1Préalablement à la réalisation de la déviation à 2 x 2 voies de La Barre (RN 141), communes de Veyrac et de Saint-Victurnien, dans le cadre d’une convention, une évaluation archéologique a été conduite. Son but était de déterminer au mieux l’existence, l’extension, la nature et l’intérêt scientifique des gisements situés dans l’emprise projet. Ces opérations de diagnostic doivent permettre de définir de manière aussi précise que possible les contraintes archéologiques et d’en évaluer les conséquences sur la programmation des interventions archéologiques ultérieures.

2La bonne exposition des terrains (sud – sud-ouest), leur position géographique (terrasses dominant la Vienne), ainsi que la présence d’itinéraires très anciens à proximité, pouvaient laisser présager d’un potentiel archéologique important de ce secteur. Un diagnostic archéologique était donc- nécessaire avant que ne débutent les travaux afin de pouvoir mettre en place des opérations de sauvetage. La phase de prospection mécanique avec réalisation de sondages systématiques sur les terrains et tout au long des 3,5 km de tracé a permis d’observer deux occupations protohistoriques.

3Le tracé étudié suit approximativement une ligne de crête dominant la vallée de la Vienne (versant exposé au sud). Les coteaux sont drainés par une série de ruisseaux dont les principaux sont les ruisseaux de Chandiat et de Montazaud. Ces derniers forment de petites vallées transversales en amont desquelles se retrouve systématiquement une zone humide à tendance tourbeuse. Les terrains étudiés se trouvent à la limite des zones métamorphique et magmatique. Le socle est ici formé de paragneiss plagioclastiques à muscovite et biotite. Dans la zone étudiée ce paragneiss présente un faciès à tendance micaschisteuse.

4Des restes d’une très haute terrasse de la Vienne sont observables : assez bien conservés à « La Croix de l’Ange », on ne les retrouve plus qu’en lambeaux peu épais sur le reste du tracé. Les galets épars reposant sur le socle altéré demeurent cependant omniprésents. La terre végétale est en général très peu épaisse (5 à 30 cm) et repose directement sur les arènes, ce qui fait penser à une érosion intense des sols. Dans les vallées transversales des argiles légèrement sableuses se sont accumulées par colluvionnement sur une épaisseur importante (jusqu’à 2,5-3 m). Ces argiles étaient encore exploitées dans la première moitié de ce siècle à La Malaise (à 4 km de la zone étudiée).

5Sur l’ensemble de la zone affectée par le projet routier nous avons réalisé des sondages mécaniques ponctuels et en tranchées. Le maillage utilisé était de 10 m ; cependant ce maillage a été resserré dans les zones de forte sensibilité. Chaque tranchée traverse la zone d’impact de part en part. Des tranchées longitudinales ont été effectuées lorsqu’il s’est avéré nécessaire d’affiner le diagnostic. Ces sondages, atteignant systématiquement le socle géologique, permettent d’avoir une vision globale des sols et des éventuels niveaux archéologiques sur l’ensemble du tracé.

6Aucun indice archéologique n’était répertorié pour la zone étudiée. Les sondages mécaniques effectués sur toute la longueur du tracé de la déviation nous ont permis de mettre en évidence deux occupations protohistoriques :

• 1a – Le pré de la Cane (dit de chez Durieux) : structures d’habitats du premier âge du Fer (fosses, trous de poteaux, enclos ?) ;
• 1b – Le pré de la Cane (le Villare) : tumulus du premier âge du Fer ? (tertre appelé communément las Tours) ;
• 2 – Le Temple : épandage protohistorique (tessons), site dépourvu de structure.

7Seul le site du pré de la Cane présente un intérêt archéologique significatif. Ce site se trouve en bordure d’un vallon transversal, à tendance tourbeuse, orienté au sud et ouvert sur la vallée de la Vienne. Les sondages mécaniques en tranchées effectués ici ont mis au jour une importante série de structures en creux (fosses, trous de poteaux et enclos ou chenal fluviatile ?), appartenant pour le plus grand nombre au premier âge du Fer. Ces structures fossoyées se trouvaient entre 0,30 m et 1,10 m (fosse 1 et 2, parcelle n^o 530) de profondeur par rapport au sol actuel. Aucune organisation ne se distingue actuellement. La fouille des fosses a cependant permis de recueillir une quantité de mobilier céramique particulièrement intéressante.

8Plusieurs types céramiques et divers procédés décoratifs ont été reconnus : jatte (carénée) à fond creux et profil composite, pots à fond plat et profil simple, jarres ou vases à provisions à bord aplati, bols à rebord arrondi, bols à profil arrondi avec ou sans anse ; motifs décoratifs : cordon, graphite, peinture, impressions, cannelures. Cet inventaire n’est toutefois pas exhaustif. Il sera complété lors de l’étude globale du site. Les pâtes des tessons sont presque toujours foncées (rouge à noire), ayant subi une cuisson réductrice, avec de gros dégraissants quartzeux. La pâte des tessons graphités au contraire est homogène, d’aspect feuilleté avec des dégraissants très fins (quartz et mica notamment).

9Cette phase évaluative a donc mis en évidence une occupation du premier âge du Fer (structures d’habitats) en bordure d’un fond humide et argileux. Ces témoins d’installation permettent de penser que ce site recèle un fort potentiel archéologique. La présence d’une tuile à rebord et de céramiques tournées, contenue dans une des fosses, pourrait indiquer une occupation temporaire (?) du secteur par les Gallo-Romains... Outre les recherches d’occupations et d’organisations du site, il convient de réaliser une étude paléoenvironnementale de ce gisement en collaboration avec des spécialistes (palynologue et géomorphologue) de façon à comprendre la dynamique de comblement du vallon (analyse géomorphologique).

10La présence d’un tumulus (site inédit), situé en limite de la zone d’occupation du site protohistorique, n’est pas non plus sans intérêt. La fouille de ces deux sites, qui restent indissociables, permettrait de jeter les bases sur l’organisation des terroirs au premier âge du Fer. En effet, l’approche conjointe de l’espace quotidien et de l’espace funéraire revêt un aspect fondamental pour la compréhension du fonctionnement des sociétés protohistoriques.