1D’une emprise au sol de 92 m², l’immeuble n^o 38 de la rue de la Boucherie et n^o 9 de la rue Charreyron (parcelle DY110) s’élève sur cinq niveaux dont un de caves. Une inscription au titre des Monuments historiques le 4 octobre 1993 est justifiée par une architecture « caractéristique des constructions conçues pour l’exercice du seul métier de boucher : vastes caves creusées dans le tuf pour conserver les viandes l’été ; pièces noires pour le suif et la graisse ; greniers pour les réserves de fourrage et de paille ; système de ventilation au moyen de galetas et galeries ouverts, superposés sous la charpente, pour assurer le séchage et le stockage des cuirs et des peaux ». Malgré cette interprétation et l’intérêt suscité par le quartier historique des bouchers attenant à la motte vicomtale, aucune chronologie des constructions n’a véritablement été établie, ni au sein de la parcelle n^o 110, ni entre les différentes façades des rues de la Boucherie et Charreyron.

2Les élévations du rez-de-chaussée et des trois étages ont subi un violent incendie le 17 février 2018. La maîtrise d’œuvre de la reconstruction partielle a été confiée à François Demars, architecte dplg. Les délais imposés par l’urgence des travaux, les circonstances accidentelles et la nécessaire co-activité avec les entreprises de restauration ont motivé l’exécution d’une opération archéologique par l’État, sous la forme d’un suivi des interventions sur les élévations. Le cahier des charges scientifique mettait en exergue trois axes de recherches.

Modalités d’occupation de la ville : analyser les interactions socio-spatiales

3Dans cette thématique, il convenait d’observer les relations entre le bâti et chacune des rues mais aussi avec les constructions mitoyennes. Les façades présentent-elles des agencements comparables ou différents témoignant d’une diversification d’activités ? Quelles sont les modifications du bâti dues au réalignement des façades ? Existe-t-il des vestiges d’étal et d’enseigne renseignant la présence d’un commerce ?

Archéologie du bâti civil

4En premier lieu, il était primordial de définir si le lotissement de la parcelle actuelle correspond à un seul programme architectural ou s’il résulte d’une extension ou réduction d’une autre entité foncière. En d’autres termes, il convenait d’établir une chronologie relative des différentes élévations entre elles et avec les murs mitoyens ou adjacents dans les parcelles voisines. Les observations devaient ensuite porter sur les matériaux et techniques de construction. Les différentes élévations présentent-elles les mêmes caractéristiques ou les façades sont-elles traitées différemment ? Observe-t-on des remplois parmi les bois ou autres matériaux mis en œuvre ? Peut-on déterminer les provenances et procédés constructifs (taille et assemblage des bois) ? Comment s’organisent les espaces et la circulation au sein du bâtiment ? Comment sont mis en œuvre les planchers et cloisons ? Ces séparations présentent-elles des capacités d’isolant thermique ou phonique ? Comment sont éclairés, chauffés et ventilés les différents étages ?

Archéologie de nos grands-parents

5À travers les vestiges du second œuvre (enduits, peintures, tapisserie…), les aménagements (niche, placard…), éventuellement le mobilier et la documentation des services patrimoniaux (M. H., Inventaire), il s’agissait de retrouver l’organisation des espaces avant les dernières transformations en logements locatifs. Une attention particulière devait être accordée à toutes les informations contribuant potentiellement à restituer une chaîne opératoire des activités de boucherie. L’étude des pièces du rez-de-chaussée devait notamment viser à identifier la tuerie (avec ses éléments caractéristiques tel que charpente renforcée, anneaux d’attache, sol en pente…), d’éventuelles loges de stabulation pour l’engrais ultime des bestiaux et des lieux de fonte des graisses et suifs.

6L’incapacité de produire des relevés topographiques a suscité une approche volumétrique et chronologique par modélisation de cotations sur le logiciel Blender. Le modèle numérique est le résultat d’un fort investissement de Pauline Bessaguet, archéologue contractuelle (fig. 1). L’opération s’est appuyée sur la thèse en cours de Roberta D’Andrea intitulée L’approvisionnement en bois des maisons en pan-de-bois de Limoges entre le xvi^e et le xix^e s. : archéologie du bâti, étude dendrochronologique et dendroécologique (Université de Limoges). Elle a également bénéficié d’une recherche historique menée par Angélique Marty sur le 40 rue de la Boucherie, intégrée dans le rapport intermédiaire du PCR « Du bois pour la ville de Limoges » (Paradis-Grenouillet coord. 2021, p. 34-38). Dans l’attente d’un rapport finalisé, l’ensemble des résultats témoigne de l’évolution d’un bâti établi dans la seconde moitié du xv^e s., puis considérablement modifié. De fait, les aménagements caractéristiques de l’activité de boucherie apparaissent comme une accumulation diachronique. Au regard du temps investi pour élaborer un protocole de modélisation volumétrique sur le logiciel libre Blender, l’opération est une incitation à renouveler cette démarche pour les architectures à pans de bois dont seules les ossatures sont conservées.

Fig. 1 – Capture d’écran d’un modèle numérique avec hypothèses de phases

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DAO (Blender) : P. Bessaguet.