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AccueilRégionsAuvergne-Rhône-Alpes202238 – IsèreSaint-Romain-de-Jalionas – Le Vernai

2022
38 – Isère

Saint-Romain-de-Jalionas – Le Vernai

Fouille programmée (2022)
Responsable d’opération : Robert Royet

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Ministère de la Culture

Royet R. 2023 : Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) : Le Vernai : Le secteur XIII : rapport de fouille 2022, 4 vol., 13 tomes.

Texte intégral

1Localisé dans la vallée du Rhône, à une trentaine de kilomètres en amont de Lyon, l’établissement aristocratique du Vernai a connu une occupation remarquable, tant par sa continuité, qui s’étire au moins de La Tène D1b à la fin du Moyen Âge, que par l’importance de certains de ses épisodes. Cela fut notamment le cas durant l’Antiquité, période durant laquelle une villa s’étendant sur 13 ha fut créée, au plus tard au début de l’époque augustéenne, et prospéra jusqu’à la fin de l’Empire.

2Son évolution peut être décomposée en deux phases successives qui semblaient être séparées par une destruction totale intervenant vers 15 apr. J.-C. À une première villa, déjà de grande taille, succéda alors un palais dont le seul habitat principal se développe sur 1 ha.

3Après une interruption d’une douzaine d’années, période pendant laquelle seuls des travaux ponctuels avaient été conduits, un nouveau programme de fouille a été engagé en 2020 à la suite de la réalisation d’une prospection géophysique qui avait mis en évidence l’existence d’un bâtiment isolé à l’écart de la villa, pourtant délimitée par un mur d’enclos. L’importance et l’originalité de cet édifice sont apparues à l’issue d’un sondage dans lequel trois ensembles de faune, cachés et interprétés comme des dépôts rituels, ont été retrouvés.

4Cet édifice, dénommé bâtiment XIII-A, a donc été le sujet d’une demande de fouille en 2020. Le projet d’intervention présenté devait permettre son examen en une seule saison mais la complexité stratigraphique de l’édifice et le haut niveau de la nappe phréatique en 2021 ont conduit à en prolonger la fouille, qui n’a été achevée qu’en 2022. La reconduction de cette opération sur trois ans s’imposa aussi lorsqu’il fut clair que le bâtiment n’était pas isolé. Le décapage fit apparaître, de part et d’autre de celui-ci, une série de quatre ou cinq constructions appartenant à la première villa, mais qui, survivant à sa destruction, perdurèrent jusqu’au milieu du ier s., soit plusieurs décennies après la création de la deuxième villa.

5Le bâtiment XIII-A s’est avérée être une cave maçonnée d’environ 25 m2 excavée sur une profondeur de 0,90 m, desservie par un petit corridor. Si son plan est assez commun dans les campagnes de Gaule, la question de sa fonction se posa très rapidement. Plusieurs arguments, en particulier l’hydromorphie du secteur, interdisaient a priori d’y voir, comme c’est le cas habituellement, un lieu de stockage ou un atelier. L’édifice n’a, en effet, pu être mis hors d’eau, son ennoiement vraisemblablement fréquent, même s’il reste encore aujourd’hui à appréhender le niveau de la nappe phréatique durant l’Antiquité, ayant d’ailleurs nécessité très rapidement des rehaussements du niveau de son sol.

6Des aménagements intérieurs y ont été identifiés mais, variant selon les niveaux et n’ayant donc eu qu’une existence éphémère, ils ne fournissent pas d’indices sur la finalité ou le fonctionnement de l’édifice. La présence de dépôts de faune, ainsi que d’un mobilier céramique atypique (céramiques brisées volontairement, de petits modules, voire même miniatures, avec plusieurs gobelets en paroi fine), semble devoir être rattachée à des gestes cultuels dont le détail ne peut toutefois être restitué. La spécificité de cette fonction pourrait expliquer la survivance de la construction après la destruction de la première villa alors même qu’il se situe hors de la seconde villa.

7Il faut aussi noter que l’édifice s’inscrit au centre d’un réseau de gros drains dont les fonds sont toutefois beaucoup trop hauts pour l’assainir. L’un d’entre eux est d’ailleurs même recoupé et raccourci lors de la construction de la cave. Il faut donc supposer que l’emplacement était initialement occupé par un premier édifice, dont on ne connaît pratiquement rien, et auquel il faudrait rattacher les drains ainsi que les divers négatifs de poteaux retrouvés à proximité immédiate de la cave. Ce premier édifice aurait été intégralement éradiqué lors du surcreusement de XIII-A.

8Le caractère remarquable du bâtiment XIII-A devrait être évalué à l’intérieur d’un espace plus vaste dont seule une partie a été mise au jour. Dans les 800 m2 décapés autour du bâtiment XIII-A, au moins trois zones, de natures, d’organisations et même de chronologies diverses, ont en effet été distinguées.

9Immédiatement à l’est de la « cave », un deuxième bâtiment d’environ 60 m2, dénommé XIII-B, a lui aussi été fouillé. Légèrement décalé par rapport au précédent, ce qui interdit de le rattacher à celui-ci, il pourrait occuper, malgré sa rusticité, une place importante dans l’organisation de cette zone.

10À l’issue de trois années de fouilles, il a été possible de mettre en évidence un état initial en matériaux légers, mur en terre et palissades, organisés selon un plan qui sera repris dans l’état postérieur et transformé progressivement, tout au long du ier s. av. J.-C. Cet état initial en terre et bois, daté de la première moitié du ier s. av. J.-C., sans qu’il soit possible de resserrer l’amplitude de l’incertitude, paraissait, au premier abord, être rattaché à la ferme, construite par un aristocrate allobroge, précédant la villa. La continuité constatée entre sa création et son abandon un siècle plus tard incite maintenant à l’intégrer dans cette villa, ce qui en vieillirait la construction. Il ressort de cette proposition que la romanisation du propriétaire eut lieu bien avant le lendemain de la Guerre des Gaules, comme cela est habituellement le cas pour l’aristocratie allobroge.

11Au contraire des deux années précédentes, la zone orientale n’a fait l’objet que d’une attention réduite. L’élément principal qui y fut dégagé est une aire de graviers bordant le bâtiment XIII-B et qui pourrait être le reste d’une cour qui s’étend, pour sa plus grande partie, hors de l’emprise de la surface d’étude. Dans cette zone, les rares débris d’une aire de travail démantelée lors du nivellement terminal furent aussi examinés à proximité immédiate du bâtiment XIII-B.

12Comme la précédente, la zone située au nord des édifices n’a pas fait l’objet d’un fort investissement cette année. Il faut toutefois signaler qu’en ce lieu la stratification a été intégralement conservée, le niveau de sol extérieur du ier s. apr. J.-C. apparaissant intact sous une dizaine de centimètres de terre végétale. Un ensemble de sept ou huit fosses, disposées en un carré de 3 m de côtés mais qui se développe hors emprise, pourrait correspondre à un bâtiment sur poteaux. La structure des comblements fait cependant plutôt penser à une plantation.

13Enfin, à l’ouest du bâtiment XIII-A, le nettoyage approfondi de la zone dite D a révélé un ensemble de drains daté de la première moitié du ier s. apr. J.-C. Contrairement à ceux entourant l’édifice précédant le bâtiment XIII-A, il s’agit pour la plupart de vestiges assez sommaires traversant le secteur XIII en provenance du sud et se dirigeant vers le canal de drainage au nord. Bien que creusés dans un court laps de temps (première moitié du ier s.), ces drains qui se recoupent n’appartiennent pas à un unique réseau cohérent. Le seul élément notablement diffèrent est un drain aménagé avec des parois et un couvercle en pierre orienté, lui, ouest-est. À peu près visible sur le relevé radar, il semble se poursuivre vers l’ouest sur une vingtaine de mètres, avant d’obliquer brutalement vers le nord. Il est donc possible qu’il ait entouré un éventuel enclos.

14Outre ces drains, il faut signaler trois éléments notables :

  • Le premier est une aire de forge apparue en 2021. Elle n’a pu être traitée en 2022.
  • Le deuxième, qui semblait être, l’an dernier, un empierrement confus, s’est révélé être un puits construit avec de très gros blocs non dégrossis. Sa fouille a dû être interrompue du fait de la présence, dans son remplissage, de blocs du cuvelage basculés lors de sa neutralisation. Son rattachement chronologique ne peut être précisé.
  • Le troisième est un négatif de mur en terre d’une structure quadrangulaire, dont les dimensions (plus de 20 m pour son grand côté) incitent à voir un enclos plutôt qu’un bâtiment. Détecté en 2021, il n’a pu être dégagé que sur un quart de son emprise environ. Localement repris par des tronçons de murs en pierres sèches ou maçonnées, il pourrait donc être antérieur à l’édification de la villa. La fonction de cette structure n’est pas connue mais il ne s’agit à l’évidence pas d’un bâtiment d’habitat. On envisage plutôt pour l’instant qu’il s’agisse d’un péribole ou du moins du mur d’enclos d’un équipement collectif.

15En conclusion, malgré l’avancement inégal de la fouille qui, en trois campagnes, n’a pas pu traiter entièrement le secteur, les enseignements qui ont pu être tirés sont considérables pour la compréhension de la genèse du site.

16Il est, en premier lieu, nécessaire aujourd’hui de remettre en cause la chronologie acceptée jusqu’à présent. La présence d’un état antérieur sous le bâtiment XIII-B nourrit l’hypothèse de l’existence d’une villa dès la première moitié du ier s. av. J.-C. Ce constat impose de s’interroger sur la romanisation de certaines élites allobroges bien plus anciennement qu’habituellement admis, au vu des sources historiques et des stratigraphies urbaines.

17L’autre problématique, qui était à l’origine de cette reprise de fouille, concerne la nature de ce secteur dont la pérennité surprend alors même qu’il est exclu du périmètre de la villa dès la fin de l’époque augustéenne. Les analyses de mobilier, qu’elles portent sur les restes osseux ou sur la nature et l’usage des céramiques, nourrissent l’hypothèse de l’existence de pratiques rituelles, voire religieuses, dans le bâtiment XIII-A. Le rejet volontaire de cette zone hors de l’emprise de la villa restructurée et considérablement agrandie vers 15 apr. J.-C. se confirme et pose donc la question de l’identité des usagers de ces installations, vraisemblablement des voyageurs ou des dépendants extérieurs à la villa. Il faut, malgré tout, admettre que, faute d’une vision claire de l’organisation de l’espace de ce secteur dont la surface est trop réduite, il reste difficile d’en certifier le rôle.

18Les perspectives de cette opération sont aujourd’hui incertaines. La CTRA, privilégiant la perspective d’une monographie, n’est pas favorable à une poursuite des activités de terrain. Au contraire, devant la rareté des informations stratigraphiques sur plusieurs secteurs fouillés très anciennement il apparaît indispensable d’y procéder à des sondages complémentaires, en particulier dans le secteur balnéaire, distant d’une quarantaine de mètres et dont même la datation n’est pas assurée.

19Une demande en ce sens sera présentée pour la programmation 2023.

Fig. 1 – Plan de la villa, toutes phases confondues, avec localisation du secteur XIII

Fig. 1 – Plan de la villa, toutes phases confondues, avec localisation du secteur XIII

DAO : équipe.

Fig. 2 – Vue zénithale du secteur XIII

Fig. 2 – Vue zénithale du secteur XIII

Le 8 août 2022.

Cliché : équipe.

Fig. 3 – Vue aérienne du bâtiment XIII-A et de ses abords

Fig. 3 – Vue aérienne du bâtiment XIII-A et de ses abords

État au 1er août 2022. La couche XIII-1588 est en cours de démontage. Au centre, on distingue la pierre supportant le poteau V13206.

Cliché : équipe.

Fig. 4 – Vue cavalière de la pièce A.1 et du puits

Fig. 4 – Vue cavalière de la pièce A.1 et du puits

Cliché : équipe.

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Bibliographie

Royet R. 2020 : Le Vernai à Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) Le secteur XIII, rapport de fouille 2020, Lyon, SRA, 3 vol.

Royet R. 2022 : Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), Le Vernai, Le secteur XIII, rapport de fouille 2021, Lyon, SRA, 5 vol.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Plan de la villa, toutes phases confondues, avec localisation du secteur XIII
Crédits DAO : équipe.
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Titre Fig. 2 – Vue zénithale du secteur XIII
Légende Le 8 août 2022.
Crédits Cliché : équipe.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/141794/img-2.jpg
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Titre Fig. 3 – Vue aérienne du bâtiment XIII-A et de ses abords
Légende État au 1er août 2022. La couche XIII-1588 est en cours de démontage. Au centre, on distingue la pierre supportant le poteau V13206.
Crédits Cliché : équipe.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/141794/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 861k
Titre Fig. 4 – Vue cavalière de la pièce A.1 et du puits
Crédits Cliché : équipe.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/141794/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 440k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Robert Royet, « Saint-Romain-de-Jalionas – Le Vernai » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 28 septembre 2023, consulté le 13 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/141794

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Auteur

Robert Royet

Drac Auvergne-Rhône-Alpes (service régional de l’archéologie)

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