1En juillet 1994, les travaux d’adduction de gaz sur les communes de Bellac et Peyrat-de-Bellac ont permis l’observation des plus vieux chemins d’accès au Vincou à l’ouest de l’ancien bourg castral. La tranchée réalisée en juin et juillet 1994 depuis la commune de Saint-Bonnet-de-Bellac jusqu’à la hauteur des faubourgs de Bellac a été menée parallèlement au cours d’eau à une cote d’altitude moyenne de 240 m, et sur une profondeur de 2 m environ. L’architecture interne des chemins sectionnés a pu être comparée sur les quatre km qui séparent le ruisseau de Pierrefitte du poste de détente gaz de Chapterie.

2En dehors des seuls aménagements routiers, aucun mobilier ni trace de maçonnerie n’a été repéré en plein champs, ni en fond de tranchée, ni dans les déblais de fouille, hormis de rares tessons de tuiles non caractéristiques, au droit d’importantes banquettes de culture près de Chapterie.

3La majorité des chemins observés sont creux et non bâtis, le profil des talus étant guidé par l’érosion des couches biaises de grès lacustres. Un drainage central dans l’axe du chemin, formé de deux pierres plates en voûte, assainissait sous l’empierrement sommaire le chemin de desserte de la ferme du Villard. L’ancien chemin dit de « Bellac à Mézières » présente l’encavement le plus important, encaissement érosif mis à profit pour réaliser ponctuellement des retenues d’eau à des périodes récentes. Ces aménagements hydrauliques ont entrainé un recalibrage du chemin primitif. Sur la berge, un cheminement postérieur a doublé l’ancienne assiette.

4À faible distance, un franchissement du Vincou à Sissac, considéré par certains auteurs comme les vestiges d’une voie romaine, présente le même encavement étroit sur la rive gauche, entraînant l’abandon du chemin dans toutes ses parties humides. Si ancien qu’il soit, ce type de cheminement non bâti est fragilisé par la nature et l’humidité de son assise.

5À l’opposé, sur les hauteurs de Chapterie, un cheminement d’interfluve qui descend à l’aplomb du Pont de la Pierre présente l’assise naturelle la plus stable. Ce chemin, rigoureusement plan et non encavé, a été pavé à une période récente ; un élément manufacturé de caoutchouc, ne pouvant être évidemment antérieur au début de xix^e s., était emprisonné dans le sable de préparation, entre les pavés calibrés et le rocher. La chronologie relative du dernier équipement nous indique que ces cheminements de hauteur, usités souvent de Haute Antiquité, n’ont jamais cessé de servir au trafic pondéreux jusqu’à nos jours.

6Dans chacun des cas observés, la nature du sol et son hygrométrie conditionnent le profil des chemins ; les grès lacustres gorgés d’eau du vallon de Châtaignier, sur la commune de Peyrat-de-Bellac en favorisent l’encavement (le fond de la tranchée du gazoduc, à l’image de nombreux champs riverains, a dû être drainé dans cette zone). À l’inverse, les transports de sidérolithique du plateau du Montroy, sur les hauteurs de Bellac, sont secs et adaptés au cheminement.

7C’est à l’exact contact, bien connu des agriculteurs, entre zone humide (1) et plateau sec (2) sur la section cadastrale du Moyard qu’a été observée la seule route bâtie en recharges successives sur près de 0,80 m de hauteur, décrite par un des propriétaires riverains comme l’ancienne route de Confolens. Dénommée sur les cadastres « Chemin de Bellac à Nouic », elle reprend le tracé en baïonnette suggéré sur la carte de Cassini depuis le Pont du Vincou jusqu’au sud de la Croix de la Pile, où elle coupe à la perpendiculaire le cheminement d’interfluve de Limoges à Poitiers, dont l’aménagement à la période antique a été mis en évidence dans la région de Blond.

8Comme dans les Bois de la Tourette, la route du Moyard, construite par couches damées régulières sur une assise reprofilée, est du type « via terrena », dont le rare galetage est formé par des granules de quartz enrobés dans l’argile sidérolithique qui compose la masse homogène du monument. La largeur de la surface roulante, restituée à 3 m, est diminuée aujourd’hui vers l’aval. Le glissement des strates dessine un profil biais en « marches cavalières » qui contraste avec les préparations rigoureusement horizontales (3) de l’assise du monument. Les pierres de plus grand calibre sont rassemblées au pied des strates détruites dans un environnement non damé (4). Un galetage calibré semble avoir roulé vers le fossé aval (5) qui servait dans un dernier état de couloir de circulation préfigurant, au contact des grès lacustres, un chemin creux en devenir (6).

9Aucune surface de roulement, primitive ou intermédiaire, n’a pu être mise en évidence dans le cœur du monument. Seul le cheminement des racines de végétaux a permis de repérer les couches régulières de 12 cm d’épaisseur (7), laissant supposer une seule campagne de construction. Ces recharges ne semblent donc pas ici le résultat d’un entretien régulier imposé par un hypothétique orniérage.

10La bonne conservation du fossé amont, rempli exclusivement de terre végétale (8), contraste avec les perturbations avales et accrédite l’hypothèse d’une dérive progressive du roulement entraînant la dislocation de la chaussée primitive. La dégradation du monument par son flanc a pu être favorisée par le piétinement des bovidés qui délaissent volontiers les surfaces dures, mieux adaptées aux chariots et aux chevaux. Une augmentation importante du trafic entraînant l’élargissement mal contrôlé de la surface de roulement a pu également transformer le profil général du monument qui présente néanmoins encore aujourd’hui en son sommet une surface d’une dureté étonnante.

11Si la construction est de tradition antique, la carte de Cassini nous rappelle son usage au xviii^e s. et les entretiens inévitables qu’un trafic régulier nécessite. À la recherche d’un axe antique est-ouest reliant Saint-Germain-de-Confolens à Châteauponsac par la commune de Peyrat- de-Bellac, la coupe stratigraphique du gazoduc nous livre peut-être avec précision le franchissement antique du Vincou.