1La première campagne de diagnostic en archéologie préventive, menée dans la commune du Lyaud, a été réalisée en juillet 2023, à l’occasion de la demande de renouvellement de l’autorisation d’extraction d’une société exploitant des carrières.

2Une première phase d’extension a donné lieu à une opération concernant une surface de 15 449 m² attenante au front actuel de la carrière, au lieu-dit Taillaz-Barthoud, au cœur du secteur des « Vouas », nom qui désigne, dans le patois chablaisien, les kettles, ces dolines glaciaires formées par la fonte lente de gros culots de glace morte, après le retrait du glacier du Rhône.

3Les terrains explorés se situent à 900 m à l’ouest du site romain du chef-lieu (lieu-dit Les Vouagères), connu depuis la découverte, au xix^e s., de trois luxueux trépieds en bronze, et dont la majeure partie de l’emprise supposée a été depuis couverte de maisons individuelles, sans surveillance archéologique. La zone étudiée est également distante de 900 m au nord du hameau des Moulins d’Amphion, où un cimetière du haut Moyen Âge a été pillé dans les années 1970. Enfin, le plateau d’Aviet (commune d’Allinges) n’est qu’à 950 m à l’ouest de l’emprise du diagnostic : ce plateau, qui a déjà été entièrement décaissé par une autre carrière, abritait une vaste occupation protohistorique, sur les rives du marais qui la sépare de la carrière du Lyaud.

4Vingt-quatre tranchées ont été implantées sur une des terrasses fluvio-glaciaires supérieures dans l’arrière-pays thononais, entre 605 et 620 m d’altitude, dans une zone au relief très vallonné au pied du Mont d’Hermone.

5La stratigraphie du site est en majorité constituée des alluvions fluvio-glaciaires fini-würmiennes (27 à 30 000 ans) des hautes terrasses de Thonon, directement sous la terre végétale. L’érosion des buttes empêche de conclure définitivement à l’absence d’occupations pré- ou protohistoriques, tous les niveaux postérieurs à la déglaciation ayant disparu dans ces secteurs hauts. La frange pédologique rougeâtre holocène n’est conservée que partiellement sur les bords des vouas. Les deux vouas prospectés dans le cadre de ce diagnostic étaient en eau au début de leur existence. Des limons argileux jaunes à rares galets, sans doute alimentés en partie par l’érosion d’alluvions fines de couverture (non conservées), par des réajustements gravitaires, mais aussi probablement par des lœss, tapissent leur fond sur environ 2 m d’épaisseur. Ce fonctionnement pseudo-lacustre, probablement d’âge tardiglaciaire, se termine par un horizon tourbeux, lui-même devenant ensuite, après assèchement du voua, le support du sol holocène que la végétation colonise, et que les humains viennent plus tard défricher. Puis des colluvionnements limono-graveleux répétés sur sols dénudés comblent un peu plus le voua sur près de 4 m d’épaisseur. Ce scenario, malgré une incertitude concernant le lacustre et les lœss mal définis, expliquerait l’importance des limons argileux que l’on retrouve dans les 4 m de colluvions supérieures. La source ne peut pas être uniquement la moraine des versants en amont, un peu trop distale, et dont les glissements potentiels sont bloqués par les vallonnements intermédiaires, comme les interfluves des autres vouas.

6L’absence de tout artefact anthropique dans le paléosol conservé dans les dépressions, ainsi que dans les colluvions postérieures, rend peu probable l’occupation pérenne du secteur. La présence de charbons de bois dans les paléosols démontre, en revanche, l’exploitation agricole de ces terres dès le Néolithique final, attestant du probable essartage par brûlis des zones auparavant boisées. La datation des échantillons de charbons prélevés à la base et au milieu du paléosol permet, en effet, de caler cette séquence d’anthropisation entre 2879-2631 et 2577-2459 av. J.-C. (cal. à 95,4 % ; Beta-671437 : 4160 ± 30 BP, et Beta-671438 : 3990 ± 30 BP).