1En 2019, un partenariat entre la Drac de Normandie et l’Office national des forêts a permis de réaliser un vol LiDAR, le traitement des données et leur interprétation archéologique sur les forêts domaniales de Bourse, d’Écouves et des Andaines (Orne). Suite à ce travail, des prospections pédestres ont été programmées en 2020 sur les forêts de Bourse et Écouves et en 2021 sur celle des Andaines. Ces prospections avaient pour objectif de vérifier les anomalies archéologiques révélées par le LiDAR et de proposer des mesures de conservation intégrées ensuite dans la gestion forestière.

2L’interprétation archéologique des données LiDAR sur la forêt des Andaines a permis de digitaliser de nombreux éléments : 8 498 points, 10 574 lignes (902,7 km) et 273 polygones (194,73 ha) (fig. 1). On note en particulier la présence d’un nombre très important de charbonnières ainsi que de nombreux vestiges militaires de différentes périodes (xix^e s., Première et Seconde Guerres mondiales). Par ailleurs une densité importante d’éléments correspondant potentiellement aux occupations archéologiques anciennes est observée dans la partie centrale du massif : linéaires de parcellaire anciens, enclos, anomalies topographiques, structures et voies anciennes.

3À partir de l’interprétation des images LiDAR, un repérage des anomalies topographiques pouvant correspondre à des structures archéologiques nécessitant d’être vérifiées a été fait pour orienter les prospections. Au total, 46 zones ont été prospectées couvrant une superficie proche de 55 ha. À l’issue des prospections, 44 fiches descriptives ont été renseignées. 13 d’entre elles ne correspondent pas à des anomalies archéologiques (blaireautière, anomalies de terrain non archéologiques) ; 25 correspondent bien à des anomalies archéologiques mais aucun élément mobilier n’a permis d’apporter des informations précises sur la chronologie d’occupation (enclos, zones d’extraction, ferrier, enceinte, sources aménagées, digues, buttes et anomalies non caractérisées). Pour les 6 dernières, une appartenance chronologique est pratiquement certaine : périodes moderne et contemporaine (vestiges militaires et loge de bûcheron ou charbonnier) et médiévale (chapelle).

4À l’issue des prospections, trois grandes thématiques peuvent être dégagées :

• les occupations anciennes sur le massif ;
• l’exploitation des ressources naturelles ;
• les aménagements militaires et vestiges des conflits.

5Les occupations anciennes sur le massif concernent des enclos, des éléments de parcellaire anciens et des éléments d’occupation médiévale. 10 structures repérées sur le LiDAR correspondent à des enclos fermés, quadrangulaires, polygonaux ou ovoïdes, délimités par un talus et un fossé extérieur. Ils sont répartis sur l’ensemble de la forêt, certains sur des zones de hauteur. Plusieurs d’entre eux sont localisés à proximité d’éléments de parcellaire ancien mais tous ne sont pas clairement associés à ces linéaires. Aucun élément de mobilier archéologique n’a été retrouvé permettant une attribution chronologique.

6Sur les images LiDAR, de nombreux linéaires ont été interprétés comme « parcellaire ancien » (985 éléments pour 112,4 km). Plus des 2/3 de ces éléments sont localisés dans la zone nord-ouest du massif. Beaucoup d’entre eux sont parallèles au relief et forment des terrasses, d’autres sont implantés perpendiculairement. Les prospections ont permis de vérifier ces éléments dans plusieurs parcelles. Dans la plupart des cas ils sont constitués de terre mais dans certaines zones on note également la présence de pierres. Aucun élément de mobilier n’a été identifié sur ces linéaires, sauf dans une parcelle où quelques tessons de céramique moderne ont été retrouvés (grès, glaçurée). Aucune attribution chronologique ne peut être avancée avec certitude mais ces éléments de parcellaire sont très probablement antérieurs à la forêt. Leur morphologie est relativement proche des parcellaires à trame polygonale et en bandes longitudinales trouvés dans l’est de la France et attribués à la fin de la Protohistoire ou à l’Antiquité. Pour la forêt des Andaines, aucun habitat associé ne permet d’étayer cette hypothèse. Par ailleurs il convient de garder à l’esprit que même si la morphologie de ces linéaires n’est pas proche de ceux identifiés pour la période médiévale ou moderne dans l’est de la France, ils sont néanmoins localisés majoritairement dans la zone d’enclave défrichée au Moyen Âge.

7Plusieurs indices d’occupation médiévale peuvent être mentionnés au cœur du massif des Andaines, où se trouve l’enclave de l’Ermitage, qui aurait été défrichée au xii^e s., ainsi que ses deux étangs. Aucune étude spécifique n’a été menée à notre connaissance sur ce site et il est tout à fait possible que l’enclave actuelle soit plus réduite que les surfaces exploitées au Moyen Âge. Les autres indices d’occupations médiévales sont localisés en bordure du massif de la Ferté-Macé (deux chapelles et une motte).

8L’exploitation des ressources naturelles sur le massif des Andaines est très importante et attestée fortement depuis au moins le xviii^e s. Il s’agit d’extraction de pierres, de minerai de fer mais également de l’exploitation du bois transformé sur place en charbon.

9De nombreuses traces d’extraction à ciel ouvert sont visibles sur le LiDAR. Une grande partie d’entre elles, les plus vastes, correspond vraisemblablement à des extractions de grès. Plusieurs autres zones d’extraction sont localisées sur des couches ordoviciennes riches en minerai de fer oolithique et ont largement été exploitées aux périodes moderne et contemporaine (les dernières exploitations du xx^e s. ont été réalisées en souterrain). Pour les périodes antérieures, des recherches et extractions sont mentionnées à ciel ouvert. Au xvii^e s., six forges sont signalées autour du massif d’Andaines et il est tout à fait vraisemblable qu’une partie des extractions situées là servait à alimenter ces forges. Si l’extraction du fer est mentionnée dès le xiv^e s. autour de La Ferrière-aux-Étangs, il est probable que certaines zones d’extraction sur Andaines remontent au Moyen Âge. Rien ne permet de confirmer cette hypothèse sur le massif mais rappelons qu’un ferrier a été retrouvé qui, quoique non daté, conforte tout de même la réduction de fer en bas-fourneau localement.

10Enfin, le charbonnage, extrêmement important, est à mettre en lien avec la présence des forges implantées autour du massif aux xviii^e et xix^e s. Plus de 5 500 plateformes de charbonnage ont été identifiées sur le LiDAR, réparties sur l’ensemble de la forêt domaniale, à l’exception des zones où les bandes de grès affleurent. Les travaux de G. Houzard dans les années 1980 montrent que les forges, qui continuent à utiliser le charbon de bois et non la houille au moins jusqu’en 1837, sollicitent énormément la forêt et importent même du charbon d’autres massifs. La consommation massive de ces établissements a entraîné une surexploitation de la forêt et conduit à la fermeture de plusieurs forges au cours du xix^e s.

11Associées à ces charbonnières, plusieurs petites structures pouvant correspondre à des loges ont été identifiées. Il s’agit de petits bâtiments quadrangulaires ou ovoïdes correspondant à un habitat temporaire (bûcherons, charbonniers). Quoi que très peu nombreux sur le massif (huit seulement ont été identifiés sur le LiDAR), il est probable que d’autres existaient.

12La forêt des Andaines est particulièrement riche en ce qui concerne les aménagements militaires et vestiges des conflits contemporains, les plus anciens (xix^e s.) se trouvant sur le champ de tir installé pour la garnison de Domfront en 1893 (fig. 2). Sur ce même champ de tir, on observe la présence d’un système de tranchées dont la morphologie est proche de celle des tranchées d’entraînement de la Première Guerre mondiale que l’on retrouve dans d’autres forêts domaniales.

13L’essentiel des aménagements militaires et vestiges des conflits contemporains sur Andaines se rapporte à la Seconde Guerre mondiale : aménagements logistiques allemands et bombardements alliés. Effectivement, à partir de 1943, avec la menace croissante d’une invasion alliée au nord-ouest de la France, la 7^e armée allemande cherche à créer des bases fixes d’approvisionnement logistique. Ces sites doivent être facilement accessibles depuis les routes et les transports ferroviaires mais également boisés pour être à l’abri des reconnaissances aériennes alliées. La commune de Bagnoles-de-l’Orne et la forêt des Andaines ont été choisies comme emplacement pour d’importants dépôts d’approvisionnement de munitions, carburant et rations. Depuis une dizaine d’années ces dépôts non bétonnés mais creusés directement dans le sol sont largement étudiés et inventoriés par David Capps-Tunwell. L’interprétation du LiDAR a permis de digitaliser toutes ces structures (125 dépôts de munitions, 178 dépôts d’essence et 121 garages de camions ou chars) dont certaines sont protégées par des tranchées et des trous d’hommes. On peut également mentionner la présence d’un camp de prisonniers sénégalais de l’armée française ainsi que les traces des multiples bombardements alliées de 1944 (plus de 2 500 impacts d’obus digitalisés sur la forêt).

14À l’issue des prospections, un travail commun entre l’ONF et la Drac a été mené pour intégrer ces nombreux vestiges dans la gestion de la forêt. Une hiérarchisation des éléments retrouvés et/ou identifiés sur le LiDAR a été proposée en fonction de différents critères (importance scientifique des vestiges, état de conservation, superficie) et des préconisations de gestion visant à préserver les sols et limiter l’impact des engins d’exploitation forestière y ont été associées.