1Dans la continuité des études menées depuis 2015 sur les abbayes de chanoines réguliers de la congrégation d’Abondance en Haute-Savoie (Abondance et Sixt-Fer-à-Cheval), l’étude historique et archéologique de l’ancien couvent augustinien d’Entremont, situé dans la commune de Glières-Val de Borne en Haute-Savoie, a été entreprise (fig. 1). Le site abbatial n’est qu’à moitié conservé et se présente dans un état relativement semblable à celui de l’abbaye de Sixt-Fer-à-Cheval : au sud, l’église domine le reste des bâtiments depuis une terrasse, tandis qu’au nord ne subsiste que l’aile opposée du couvent. Les ailes latérales de même que le cloître ont disparu et ont laissé place à deux parcelles aujourd’hui gazonnées. Le cadastre dit sarde, réalisé vers 1730 (Archives départementales de la Haute-Savoie), ainsi que des plans du couvent dressés au xviiie s. (Archives départementales de la Savoie), conservent toutefois le souvenir d’une aile orientale moderne qui reliait autrefois cette église à l’aile nord, ainsi qu’un bâtiment qui formait une façade occidentale. Des prospections géophysiques ont été menées en 2020 dans le but de préparer la tenue d’un chantier-école de l’université Savoie Mont Blanc dès la rentrée universitaire 2021. Cette seconde campagne, consistant en un sondage de 4 m de côté, a permis de localiser des vestiges du cloître médiéval, ce qui a motivé la poursuite des recherches sous la forme d’une opération triannuelle 2022-2024.
Fig. 1 – L’ancien site abbatial d’Entremont
Vu depuis le nord-est.
Cliché : S. Bochaton.
2En 2020, les prospections géophysiques menées par Amélie Quiquerez (maîtresse de conférences de l’université de Bourgogne/UMR 6298 Artehis) ont été mises en œuvre pour deux parcelles et une surface totale d’environ 1 800 m2. Dans la parcelle située entre l’église et l’aile nord, les prospections ont permis de localiser l’ancienne aile occidentale et sa galerie de cloître. En revanche, les résultats étaient moins tangibles pour la partie orientale du couvent. Aussi, au cours d’une première opération de fouilles menée en septembre 2021, un sondage de 16 m2 a été implanté entre l’église et l’aile nord. Celui-ci a permis la découverte de l’angle nord-est des galeries du cloître, qui s’accorde avec l’installation postérieure d’un bassin localisé au même endroit. Ces vestiges délimitent clairement deux galeries de circulation du cloître : une galerie nord, dans laquelle une sépulture orientée nord-sud a été découverte, et une galerie orientale. Une datation au radiocarbone a été réalisée sur l’un des deux squelettes de la galerie nord révélant une sépulture du xiiie s. (1218-1280). En 2022, un nouveau sondage, de 24 m2 cette fois, a été implanté dans la continuité du premier, mais décalé vers le sud-est, avec pour objectifs de poursuivre l’observation de ce bassin, de mettre au jour la galerie orientale du cloître et son mur bahut, et, éventuellement, repérer les traces d’une aile orientale primitive.
3Ces vestiges ont été rapidement mis au jour, de même que ce qui s’apparente au mur intérieur (ouest) d’une aile orientale primitive. La zone funéraire de la galerie est, seulement aperçue en 2021, a été investie, et quatre sépultures primaires ont été fouillées tandis que deux ont seulement été partiellement dégagées. Les squelettes, orientés ouest-est, sont uniquement ceux d’hommes adultes et subadultes. Près de 0,70 m sépare la première sépulture dégagée en 2022 de la sépulture double découverte lors de la précédente campagne. Deux datations au radiocarbone seront réalisées afin de préciser l’époque jusqu’à laquelle des individus ont été inhumés dans cette galerie. Par ailleurs, deux phases d’utilisation du cloître ont été mises en évidence : un cloître primitif qui, à une époque qui reste à déterminer avec précision, mais qui pourrait être la fin du Moyen Âge, a été réduit en taille. Les seuls vestiges de ce premier état sont la zone funéraire, dont les squelettes ont été amputés de leurs crânes et de leurs pieds au moment de la récupération des matériaux du mur bahut de la galerie et de ce qui semble être le mur intérieur d’une aile est primitive, ainsi que les comblements des tranchées de récupération. Un abondant matériel céramique a également été découvert.
4En 2023, un nouveau sondage de 24 m2 a été implanté à l’ouest des deux précédents et accolé à celui de 2022. Les objectifs étaient d’abord de finaliser la fouille du bassin (fig. 2), puis de mieux cerner le second état du cloître. Localisé dans l’angle nord-est de la cour du cloître, ce bassin de forme rectangulaire est formé par quatre murs et recevait, d’après les archives modernes, l’eau amenée par des canalisations de bois à l’abbaye ainsi que les eaux de pluie. Un emmarchement installé le long du mur occidental permet de s’interroger quant au niveau de circulation de la partie centrale de la cour qui a remplacé le cloître. Le fond du bassin est composé d’un dallage en pierre dans lequel sont aménagées deux canalisations dans les angles septentrionaux, c’est-à-dire du côté de la pente (fig. 2). Dans le tiers occidental du sondage, a été découvert un puits de forme légèrement ovoïde (fig. 3), qui se développe sur un minimum de cinq assises. Il semblerait que ces deux aménagements hydrauliques renvoient à un troisième état, pour le moment daté du xviie s., même si le puits est peut-être plus ancien. La parcelle est finalement remblayée vers 1770 par une épaisse couche, qui livre la majorité du mobilier archéologique retrouvé (céramique, verre, métal, os de faune).
Fig. 2 – Partie occidentale du bassin dégagée en 2023
Cliché : L. Donati.
Fig. 3 – Vue générale du puits découvert en 2023
Cliché : S. Bochaton.
5L’opération se poursuivra en 2024 par la fouille de la moitié occidentale du cloître. Signalons également qu’en avril 2023, le fonds d’archives de l’abbaye a été retrouvé aux archives d’État de Turin, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude du site abbatial.