalisée en 2014-2015 entre le 8 et le 20 de la route des Romains (superficie : 7 500 m2), réalisée en préalable à la construction d’immeubles d’habitation et de commerce, constitue un jalon important dans la connaissance des espaces de nécropole du ier s. dans ce secteur de Strasbourg.

2Sur un tronçon de 75 m, qui se développe le long de l’axe antique de la route des Romains, ont été mis au jour 18 nouveaux ensembles funéraires alignés de manière régulière le long de la voie. Leur état de conservation est exceptionnel et s’explique, entre autres, par le remblaiement de la nécropole après sa fermeture dans le courant du iie s. apr. J.-C. Ces nouvelles découvertes qui s’ajoutent à celles des xixe et xxe s. permettent de supposer l’existence d’une zone funéraire assez étendue de part et d’autre de la voie antique située sous l’actuelle route des Romains, de l’ordre de 400 m, ce qui correspond à la distance séparant les lieux de découverte extrêmes. Pour la période qui se développe entre la première moitié du ier s. et le début du iie s., une vingtaine de sépultures à crémation et une inhumation ont été découvertes. Toutes les sépultures à crémation sont associées à des espaces funéraires qui semblent dédiés à des tombes individuelles. En effet, dans presque la totalité des cas, un seul vase ossuaire a été découvert.

Fig. 1 – Plan de la nécropole

Fig. 1 – Plan de la nécropole

DAO : P. Flotté (Inrap).

3Le lapidaire est constitué d’une trentaine d’éléments encore en place ou en position secondaire dont trois nouvelles inscriptions qui permettent de préciser dans certains cas le nom et le statut des défunts. Il permet d’étudier et de restituer tout ou partie des élévations de ces monuments dont la typologie monumentale peut, pour la première fois, être étudiée exhaustivement. Par exemple, celui bien conservé de la tombe de l’affranchi nommé Rufrenus Modestus est délimité par quatre murs de 2,44 m de côté et de 0,44 à 0,46 m d’épaisseur. Les fondations sont implantées en tranchée étroite, de 0,5 m de côté et de profondeur. Elles se composent d’une assise de blocs en calcaire disposés en épi surmontée de deux petits niveaux d’éclats de taille, le premier composé d’éléments en calcaire et le second d’éléments en grès rose pris dans le mortier. L’élévation, qui est conservée par endroit sur quatre assises, est construite en petit appareil de moellons en grès rose liés au mortier de chaux. Les joints des parements extérieurs ont été systématiquement regarnis puis tirés au fer, pour obtenir un traitement en relief qui pourrait être décoratif. La stèle en grès gris mentionnant le défunt a été découverte couchée, face décorée contre terre, au-devant de la façade sud, en bordure de la voie, mais elle était à l’origine positionnée debout. Lors du démantèlement du tombeau, elle a été volontairement basculée vers l’avant, contrainte dans sa chute par le logement. L’amoncellement de chaperons en grès gris et rose découverts au pied de la façade nord de l’édifice procède sans doute du même phénomène.

4Autre exemple : la tombe de Quintus Veranus Seranus matérialisée par une stèle en calcaire blanc reposant sur un socle quadrangulaire en grès rose au centre duquel était taillée une imposante mortaise de plan rectangulaire. Au moment de leur découverte, ils n’étaient plus en place, mais avaient été basculés vers l’avant de sorte que la stèle a été retrouvée face contre terre. Aucune sépulture en lien avec ces éléments architecturaux n’a malheureusement été mise au jour.

5Un autre monument se compose d’une grande base quadrangulaire en calcaire dont chacun des parements est mouluré. Elle recouvrait un solide radier de fondation surmontée d’une épaisse couche de chaux. Le vase ossuaire en céramique contenant les restes du défunt était placé directement sous cette fondation. À moins d’un mètre à l’arrière de cette dernière, ont été découverts plusieurs éléments architecturaux qui composaient l’élévation du monument. Il s’agit d’un bloc de corniche et d’un élément de toiture de forme conique qui ont été poussés volontairement vers l’arrière lors de la démolition des monuments funéraires.

6Parmi les éléments lapidaires isolés, un groupe de statues en ronde-bosse constitue la découverte la plus exceptionnelle du site. Cet ensemble composé de deux lions et de deux sphinges a été extrait du même contexte archéologique, en position secondaire, dans le remplissage d’un puits comblé au iiie s. Ces pièces sculptées, qui ne dépassent pas 0,60 m de haut, reposent sur un socle quadrangulaire de faible hauteur, qui mesure environ 0,30 m de longueur sur 0,50 m de profondeur. Elles ont été réalisées dans le même grès gris à ciment calcaire et poreux, qui présente des qualités intéressantes pour la taille de reliefs sculptés. Ces quatre sculptures taillées en ronde bosse présentent une grande homogénéité stylistique et technique qui permet de les interpréter comme les éléments d’un même groupe, qui servait probablement au décor d’un mausolée.

7La fouille a également constitué une occasion rare d’observer sur une superficie importante l’organisation et le développement d’un quartier d’habitation des iie-iiie s. en bordure nord de l’axe antique. D’après le premier examen des données, loin d’être achevé au moment de la rédaction de ces lignes, les premières parcelles d’habitation sont mises en place en bordure de la route des Romains, dans le courant du iie s., après qu’on ait arasé et remblayé les espaces funéraires antérieurs. On crée une ruelle perpendiculaire à l’axe principal, longue de 75 m, permettant de desservir les parcelles éloignées, large de 2 m dans les 50 premiers mètres avant de rétrécir à 1 m au-delà. Les premiers éléments stratigraphiques et chronologiques indiquent que l’occupation bâtie se développe d’abord en bordure de l’axe de la route des Romains, au sein de parcelles profondes d’une trentaine de mètres en moyenne et larges de 7 à 9 m. Celle-ci s’étend ensuite plus en profondeur sur une trentaine de mètres, et enfin sur la totalité des terrains au nord. Ces étapes se sont déroulées sur une période relativement courte, du iie jusqu’au milieu du iiie s. Il est fort possible que la venelle ait fait l’objet d’un ou de plusieurs prolongements accompagnant l’extension de l’habitat vers le nord.

8Les bâtiments étaient construits en matériaux périssables, avec des élévations à pans de bois. Plusieurs types de fondations ont été repérés. Le plus répandu correspond à des fosses relativement importantes par leur taille et leur profondeur, comblées de graviers et de galets ; leurs parois sont verticales avec un fond plus ou moins plat et elles atteignent au maximum 1 m de côté pour une profondeur pouvant aller jusqu’à 1 m. Un bloc parallélépipédique de grès rose pouvait être installé dessus sans que cela ne soit systématique. Cependant, il est possible que certains blocs aient été récupérés et aient donc disparu. Ces fondations qui peuvent être qualifiées de massives soutenaient des poteaux porteurs en bois, placés soit sur le bloc, soit directement sur le remplissage de graviers, et des sablières basses. Il est possible d’imaginer que les bâtiments dotés de telles fondations accueillaient un étage.

Fig. 2 – Plan de masse de l’habitat

Fig. 2 – Plan de masse de l’habitat

DAO : P. Flotté (Inrap).

9D’autres aménagements plus légers voisinent avec ces fosses de fondation. Le second type reprend les mêmes éléments, c’est-à-dire des graviers mêlés à du sable comblant une fosse, mais leurs dimensions sont nettement plus réduites. Ces fosses présentent un diamètre compris entre 30 et 50 cm pour une profondeur ne dépassant pas une trentaine de centimètres ; aucune de ces structures n’était surmontée d’un bloc.

10Le troisième type correspond à de simples blocs de grès rose, assez grossièrement taillés et mesurant une quarantaine de centimètres de côté en moyenne, alignés et disposés plus ou moins régulièrement. Ils sont installés dans des fosses mais ils peuvent aussi être posés à même le sol. Ces deux types étaient destinés à accueillir des poteaux porteurs et/ou des sablières basses.

11Il faut également mentionner la présence de trous de poteau qui sont les structures les plus légères et, de fait, les plus difficiles à percevoir sur le terrain. Ils sont détectés grâce aux éléments de calage de la pièce de bois qui correspondent à des fragments de tuile et des galets disposés en cercle autour d’un espace vide marquant l’emplacement du poteau à proprement parler.

12Enfin, un bâtiment est matérialisé par trois tranchées d’installation de sablières basses. Elles se présentaient sur la fouille sous la forme de creusements peu profonds (environ 15 cm) au fond plat et aux parois légèrement inclinées qui ont pu être suivies sur plusieurs mètres et formaient un H, délimitant ainsi au moins deux pièces d’une construction.

13Les murs de ces bâtiments ont totalement disparu. Cependant, de grandes quantités de torchis fragmentés et portant des traces de rubéfaction ont été retrouvées dans des fosses, notamment dans les caves où les murs ont été piégés lors de la destruction, volontaire ou non, des bâtiments. Ces éléments nous permettent de restituer des parois à pans de bois hourdis de torchis.

14Ces mêmes structures ont également livré des fragments d’enduits peints, la plupart blancs, mais aussi plusieurs éléments d’un ensemble plus exceptionnel conservé sur 30 cm de haut et 20 cm de large qui atteste d’un statut assez important de la maison dans laquelle il se trouvait. Il s’agit d’un candélabre sur fond noir bordé côté gauche de bandes verticales rouges et vertes et en-dessous de bandes horizontales rouge, orange et jaune séparées par des lignes blanches.

15Pas moins de 30 caves occupées entre les iie et iiie s. ont été fouillées. De forme quadrangulaire, elles ont été creusées directement dans le lœss du terrain naturel. Leurs parois sont verticales et le fond est plat. Leurs dimensions sont très variables : la plus petite ne mesure que 2,60 m de long pour une largeur de 2 m, ce qui représente une surface au sol de 5,20 m2 et la plus grande a une superficie de 23 m2 (6,40 x 3,60 m). La majorité d’entre elles ont une longueur variant entre 4 et 5,80 m.

16Les accès n’ont pas pu être mis au jour pour la totalité d’entre elles mais ceux qui ont été reconnus correspondent, soit à une rampe en pente douce comportant de légers surcreusements, soit à des marches directement taillées dans le lœss. Il faut bien entendu restituer un escalier en bois installé sur ces emmarchements.

17Les murs de ces caves pouvaient être consolidés par l’installation de parois en bois. Là encore, plusieurs techniques de construction interviennent. Les plus répandues correspondent à des blocs mortaisés en grès rose disposés régulièrement sur le sol le long des murs. Dans ces blocs étaient fichés des poteaux de bois avec tenon et des planches en bois étaient ensuite installées entre eux. Une cave présente un mode de construction différent. Le long de ses parois, on a retrouvé des solins qui correspondaient à des tranchées de fondation d’environ 5 cm de profondeur, remplies de graviers mêlés à du sable. Sur cet aménagement devaient être installées des sablières basses supportant les éléments de parois en bois.

18On note également dans cette cave la présence de creusements circulaires et quadrangulaires dans le sol qui étaient probablement destinés à accueillir des vases de stockage et un coffre. Enfin, il est important de signaler la découverte d’éléments de table en grès dans deux caves.

19Près d’une trentaine de foyers et de fours étaient encore en place lors de la fouille. Ils sont plus ou moins élaborés et ils sont de formes et de dimensions variées. Ils sont soit creusés dans le sol, soit directement installés sur le niveau de circulation. Les plaques foyères sont toutes constituées d’éléments de terre cuite (dalles, tuiles ou fragments de tuiles) posés à plat sur le sol. Plusieurs de ces foyers comportent une bordure faite de fragments de tuiles disposés les uns sur les autres et qui sont liés à la terre.

20L’une des maisons installées en bordure de la voie était dotée d’une pièce installée sur un hypocauste à chambre de chaleur et à canaux rayonnants. Ce type de système de chauffage par le sol n’est pas rare dans les provinces du nord de l’Empire romain. L’air chaud provient d’une pièce de service attenante où se trouvait un foyer, ou praefurnium, ouvrant sur un canal axial qui débouche dans la chambre de chaleur, située sous la pièce chauffée. Cet espace est construit sur un sol en béton de chaux sur lequel une pilette ronde était encore en place. Deux canaux obliques étaient aménagés dans les angles de cet espace afin d’y diffuser au mieux la chaleur et, ainsi, offrir un chauffage homogène à la pièce qui se trouvait au-dessus. Enfin, la chaleur était également diffusée dans la pièce par le biais de tubulures (briques creuses) placées dans les murs.

21Les puits constituent l’unique source d’approvisionnement en eau sur le site. Ils sont présents dans les cours ou les jardins, à proximité des bâtiments. Plus d’une trentaine ont été retrouvés sur le site. La présence de la nappe phréatique à plus de 7 m sous le niveau de sol actuel laisse supposer qu’ils étaient très profonds. Malheureusement, aucun d’entre eux n’a pu être fouillé intégralement pour des raisons de sécurité. Ils sont de forme circulaire ou quadrangulaire et mesurent rarement plus de 2 m de côté. Ils sont creusés dans le terrain naturel et présentent des parois verticales. Aucun aménagement particulier tels que cuvelage en matériaux périssables ou margelle par exemple n’a été repéré. On peut mentionner de façon anecdotique la découverte d’un bassin en grès rose relativement massif jeté dans le comblement d’un de ces puits.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Plan de la nécropole
Crédits DAO : P. Flotté (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/138700/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 251k
Titre Fig. 2 – Plan de masse de l’habitat
Crédits DAO : P. Flotté (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/138700/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 679k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Pascal Flotté, Géraldine Alberti et Séverine Blin, « Strasbourg – 8-20 route des Romains » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Grand Est, mis en ligne le 12 mai 2023, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/138700

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Géraldine Alberti

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