1Le site de la Villa Zanardi, place Pasquale-Paoli à L’Île-Rousse, est localisé en surplomb du cœur historique de la ville, en limite ouest intra muros de l’enceinte édifiée en 1833 remarquablement conservée, constituant ainsi l’extension du rempart bâti lors de la reconquête de l’île par les troupes de Louis XV, succédant ainsi aux aménagements militaires génois sur le port, et ceux réalisés sous l’impulsion de Pasquale Paoli au moment de la fondation de la ville en 1765.
2Un projet immobilier prévoyant la construction de logements collectifs d’habitations SAS J.-N. Antoniotti a conditionné la fouille qui s’est concentrée sur deux zones archéologiquement sensibles, ayant révélé la présence de plusieurs sépultures à inhumation lors du diagnostic réalisé au printemps 2019 (Grizeaud et al. 2019a et b). Les deux terrains en question sont localisés sur l’ancien parking de l’étude notariale (zone 1 – B294) qui borde la rue Louis-Philippe et le jardin situé derrière l’église de l’Immaculée-Conception (zone 2 – B292). L’environnement d’une occupation datant de l’Antiquité était enregistré dans la CAN (no 2B 087 023), avec les résultats plus récents d’un diagnostic réalisé dans le cœur historique de la cité paoline, rue Pontelolle (Grizeaud et al. 2019c et d).
Fig. 1 – Vue aérienne avec l’emprise de la fouille (jardin)
Cliché : P. Druelle (Inrap).
3Au total, la fouille a permis de dégager et fouiller 44 tombes réparties sur les deux parcelles respectives, 12 en zone 1 et 30 et une en zone 2. La grande majorité des sépultures a subi des détériorations en surface, qui sont dues à des réaménagements des lieux durant la fin du xixe ou le début du xxe s. Des remblais modernes recouvrent ainsi directement les tombes dont la partie supérieure est souvent arrachée.
4Au moins trois modes d’aménagements funéraires ont été distingués, l’aménagement le plus simple étant le creusement d’une simple fosse de plan rectangulaire où le défunt est installé, recouvert de terre, sans autre installation particulière. Le second concerne les tombes en amphore. Ce mode d’inhumation utilisant des parties d’amphore est prépondérant sur le site. Le défunt est ainsi installé le plus souvent sur deux demi-amphores qui ont été déposées au préalable dans le fond de la fosse, pour être ensuite recouvert de gros morceaux de panse avec le col. Le troisième mode rappelle les tombes dites « à bâtière », où des fragments de tuiles à rebords tegulae sont utilisés comme coffrage autour de la sépulture. Parfois, l’emploi de la tuile est associé aux morceaux d’amphore, révélant une utilisation mixte de médiocre qualité des terres cuites en recyclage. Ce type d’aménagement à base de tuiles récupérées sur des bâtiments ruinés, de manière opportuniste, paraît relativement sommaire sur le site, comparé aux architectures funéraires connues en Corse comme sur les sites de Mariana et Sagone, par exemple.
Fig. 2 – Une tombe en amphore en cours de dégagement
Cliché : P. Druelle (Inrap).
5Les amphores utilisées comme réceptacle sont le fruit d’un remploi : elles sont donc rarement complètes. Ces grands récipients constituant l’emballage dans lequel le défunt est installé sont découpés en morceaux qui peuvent s’emboîter. Les fragments de panse servent de couvercle. Les amphores sont majoritairement des productions africaines, lesquelles constituaient les importations prépondérantes sur l’île entre le ive et le viie s. apr. J.-C. pour transporter l’huile ou le vin, notamment (Carthage, Tunisie).
6Les individus sont dans un état de conservation moyen et ont nécessité un soin particulier lors du prélèvement par l’anthropologue présente dans l’équipe. Néanmoins, la position des corps est relativement appréciable et l’orientation des tombes privilégie globalement un axe est-ouest, tête à l’ouest. Dans certains cas, la tête du défunt est inclinée, reposant sur un petit bloc de granite. Aucun dépôt d’offrandes accompagnant les morts ne figure dans les tombes.
7L’emprise de la nécropole a été circonscrite dans sa limite septentrionale, bien en retrait de la rue Louis-Philippe, et occidentale, vers l’église de la Miséricorde. À l’inverse, il semble évident que la zone funéraire s’étende au-delà de l’emprise de la fouille, notamment vers l’ouest, sur les terrains bordant la rue Louis-Philippe, occupés par du bâti et des jardins. La nécropole ne devait cependant pas se développer du côté sud-est, où le relief rocheux formait à l’origine un éperon, du côté de l’actuelle place Pasquale-Paoli, à la Villa Zanardi. Rappelons que l’aménagement de la place Pasquale-Paoli, en 1834, et la construction de l’église de l’Immaculée-Conception, inaugurée en 1893, ont donné lieu à d’important terrassements, dont la pente rocheuse a été entamée pour permettre l’édification de l’église. La nécropole pourrait être associée à la présence d’une chapelle ou d’un temple aujourd’hui disparu.
8L’existence d’un tel édifice n’est donc pas à exclure dans l’environnement immédiat de cet espace funéraire.
9Cette découverte récente et inattendue renouvelle de manière concrète le passé antique de L’Île-Rousse, qui jusqu’à présent n’a révélé que des traces archéologiques fragmentées. Cette absence relative des niveaux les plus anciens témoigne des bouleversements de terrain qui se sont principalement échelonnés depuis le milieu du xviiie s. jusqu’au début du xxe s., avec les grands travaux entrepris pour bâtir et étendre la cité paoline. L’occupation des lieux dans l’Antiquité est ainsi confirmée par cette première fouille effectuée au cœur de L’Île-Rousse.
10L’étude de ces données de la fouille, qui s’est achevée en avril 2021, est en cours au moment de la rédaction de la présente notice. Elle concerne l’archéoanthropologie (C. Rigeade, Inrap), les amphores (L. Benquet, Inrap) et les terres cuites architecturales TCA (J.-J. Grizeaud, Inrap).