1Le diagnostic réalisé dans l’emprise du rez-de-chaussée du bâtiment central (152,75 m2) du château des sires de Faucigny à Bonneville (Haute-Savoie) s’inscrit dans le cadre de la réhabilitation du site engagée depuis 2003, laquelle est accompagnée par des études archéologiques sédimentaires et sur le bâti. Trois sondages sédimentaires ont été ouverts, pour une surface cumulée de 16,48 m2.
2Édifié dans la seconde moitié du xiiie s., le château sert principalement de prison à partir du xvie s. et jusqu’en 1933, puis durant la Seconde Guerre mondiale. Le bâtiment central, orienté nord-sud, est établi transversalement par rapport à l’axe longitudinal du château médiéval et à celui du site carcéral de l’époque moderne. Sa mise en place au début de la seconde moitié du xixe s. scinde le site en deux espaces distincts, qu’il relie.
3Le château occupe un promontoire molassique d’axe est-ouest qui présente un pendage de même direction, doublé d’une inclinaison du sud vers le nord. Ce socle rocheux, par ailleurs exploité et aménagé, porte la majorité des murs constituant les bâtiments installés entre la seconde moitié du xiiie s. et le xixe s. Il présente, dans les sondages du diagnostic, deux faciès : une pointe de rocher consolidé et brut, et une surface se délitant en partie, et globalement plane autour de 464,80 m d’altitude (sondages 1 et 2). Il n’a pas été observé de traces d’aménagement ou d’outils.
4Le socle molassique est mis à profit de manière à être intégré à la base des murs, comme l’attestent, à l’angle sud-ouest du bâtiment central, deux murs perpendiculaires, chaînés par quelques assises et associés à des niveaux de travail. Les caractéristiques de leurs mises en œuvre et leurs mortiers graveleux les rattachent aux phases de construction de la seconde moitié du xiiie s. D’après les données acquises lors d’opérations archéologiques antérieures, ils forment le prolongement de la courtine sud du château, percée de deux baies géminées à remplages, et, très vraisemblablement, le mur ouest de la magna aula, dont la surface couvre 290 m2 ou 15 toises de longueur selon un texte de 1339 (Carrier, de la Corbière 2005, p. 5). Son sol, estimé autour de 465,21-465,45 m (Bocquet 2019), n’est pas conservé.
5Un autre mur large et massif, observé au nord-ouest du bâtiment central (sondage 3), ainsi que le départ d’une voûte participent également d’un contexte de construction de la seconde moitié du xiiie s. Il s’agit d’une portion de la courtine nord qui reçoit les reins, ici en partie détruits, de la voûte d’une cave connue et mieux conservée en cour est (Benoit, Duriez 2018). La longueur totale de la cave serait de 20 toises selon le texte de 1339, soit 33,20 m (Carrier, de la Corbière 2005, p. 3), avec une largeur de 5,50 m (Benoit, Duriez 2018 ; Bocquet 2019). Son sol est supposé vers 461,50 m, c’est-à-dire à environ 4,30 m sous le sol actuel de la pièce nord du bâtiment central (465,85 m) ou à 2,70 m sous le fond du sondage 3, si, dans ce secteur, ne se situe pas l’escalier d’accès à la cave (inconnu) ou un autre aménagement. Ce sol n’a pas été atteint lors du diagnostic pour des raisons de sécurité.
6Les phases d’occupation suivantes concernent le xixe s. représenté par des remblais qui comblent la cave, après la destruction de sa voûte (sondage 3), et par d’autres remblais déposés dans le tiers sud du bâtiment central (sondages 1 et 2). Ces remblais comprennent, pour la majorité d’entre eux, des matériaux de construction et datent du xixe s., sinon de la seconde moitié de ce siècle, d’après le mobilier céramique et en verre qu’ils contiennent. Ils pourraient s’étendre à l’ensemble de l’emprise du bâtiment central. Leur présence, jusqu’au rocher en sondages 1 et 2, indique des terrassements importants du secteur, sur 1,30 m de profondeur en moyenne, qui ont entraîné la destruction des niveaux, des sols ou des aménagements antérieurs. Elle est à mettre en relation avec la mise en place et la construction du bâtiment central au début des années 1860, d’après les sources d’archives. Le sondage 2 confirme que ce bâtiment peut être fondé profondément et de manière à atteindre le socle rocheux, jusqu’à 1,82 m sous le sol du rez-de-chaussée.
7En sondage 3, au nord-ouest du bâtiment, un mur servant à l’installation d’un escalier appartient à une phase synchrone et descend en-dessous du fond du sondage (1,60 m de profondeur). Il repose pour partie sur la courtine médiévale nord et sur les vestiges de la voûte de la cave.
8Les données collectées dans les trois sondages de ce diagnostic attestent, au cours du xixe s., un remaniement substantiel du site à l’emplacement du bâtiment central et en lien avec son installation. Des secteurs médiévaux demeurent potentiellement préservés, telle l’emprise de la cave.
9Au côté de quelques tessons en verre contemporains, seul du mobilier céramique du xixe s. a été mis au jour. Il illustre des productions savoyardes dont les ateliers restent à identifier. Des tessons marqués de graffitis montrent les marques effectuées par les occupants du site sur les céramiques lorsque le bâtiment servait de prison.
10Aucun autre vestige ou mobilier ne témoigne d’occupations relevant de périodes antérieures au xiiie s.
Fig. 1 – Façade est en 2017 du bâtiment central, avant travaux de restauration (2020-2022)
Cliché : S. Bocquet (Inrap).
Fig. 2 – Plan d’ensemble des vestiges de la partie est du château (en cours) et des sondages 1 à 3 réalisés au rez-de-chaussée du bâtiment central
Échelle : 1/250.
Relevés : É. Bayen, S. Bocquet (Inrap) ; topographie et photogrammétrie : S. Bocquet, J. Boudry, S. Couteau (Inrap).
Fig. 3 – Le mur M39 vu vers le nord-ouest
Cliché : S. Bocquet (Inrap).