1La commune de Saint-Bonnet-le-Château est située à 40 km à l’ouest de Saint-Étienne, dans le département de la Loire. Implantée sur une excroissance rocheuse granitique, la ville est localisée en plein cœur des monts du Forez. Le suivi de travaux archéologique a été mené dans le cadre de la réhabilitation du réseau d’assainissement et d’eau potable de la ville.
2Les tranchées de travaux concernées par la prescription se situent au sein du bourg médiéval. L’opération, réalisée par la société Éveha, s’est déroulée en deux phases : du 26 mai au 13 juillet et du 6 septembre au 5 novembre 2021. D’une durée de cent-vingt jours ouvrés, elle a mobilisé une équipe de deux archéologues. Dans le cadre de la prescription, il importait de collecter des données sur le fossé défensif et de documenter une partie de la ville médiévale encore peu investiguée à ce jour. Il s’agissait également de porter une attention particulière aux traces d’activités artisanales localisées dans ce secteur de la ville.
3Les premiers résultats mettent en évidence un pan de l’occupation médiévale intra (rue Dessous des Remparts et rue des Serruriers) et extra muros (place du Grand Faubourg et place de la République) et apportent un éclairage succinct sur la partie occidentale de la ville. Les investigations, bien que limitées par l’impact des travaux d’assainissement, se sont concentrées sur trois pôles distincts (fig. 1).
Fig. 1 – Plan de localisation des secteurs
DAO : J. Moquel, J. Couchet (Éveha).
4Le premier secteur (secteur 1000) est situé à l’intérieur des remparts, dans la rue Dessous des Remparts et la rue des Serruriers. L’implantation des sondages, bien que prometteuse dans ce quartier à caractère artisanal, s’est révélée quelque peu décevante (fig. 2). L’étude documentaire préalable et les nombreux travaux déjà réalisés sur le bourg médiéval de Saint-Bonnet-le-Château ont permis de comprendre l’évolution et la topographie architecturale de la ville. Au xvie s., la bourgeoisie marchande prospère et affiche son opulence au travers de riches demeures dont certaines subsistent encore dans la ville (Hôtel Vilnoz, Maison du patrimoine...). L’artisanat très florissant dans la cité est notamment décrit dans le terrier comtal de 1415, conservé aux Archives départementales (ADL, B2061). On y retrouve de nombreux quartiers comme celui des cordonniers « in sabbateria vercherie » ou encore le quartier des tisserands, des tanneurs (Busseuil 2015, p. 1-19) et des serruriers. Ces quartiers artisanaux semblent se développer à l’ouest de la ville, au niveau de la rue Dessous des Remparts et de la rue des Serruriers.
Fig. 2 – Plan de localisation des vestiges
DAO : J. Moquel, J. Couchet (Éveha).
5Bien que les sources documentaires attestent d’une activité artisanale dans ce secteur de la ville, les investigations n’ont pas permis de mettre en évidence ces données. En effet, la profondeur des tranchées d’aménagement et les nombreux réseaux préexistants ont limité les observations archéologiques. Les données recensées mettent au jour quelques fosses et un niveau de remblai médiéval ou moderne. Le terrain naturel a été atteint assez rapidement (0,70 m) sous l’enrobé ou sous le sol pavé. La présence d’une structure en creux de type fossé a tout de même été documentée à la fin de la première phase de travaux (mai à juillet 2021).
6Le second secteur (secteur 2000) est localisé à l’extérieur des remparts et a permis d’appréhender le quartier du faubourg (place du Grand Faubourg). Une large fenêtre de 236 m2 et des tranchées complémentaires ont révélé les vestiges d’une activité artisanale probablement dévolue au travail du métal, illustrée notamment par une structure de combustion associée à des rejets d’activité métallurgique (d’alliage cuivreux) (fig. 3). Cette structure cohabite avec une série de fosses de rejet dont les comblements sont composés d’éléments détritiques (scories, charbons...). On retrouve également de nombreux trous de poteau et des fossés traversant l’emprise, le plus souvent selon un axe ouest-est.
Fig. 3 – Les structures F2076 et 2077 en cours de fouille
Cliché : P.-A. Donzé (Éveha).
7Le troisième secteur (secteur 3000), localisé sur la place de la République, a permis de sonder partiellement le fossé défensif de la ville. Les précédents sondages de diagnostic, réalisés par nos confrères de l’Inrap, avaient évalué la largeur de ce dernier. La profondeur des excavations (tranchées des travaux d’assainissement) étant réduite, le profil du fossé n’a pas pu être entièrement observé, mais quatre sondages perpendiculaires ont été réalisés le long de son tracé. Deux coupes en particulier, pratiquées d’une part et d’autre du fossé dans des sondages distincts, permettent d’effectuer des observations sur la stratigraphie interne du fossé. La principale contrainte de ce secteur a été la profondeur et la largeur des tranchées, imposées par l’aménagement du nouveau réseau d’assainissement. De ce fait, le fond du fossé n’a pu être atteint. Afin de pallier cette absence d’information, des carottages ont été réalisés à l’aide d’une tarière pour atteindre le fond du fossé (avec le concours de Thierry Argant, Éveha). Ce dernier a été évalué à plus de 4,60 m de profondeur depuis le niveau de sol actuel. Ces colonnes sédimentaires ont un double avantage, puisqu’elles offrent l’opportunité d’effectuer des prélèvements dans les différentes couches du comblement. Ils sont susceptibles de nous renseigner sur l’environnement du site par le biais notamment d’analyses palynologiques (étude des pollens conservés dans les dépôts sédimentaires) ou paléoparasitologiques.
8Des artefacts ont aussi été ramassés au cours des investigations mécanisées, notamment des objets en cuir (fig. 4) qui peuvent être attribués la toute fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Ces objets ont été stabilisés au Centre de conservation et de restauration du cuir (2CRC) basé à Moirans, en Isère.
Fig. 4 – Cuir décoré
Secteur 3. F 3004.03 – PM.O – 007.
Cliché : J. Saadi (Éveha).
9L’autre point remarquable de ce secteur est l’identification d’un ensemble de maçonneries (fig. 5). Elles doivent certainement être à rapprocher des éléments de fortification de la porte Verchère, qui s’ouvrait sur le quartier du faubourg et faisait partie des entrées principales de la ville. La cité urbaine de Saint-Bonnet-le-Château était dotée d’une enceinte quadrangulaire, représentée dans l’Armorial de Guillaume Revel (Laffont 2011). Aujourd’hui, son tracé est toujours identifiable dans la topographie urbaine de la ville. Ces éléments de fortification sont à mettre en relation avec la mise en défense progressive des villes qui intervient à la fin du xiiie s. et au cours du xive s.
Fig. 5 – Phasage des vestiges
Cliché : J. Moquel, J. Couchet (Éveha).