1Ce diagnostic s’inscrit dans la demande anticipée de prescription d’archéologie préventive, présentée par le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise (SMTC), auprès des Services de l’État, afin d’aménager deux lignes de bus et des aménagements urbains associés (Projet InspiRe – secteur 8, Ernest-Cristal). L’évaluation archéologique de ce tracé long de plus de 2 km s’est faite à travers la réalisation de neuf sondages.

2En dépit de l’apport massif de remblais destinés notamment au nivellement des chaussées actuelles, plusieurs sondages ont livré des séquences naturelles, qui nous renseignent sur les formations et les variations paysagères de ce secteur de Clermont-Ferrand. Boulevards Gustave-Flaubert et Robert-Schuman, les sondages 1, 2 et 3 ont livré une sédimentation hydromorphe s’apparentant à un sol de marais, qui paraît postérieure à la période antique. Elle scelle un paléosol qui s’est développé sur des apports initiaux d’origine colluviale qui ont pu remobiliser, en partie basse, les alluvions sous-jacentes lors de leur transport. Dans certaines de ces séquences, les concrétions carbonatées prouvent l’humidité ancienne de ce secteur. Enfin, en partie basse, des séquences alluviales mélanocrates de la fin du Tardiglaciaire/début de l’Holocène, ayant remobilisé des retombées tephriques (dont CF1 daté à 12000 BP), ont été reconnues. En nous référant à l’environnement proche, ce dépôt résulterait d’un débordement momentané du ruisseau de l’Artière dont le cours actuel est présent à environ 800 m à l’est.

3Dans ce même secteur, les sondages 2, 3 et 4 ont confirmé la présence du maar de la Gantière. Dans le sondage 2, l’observation d’une plage argilo-marneuse grisâtre correspond peut-être à un comblement lacustre interne à la cuvette du maar. Le sondage 4 livre, à une profondeur de 2,40 m, un socle formé de matériaux pyroclastiques (tuff-ring) émis lors de l’éruption (datée de 86 ± 8 Ka par thermoluminescence). Cette plage minérale volcanique est recouverte d’un ancien sol, au couvert herbacé, partiellement conservé.

4Les sondages les plus proches du cours canalisé de l’Artière (sondage 5, 6) sont marqués, pour le premier, par des accumulations progressives d’origine colluviale au contexte d’hydromorphie prégnant. Le second, en revanche, plus proche du ruisseau, a conservé, à une profondeur de 2 m sous la surface actuelle, une terrasse formée d’alluvions fluviatiles holocènes (Fz) qui s’est déposée, d’une part, sur une plage colluviale ayant évolué dans un contexte hydromorphe, d’autre part, sur une plage limoneuse carbonatée, au faciès proche des coulées de solifluxions, pouvant dater du dernier pléniglaciaire. Sous ces séquences, une terrasse plus ancienne de l’Artière (Fy) datée du Pléistocène supérieure-Würm, a été documentée. Elle recouvre des passées sableuses témoignant d’une dynamique fluviatile évolutive. Enfin, à la base de la séquence, une sédimentation palustre de type sol de marais a été reconnue.

5Le dépôt alluvial de l’Artière a été perçu plusieurs centaines de mètres à l’est, dans le sondage 8, sur l’avenue Ernest-Cristal. À cet endroit, la terrasse est datée du Pléistocène moyen-Riss. Cette unité est surmontée d’un second dépôt alluvial composé de sables fins. Cette dynamique s’arrête, remplacée par des apports colluviaux avec le développement d’un paléosol au sein duquel d’ouvre un large paléochenal. Là encore, cet espace sera ultérieurement scellé par un horizon palustre de type sol de marais.

6Enfin, dans la partie orientale de l’emprise, le sondage 9 est localisé sur la marge nord du complexe K de Limagne, qui se matérialise, en partie basse, par des marnes grises oligocènes. Elles sont surmontées par un apport alluvial sableux agrémenté de matériaux fins volcaniques remobilisés, lui-même scellé par des colluvions de bas de versants dérivés du substrat marneux et calcaire oligocène, sur lesquelles s’est formé un paléosol qui accueille une structure parcellaire antique. Comme dans le reste des sondages du secteur 8, un sol hydromorphe de marais recouvre la séquence. Il a livré des graines carbonisées de plantes sauvages et adventices des cultures de printemps/été et d’automne/hiver, ainsi que de friches, décombres et terrains vagues.

7Des vestiges anthropiques ont été retrouvés aux deux extrémités du secteur étudié.

8Au nord du complexe de Limagne, précédemment évoqué, le sondage 9 renferme un fossé axé nord-sud, d’une largeur minimale de 0,45 m, parsemé de neuf trous de poteau de forme quadrangulaire (de 30 à 45 cm de côté) qui sont disposés tous les 30 à 50 cm sur une longueur minimale de 6,50 m. La découverte de ce fossé palissadé, qui pourrait dater du ii^e s. apr. J.-C., s’inscrit dans un voisinage très fortement anthropisé. En effet, dans ce secteur, qui pourrait accueillir le tracé de la via Agrippa en provenance de Lyon, on retrouve de nombreux éléments parcellaires fossoyés, destinés notamment à assécher le paléolac de Sarliève au sud, ainsi que par près d’une dizaine de sites d’habitat, datés du deuxième âge du Fer jusqu’à l’Antiquité tardive, et dont l’organisation spatiale pourrait s’inscrire en un réseau hiérarchisé et polarisé autour de la villa de Belde.

9Le second secteur riche en vestiges est situé sur l’extrémité ouest d’InspiRe 8. Deux sondages se sont révélés positifs. Le sondage 3, boulevard Robert-Schuman, conserve, à une profondeur de 1,42 m, une moitié de fosse ovoïde datée du second Moyen Âge, comblée de nombreux blocs de pierre, dont la fonction reste indéterminée. Les occupations médiévales semblent plutôt rares dans ce secteur. Dans le sondage 1, boulevard Gustave-Flaubert, est apparue, à une profondeur de 1 m, une chaussée de forme bombée, composée d’un apport massif de blocs d’origine pétrographique variée (pépérite, basalte, granite, quartz) liés à la terre, dont la hauteur maximale du radier atteint 0,70 m. Des fragments de terres cuites architecturales sont régulièrement mêlés aux blocs, ainsi que trois fers d’équidés (ânes ou mulets) retrouvés au milieu des blocs, et non sur la surface de roulement, et que l’on tendrait à rattacher la présence au chantier de construction. L’orientation est-ouest de ce chemin se fonde sur l’observation d’une seule limite ponctuelle. Sous le radier de blocs, en partie centrale plus précisément, un fossé antérieur, curé deux fois, a été observé. Il ne semble pas être associé à un axe routier antérieur dont la surface de roulement n’est pas visible dans la coupe, mais, en revanche, il pourrait correspondre au sillon d’implantation d’une voie romaine.

10Il est tentant s’associer cet aménagement linéaire à la voie d’Agrippa « reliant Saintes à Lyon », dite voie d’Agrippa, dont le tracé hypothétique est restitué dans le fichier Patriarche 200 m plus au sud, rue de La Gantière. La découverte d’un tesson de sigillée daté de la fin du i^er ou de la première moitié du ii^e s. parmi les blocs, le choix des matériaux (les blocs de basalte notamment, fréquemment employés dans les voiries du chef-lieu de cité antique), l’utilisation d’un hypothétique sillon de pré-implantation de la voie, sont autant d’éléments permettant d’étayer ce postulat.

11Cette première branche du réseau routier d’Agrippa au départ de Lugdunum-Lyon, traverse le Massif central d’est en ouest via les cités ségusiave, arverne et lémovice, et leurs capitales respectives, Feurs/Forum Segusiavorum, Clermont-Ferrand/Augustonemetum et Limoges/Augustoritum-.

12À l’est du chef-lieu de cité, son tracé est incertain et deux itinéraires se font concurrence, l’un pouvant être antérieur à l’autre. La découverte de cette section de route validerait, dans une certaine mesure, l’itinéraire proche de la rue de l’Oradou.