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AccueilRégionsCorse20212A – Corse-du-SudSollacaro – Filitosa, u Turrichju

2021
2A – Corse-du-Sud

Sollacaro – Filitosa, u Turrichju

Fouille programmée (2021)
Responsable d’opération : Kewin Peche-Quilichini

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Année de l'opération :

2021

Numéro d’opération :

082223

Nature de l'opération :

fouille programmée
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Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Inrap

Texte intégral

1Situé en rive gauche de la basse vallée du Taravu, dans le sud-ouest de la Corse, à 8 km de la mer, l’éperon de Turrichju culmine à 66 m au centre de son plateau sommital. Ce relief se développe du sud-est vers le nord-ouest, en position de confluence entre les ruisseaux de Barcajolu (au nord-est) et de Sardelle (à l’ouest), soit une configuration assez classique des habitats fortifiés de l’âge du Bronze du sud de la Corse. Le sous-sol est ici composé de granites blancs hercyniens. Les massifs rocheux sont particulièrement sensibles et soumis aux phénomènes de taffonisation, à l’origine de la création d’affleurements de rochers creux de dimensions variées.

2Ouvert aux visiteurs depuis une quarantaine d’années, Filitosa est mondialement – et à juste titre – considéré comme le « haut lieu de la Corse préhistorique ». L’intérêt des chercheurs pour ce gisement est consécutif à la reconnaissance, en 1954, du premier groupement insulaire de statues-menhirs (Filitosa I à IV), connues dans les traditions locales sous le nom de paladini, géants et seigneurs des mondes anciens qui, une fois tombés en voulant protéger le petit peuple, ne se relèveraient jamais plus.

3En 1956, R. Grosjean, qui vient d’intégrer le CNRS avec un programme de recherche sur la Corse, à partir des informations livrées par plusieurs collaborateurs dont l’archiviste départemental P. Lamotte, visite ces mégalithes et identifie les vestiges de l’habitat de l’âge du Bronze dans le chaos rocheux de la colline de Turrichju. Débutent alors des fouilles archéologiques qui devaient se poursuivre de façon discontinue pendant une vingtaine d’années. Les fouilles se développent avec l’aide de l’archéologue sarde E. Atzeni, et les premiers dégagements mettent au jour trois monuments turriformes, une enceinte cyclopéenne, les restes d’un village, des abris-sous-roche occupés dès le Néolithique ancien et d’innombrables statues-menhirs souvent tronçonnées pour être remployées dans les architectures. Dans les années 1970 et 1980, les fouilles seront dirigées par J. Liégeois, qui poursuivra les sondages d’E. Atzeni. Les résultats de l’étude architecturale, couplés à ceux obtenus dans toute la zone méridionale de la Corse, allaient être retenus comme fondateurs dans l’élaboration d’une théorie restée célèbre dans l’historiographie sous le nom de « théorie shardane ».

4Le site et ses abords devaient bénéficier aussi d’une protection au titre des Monuments historiques en décembre 1967 et en décembre 1980. Il a ensuite été retenu sur la liste des « 100 sites historiques d’intérêt commun aux pays de la Méditerranée », dans le cadre du Plan d’action pour la Méditerranée sous l’égide de l’ONU. Aujourd’hui, Filitosa est une destination touristique prisée.

5L’occupation de l’éperon de Turrichju débute donc au Néolithique ancien. L’aire concernée est limitée à un petit abri et aux abords de la cavité. Elle date du milieu du VIe millénaire et peut être mise en relation avec les stations (d’abri également) de Campu Stefanu et Basi, légèrement plus anciennes. Comme sur ce dernier site, l’époque immédiatement postérieure au Cardial est marquée par un abandon. Une réinstallation sur ces deux sites qui se font face advient autour de 3800 av. J.-C. (époque basienne). Elle reste, dans les deux cas, assez mal caractérisée et précède un nouvel abandon.

6En l’état des données, l’époque de fondation de l’habitat de l’âge du Bronze de Filitosa est difficile à déterminer avec précision. Les vestiges mobiliers inédits, dont on a pu terminer l’inventaire (et non l’étude) en 2019, montrent que l’occupation se déroule entre le milieu du Bronze ancien et la fin du Bronze récent, voire le début du Bronze final, soit entre 1900 et 1200 av. J.-C. environ. Cela dit, la mise en perspective des vestiges par ensembles n’a pas pu être tentée et la chronologie intrinsèque des différentes structures ne peut malheureusement pas être estimée. L’objectif de la présente campagne réside donc essentiellement dans une contextualisation générale de l’information, incluant un nouveau sondage.

7Le sondage réalisé en 2021 à Filitosa était à l’origine prévu sur 9 m2. Sur avis de la CTRA Sud-Est, cette surface devait être doublée. Au final, l’aire excavée mesure 21 m2 (3 x 7 m ; orientation sud-ouest – nord-est). L’espace choisi pour l’implantation est situé dans la partie nord-est de l’éperon, à près de 35 m au nord des fouilles anciennes. Il s’agit d’un secteur ne présentant aucune anomalie superficielle, avec une pente régulière vers le nord-est, bordé au nord et à l’est par une marche topographique suggérant la présence d’une enceinte en pierre sèche sous les sédiments superficiels. À l’est, une file d’oliviers centenaires tend à prouver que le sous-sol est de type rocheux. Au nord-ouest, un affleurement granitique à paroi orientale verticale se prêterait volontiers à l’accrocher d’un tronçon d’enceinte, comme cela se voit sur tous les sites fortifiés insulaires. L’idée générale de ce choix d’implantation de sondage repose donc sur les probabilités hautes de mettre en évidence ici la limite nord-est de l’espace sommital fortifié, et ainsi de bénéficier d’une optimisation en termes d’archivage sédimentaire.

Fig. 1 – Sondage 2021 : planimétrie de la dernière phase d’occupation

Fig. 1 – Sondage 2021 : planimétrie de la dernière phase d’occupation

Hachuré, substrat apparent ; en gris, blocs ; en vert pomme, fosses lenticulaires ; en jaune, fosses profondes ; en vert, fragment de statue-menhir ; en bleu, blocs brûlés.

DAO : K. Peche-Quilichini (Inrap).

8La fouille a permis d’observer trois niveaux de sols superposés, correspondant vraisemblablement aux plans de circulation successifs de l’intérieur d’une maison installée non loin de l’enceinte nord-est du site et délimitée par un mur-solin. À l’intérieur, l’espace est structuré par un foyer dont la position varie à chaque réfection de sol. Cette configuration spatiale et fonctionnelle, variable sur un temps relativement long, est tout à fait superposable à celle décrite dans le quartier sud-ouest fouillé par E. Atzeni. Il s’agit là d’un résultat en soi.

9La chronologie des éléments mobiliers associés aux structures, combinée aux analyses radiocarbone, a permis de caler la séquence fouillée entre le Bronze moyen 3 et le Bronze récent, de façon tout à fait compatible. Les informations disponibles pour les autres secteurs du site montrent que l’occupation de l’âge du Bronze débute au Bronze ancien 2. Il y a donc fort à parier que la poursuite de l’investigation livre des éléments plus anciens. Dans une situation optimale, on pourrait même disposer d’une séquence complète et ininterrompue entre 1850 et 1250 av. J.-C., six siècles correspondant à l’occupation dense de l’éperon. Dans le cas de l’existence/conservation de niveaux néolithiques (d’époques basienne et cardiale), nous proposons de stopper l’excavation.

10Sur la construction de l’enceinte, on se doit de remarquer la superposition des données chronologiques et techniques avec celles qui concernent le rempart du secteur C de Monti Barbatu : dans les deux cas, il s’agit d’enceintes-terrasses, dont la chronologie de construction s’inscrit durant la première moitié du Bronze moyen et dont le fourrage est constitué pour bonne part d’un dépotoir. Ici, ce dernier aspect est confirmé par la nature diversifiée des vestiges mobiliers qui le composent, notamment un très grand nombre de gros tessons, et par la présence exceptionnelle de faunes.

11L’identification fonctionnelle des deux réseaux de fosses du Bronze récent reste pour l’instant à préciser. Néanmoins, on pose ici l’hypothèse qu’il s’agit de l’alignement démantelé des statues-menhirs qui se trouvaient, il y a un demi-siècle, remployées dans le monument central, car :

  • la forme (subquadrangulaire à angles arrondis) des creusements de même que leur longueur maximale (autour de 40 cm) coïncident parfaitement avec celles des monolithes ;
  • des calages sont présents dans deux d’entre elles (FS 104 et FS 120) ;
  • leur chronologie correspond à celle actuellement proposée pour ce phénomène ;
  • une probable base de statue-menhir (US 121) est en lien spatial avec un creusement (FS 119).

Fig. 2 – Possible base de statue-menhir

Fig. 2 – Possible base de statue-menhir

Cliché et DAO : K. Peche-Quilichini (Inrap).

12De plus, l’identification de sept restes humains incinérés dans la FS 104 plaide pour un caractère fonctionnel particulier de l’aménagement, de type funéraire mais que l’on suppose également commémoratif. Si l’on se place dans l’acceptation de cette hypothèse, on remarquera que les fosses FS 107, FS 105 et deux lobes de la FS 108 se placent frontalement et à équidistance des fosses profondes. Ayant accueilli des feux, placées à moins de 50 cm du pied des monolithes, elles pourraient avoir servi de fosses foyères pour éclairer la face ventrale des statues-menhirs. Tout cela reste à démontrer par la poursuite de l’investigation. On notera pour conclure sur cet aspect que le réseau de fosses profondes percute les sols précédents, notamment le fourrage de l’enceinte-terrasse, et laisse penser à une modification fonctionnelle de cet espace lorsqu’elles sont aménagées.

13Au final, le sondage 2021 constitue une fenêtre particulièrement riche d’observations pour la phase d’occupation du Bronze moyen 3 et du Bronze récent 1, soit entre 1450 et 1275 av. J.-C., dont la dernière étape est marquée par un réaménagement qui matérialise hypothétiquement la substitution d’un espace domestique privé par un monument commémoratif public.

14Nous souhaiterions en 2022 achever certains aspects post-fouille de la campagne 2021 (carpologie et détermination moléculaire du « chewing-gum »), mais également poursuivre l’exploration du secteur en 2022-2024 dans le cadre d’une fouille triennale. D’un point de vue méthodologique, il nous paraît préférable en 2022 de continuer à fouiller les 21 m2 ouverts sans étendre la surface du sondage. Le sol 111 et le foyer 109 seront cependant gardés en témoins afin de faciliter la lecture de l’organisation en cas d’extension future vers le sud-ouest.

15À la fin de la campagne 2021, le niveau de fin de fouille a été recouvert par un géotextile et l’intégralité du sondage a été rebouchée. La masse de terre déplacée manuellement correspond à environ 15 t de sédiment. Ces quantités seront à nouveau déplacées en 2022 et stockées sur bâche non loin du sondage, avant d’être remises dans l’excavation à la fin de la campagne. Lorsque ce sondage sera considéré comme achevé, afin d’éviter cette manutention, nous proposons de réaliser en 2023-2024 une extension planimétrique de 3 x 7 m vers le sud-ouest, dans l’alignement du sondage 2021, mais en laissant entre les deux excavations une berme-témoin de 100 cm d’épaisseur.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Sondage 2021 : planimétrie de la dernière phase d’occupation
Légende Hachuré, substrat apparent ; en gris, blocs ; en vert pomme, fosses lenticulaires ; en jaune, fosses profondes ; en vert, fragment de statue-menhir ; en bleu, blocs brûlés.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/156237/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 560k
Titre Fig. 2 – Possible base de statue-menhir
Crédits Cliché et DAO : K. Peche-Quilichini (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/156237/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 336k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Kewin Peche-Quilichini, « Sollacaro – Filitosa, u Turrichju » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Corse, mis en ligne le 18 mars 2024, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/156237

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Kewin Peche-Quilichini

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