La carrière de sarcophages du haut Moyen Âge de Pied Griffé

1La campagne 2020 avait pour objectifs d’une part d’achever la fouille des remblais d’exploitation et le dégagement des sols et parois à l’intérieur de la carrière, d’autre part de compléter les premières observations réalisées en 2019 à l’extérieur, entre le coteau et la rivière.

2La fouille a concerné cette année la première moitié de l’exploitation du niveau inférieur de la carrière, caractérisé par un espace contraint qui a conduit à l’aménagement de murs de soutènement afin de stocker les déblais et laisser libres des espaces de taille et de bardage.

3Les trois murs dégagés sont construits avec des fragments de cuves et de couvercles brisés lors de l’extraction ou de la taille, très souvent débités (en attestent des encoches destinées à recevoir des coins) ou cassés grossièrement pour ne pas excéder 40 cm de côté et pouvoir être portés ou déplacés par un seul homme. Le mur F. 23 – le premier construit, dans un espace de 6 m² environ – se singularise par la régularité des blocs remployés, stockés juste à côté en attendant d’être mis en œuvre de manière sélective afin d’assurer la stabilité du mur sur plus de 2 m de hauteur, mais aussi par le remploi d’un couvercle entier, quasi achevé, comme première assise.

4L’ensemble des sols et des parois a été mis au jour, révélant de nouveaux négatifs de blocs, correspondant en grande majorité à des blocs dont l’extraction s’est correctement passée. Parmi les ratés d’extraction, on remarquera deux couvercles en cours de détachement : le premier, partiellement dégagé en 2019, présente une fissure nette à peu près en son milieu, ainsi que des ébréchures au niveau de l’encoignure correspondant au retrait des coins partiellement enfoncés ; le second ne présente pas de fissure mais les ébréchures de récupération des coins, l’abandon du détachement a donc dû être perçu (au son ou par des vibrations à la frappe des coins ?) par le carrier avant que la fracturation ne soit visible. Il a également été mis en évidence un négatif de petite taille (1,44 m de long) correspondant à un sarcophage d’enfant, ce qui constitue un unicum, les cuves et couvercles destinés à des sujets immatures étant habituellement réalisés dans des blocs pour adultes brisés au cours de leur fabrication ou à partir d’éléments lapidaires antiques (blocs de grand appareil, milliaires, stèles) ; on notera la position hors canevas d’extraction de ce négatif, dans un secteur remblayé presque immédiatement, même si cela n’explique pas les raisons et les modalités de cette production particulière.

5À l’entrée de la carrière, le chemin creux formant l’accès, associé jusqu’à maintenant aux dernières phases d’extraction, a été davantage dégagé. Il entaille les dépôts naturels et ceux associés à l’exploitation de la partie haute de la carrière, et part obliquement vers le nord-est du site, suivant une orientation certainement héritée du cheminement en place dès le début de l’exploitation de la partie inférieure de la carrière et pourrait constituer un indice sur la localisation des activités extérieures et le point de chargement des blocs en vue de leur diffusion.

6Quelque 450 ratés d’extraction ou de taille ont été mis au jour depuis 2016, dont l’inventaire et l’analyse achevés cette année permettent de restituer l’intégralité de la chaîne opératoire de la fabrication des cuves et des couvercles. Il a notamment été observé pour la première fois dans la région plusieurs étapes intermédiaires de la taille des couvercles et de l’évidement des cuves, qui témoignent d’une technicité variable d’un artisan à l’autre, de la manipulation des blocs (retournés à plusieurs reprises) ou encore de l’adaptation à la nature de la pierre (dureté, présence de silex et/ou fossiles).

7À l’extérieur de la carrière, un transect a été réalisé à l’aide de moyens mécaniques, au pied des paliers occidentaux, dans l’axe de la carrière principale depuis le coteau jusqu’à 5 m de la berge, et légèrement en amont au niveau de la berge. Aucun niveau en lien avec l’exploitation de la carrière n’a été observé, ce qui peut s’expliquer par un lessivage des sols autant que par la localisation des activités extérieures à un autre endroit, probablement de part et d’autre du chemin creux évoqué plus haut. Ces sondages ont toutefois permis de compléter le profil du socle rocheux et du terrain naturel avant l’ouverture de la carrière, mais aussi d’étalonner les profils des pénétromètres dynamiques Panda réalisés l’an passé, en vue de l’exploitation systématique de cette méthode d’évaluation du sous-sol lorsque de nouvelles fouilles seront engagées entre le coteau et à la rivière.

Fig. 1 – Vue générale de la carrière de Pied Griffé complètement vidée, fin de fouille 2020

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Cliché : D. Morleghem.