1Cette intervention de quelques jours, en décembre 1994, était destinée à accompagner les travaux de dégagement (réalisés par le service des Monuments Historiques) des remblais d’écroulement qui encombraient encore l’intérieur de l’église de ce monastère cistercien de moniales cloîtrées, fondé en ce lieu vers 1140 en doublet du monastère masculin qui est à l’origine du bourg actuel d’Aubazine.

2L’ensemble du site a fait l’objet d’une fouille programmée de 1976 à 1989. Rappelons que cette fouille a permis de mettre en évidence le fait que l’implantation des bâtiments monastiques avait préalablement nécessité la construction d’une terrasse artificielle aux dépens du torrent qui traversait originellement le site et qui, depuis, le contourne. Les vestiges retrouvés en élévation, en fondation ou enfouis, ont été jugés suffisamment conséquents et significatifs pour que l’ensemble ait pu faire, en 1987, l’objet d’une mesure de classement. Malgré les transformations importantes qui ont affecté les bâtiments monastiques au moins à deux reprises, au xv^e et au xvii^e s., il a été possible de restituer le plan primitif des bâtiments dont les fondations se sont parfaitement conservées dans l’infrastructure de la terrasse artificielle. Une présentation de cette organisation première devrait pouvoir être proposée au public sans qu’il tarde trop.

3En ce qui concerne l’église, c’est le seul des bâtiments dont l’élévation se soit partiellement conservée. Il s’agit, en plan, d’un grand rectangle (de 33 m sur 8 m dans œuvre), qui ferme le site du côté nord. Les murs, solidement bâtis au mortier de chaux avec des moellons de gneiss local non taillés, ne se sont conservés que sur le côté sud et au mur pignon ouest ; le mur nord comporte une brèche importante ; quant au mur de chevet, il n’en subsiste que la fondation talutée qui protège l’édifice des attaques du torrent. Au xiii^e s., cette église, qui avait sans doute été conçue à l’origine pour être simplement charpentée, a été pourvue de voûtes gothiques réparties en quatre travées ; à chaque travée correspondaient deux baies largement ébrasées percées dans chacun des murs gouttereaux.

4Lorsque le site a été abandonné à la Révolution par les douze moniales qui l’habitaient encore, les bâtiments étaient certainement déjà en mauvais état. Ils furent pillés et exploités comme carrière par la population du bourg et leur emplacement fut nivelé et transformé en prairie de fauche avant le milieu du xix^e s. L’église, néanmoins, résista mieux à ce démantèlement à cause de la qualité de son mortier. Mais, d’une part le mauvais état des toitures entraîna l’effondrement des voûtes, d’autre part on arracha peu à peu des maçonneries les belles pierres de grès taillées qui constituaient les chaînages d’angle des murs et des contreforts du mur nord, les piédroits et les arcs des baies, les retombées des nervures des voûtes.

5L’un des objectifs des archéologues a été, dans un premier temps, de réaliser une lecture à peu près correcte de cet édifice, ce qui a entraîné des actions importantes de débroussaillement. Dans un second temps, il s’est avéré nécessaire de tenter de retrouver les niveaux de circulation, et si possible les aménagements en sous-œuvre ; plusieurs sondages (dont une grande tranchée ménagée d’ouest en est contre le mur sud) ont permis de répondre peu à peu à ces questions, cependant que les sources écrites autorisaient par ailleurs une certaine connaissance des réaménagements successifs (forcément liés à ceux des autres bâtiments monastiques) de cet espace et de ses accès.

6Restait à affiner les certitudes archéologiques et, dans un autre registre de préoccupation, à œuvrer pour la préservation et la mise en valeur de cet édifice austère et original. Au cours de l’année 1994, a donc été réalisé, par les soins du service des Monuments Historiques, un ensemble important de travaux visant tout d’abord à la consolidation durable des maçonneries. La dernière opération, peu aisée à effectuer car le niveau de circulation de l’église se trouve nettement en contrebas de la route actuelle contiguë au site, consistait à évacuer les remblais d’écroulement qui, sur 2 à 3 m d’épaisseur, l’encombraient encore. La tâche des archéologues consistait donc, en l’occurrence, non pas à fouiller, mais à accompagner le travail de déblaiement à la pelle mécanique, afin de veiller au respect des niveaux de circulation repérés, de noter les anomalies éventuelles et de récupérer les éléments d’architecture ou de décor qui se présenteraient.

7L’édifice, ainsi dégagé, apparaît désormais dans toute son ampleur, et même dépourvu de ses voûtes, il fait grande impression. En ce qui concerne le plan, aucune modification n’est à signaler, si ce n’est la mise au jour dans l’angle nord-ouest d’une très petite structure carrée au fond dallé dont l’utilisation n’a pas encore été définie (placard ?, point d’eau ?). En outre, le dégagement du chœur a permis de retrouver la petite porte qui, percée dans le mur nord (et ultérieurement murée), permettait à l’origine au moine desservant d’accéder à cette partie de l’église où, primitivement, les moniales ne pénétraient pas puisqu’elles étaient séparées par un haut mur de refend seulement ouvert d’une petite fenêtre grillagée.

8Comme observé précédemment, il y a bien une dénivellation de 1,20 m entre le niveau du chœur et le seuil de la porte d’entrée du pignon ouest ; le rattrapage se fait par des paliers et des rampes, dont le détail vaudra d’être précisément étudié. Par endroits, notamment dans le chœur, se sont conservés quelques éléments du pavement qui, à dessein, n’ont pas été systématiquement dégagés. Certaines parties basses des murs, notamment dans le chœur, ont conservé sur de grandes surfaces l’enduit blanc à faux joints de couleur ocre-rouge du Xlll8 s.

9Quant aux remblais, ils ont restitué en quantité des éléments de grès (souvent enduits à l’ocre-rouge) des nervures des voûtes, dont les sondages antérieurs avaient permis de connaître le module. Ils ont également livré deux clefs de voûte, lesquelles ont le double intérêt de proposer un décor animalier assez énigmatique (à l’étude) et d’indiquer que les voûtes étaient à liernes.