- 1 Équipe de terrain et de post-fouille : Marine Ferrandis (RO), Mélissa Baffert, Jeannick Pamphil, Fa (...)
1Un diagnostic archéologique a été prescrit sur les parcelles situées à l’est du cimetière marin de Saint-Leu1. L’emprise de 5 900 m2 concerne son extension mené par la mairie (Ferrandis 2022). Implanté en 1791, il figure parmi les plus anciens de l’île et illustre toute la hiérarchisation de la société bourbonnaise des xviiie et xixe s. Un mur a été bâti à l’intérieur du cimetière afin de séparer les inhumations des « Blancs » des « Libres de couleur », et ce jusqu’en 1848 à l’abolition de l’esclavage. L’inhumation des esclaves dans l’enceinte d’un cimetière n’était théoriquement pas tolérée. Le Code Noir de 1685 précisait dans son article 14 que « les nègres » devaient être inhumés « de nuit dans quelque champ voisin du lieu du décès ». Mais il n’était pas rare d’enterrer les esclaves sur les abords des cimetières le long des enceintes comme en témoigne la fouille du cimetière marin de Saint-Paul menée par Bruno Bizot en 2011 (Bizot et al. 2011). En 2007, lors de la construction de la RN 1 qui borde à l’ouest le cimetière de Saint-Leu, des tombes ont été mises au jour, motivant ainsi la prescription archéologique.
2L’ouverture de 18 tranchées n’a pas abouti à la découverte de vestiges funéraires (fig. 1 et 2). Quelques ossements humains ont été mis au jour à l’ouest de l’emprise mais en position secondaire (fig. 3). Associés à du mobilier disparate au sein d’un remblai sableux superficiel, ils ont été interprétés comme rejets issus de perturbations ayant eu lieu au sein du cimetière.
Fig. 1 – Vues aériennes du cimetière entre 1950 et 2011
Clichés : IGN, DAO : M. Ferrandis (Inrap).
Fig. 2 – Relevé topographique des tranchées et de l’emprise
DAO : M. Ferrandis (Inrap).
Fig. 3 – Ossements humains collectés dans la tranchée 5 dans un remblai superficiel us5008, sorte d’épandage de déblais
Cliché : M. Ferrandis (Inrap).
3Seulement 34 artefacts ont été collectés lors de ce diagnostic. Ils concernent essentiellement de la faune terrestre. On note également la présence de coquillages de type bulots au sein de dépôts limoneux naturels (fig. 4), des fragments de poteries horticoles à glaçure verte (fig. 5), ainsi qu’une monnaie datée de 1906 associée aux ossements humains (fig. 6). Ces vestiges se rapportent aux activités liées au cimetière et au littoral. Le mobilier remarquable mis au jour dans les dépôts sédimentaires en place ne permet qu’une datation large et approximative, soit xixe-xxe s.
Fig. 4 – Coquillages de type bulot
Cliché : M. Ferrandis (Inrap).
Fig. 5 – Tessons de poteries horticoles à glaçure verte sur engobe blanc évoquant les productions du sud de la France associés à un tesson de poterie commune sans ornement
Cliché : M. Ferrandis (Inrap).
Fig. 6 – Monnaie mise au jour dans le déblai us5008 : 5 centimes de franc de la Troisième République (1906)
Clichés : M. Ferrandis (Inrap), Sublil37 (fr.numista.com).
4La composition des sols montre une superposition de limons très variés, autant dans la matrice, dans la granulométrie des composants et les altitudes d’apparition. Cela traduit des formations de longues durées remaniées à plusieurs reprises suite à des phénomènes climatiques d’intensités variables. La présence dans certaines tranchées d’un dépôt important de roches particulièrement émoussées, type galet, pourrait figurer la présence d’un ancien cours d’eau. Celui-ci pourrait même figurer l’ancienne trajectoire du Fond Bagatelle, situé aujourd’hui plus au nord du site.
5Le diagnostic archéologique du site de l’extension Est du cimetière marin de Saint-Leu constitue la seconde opération archéologique préventive réalisée sur la commune après celle de la ravine du Trou Blanc à Bois-Blanc (Cornec 2019). Bien que l’emprise de l’aménagement soit située sur des parcelles à haut potentiel archéologique du fait de sa localisation le long du cimetière marin daté de la fin du xviiie s., ce diagnostic n’a révélé aucun vestige archéologie attendu.