1Cette opération de diagnostic archéologique intervient en amont de l’aménagement paysager du Jardin des Moines, qui borde le prieuré de Saint-Mayol. Cet aménagement concerne la commune de Ternay, en bordure nord de l’église Saint-Pierre, et il impacte les parcelles AK 170 et AK 171.

2Sur les 2 158 m², (0,2 ha) concernés, incluant l’église en élévation, des zones de forte pente bordées de murailles, ainsi que les abords aménagés de l’église, cinq sondages ont été réalisés, correspondant à une surface de 61,57 m², représentant environ 2,8 % de l’emprise totale, et 7,89 % de l’emprise disponible (780 m²). Les sondages s’échelonnent sur une profondeur allant de 0,70 m à 1,50 m.

3Les sondages archéologiques ont rencontré différentes unités sédimentaires (US), qui présentent deux secteurs distincts : l’un situé sur la parcelle nord (AK 170), l’autre sur la parcelle sud (AK 171).

4Dans la partie sud de l’emprise (parcelle AK 171), l’unique sondage réalisé (Sd 20) révèle la présence de plusieurs niveaux de remblais meubles comportant peu de restes osseux humains, mais un grand nombre de fragments de terre cuite architecturales (terre cuite architecturale, tuiles essentiellement d’aspect médiéval ou moderne). Sous la terre végétale, se mettent en place deux niveaux de remblais (US 47 puis US 48), qui semblent venir combler une zone en pente du centre de la parcelle (est) vers l’ouest, vers la rue en contrebas. En dessous, apparaît un cailloutis (US 49) évoquant un niveau de circulation. Il surmonte un autre remblai (US 50), qui livre un tesson xiv^e-xv^e s. Cette datation correspond à la mise en place des fortifications autour du prieuré, et à la construction de tours. Peut-être ce remblai est-il associé à cette étape de la vie du prieuré ? Dans ces conditions, les niveaux postérieurs seraient liés au fonctionnement post-xv^e s. du prieuré, avec, notamment, l’aménagement d’une terrasse plane sur ses abords (durant l’époque moderne ?).

5Quatre sondages ont été réalisés dans la partie nord de l’emprise. Cette parcelle, AK 170, se présente sous la forme d’un dôme, dont les abords nord, est et ouest ne sont pas accessibles, car situés trop en pente. Sous une terre végétalisée peu épaisse (US 1), apparaît, sur l’ensemble de la zone, un niveau (US 2) considéré comme « terre de cimetière », c’est-à-dire un niveau régulièrement perturbé et remanié par l’installation de nouvelles tombes. Cette couche peut donc être perçue comme un numéro générique permettant de regrouper, sous un même ensemble, de multiples couches sédimentaires servant d’encaissant, de comblement et de recouvrement à ces vestiges funéraires, à la texture et couleur semblables. Ce niveau livre plusieurs fragments céramiques médiévaux (x^e-xii^e s.), sans doute issus du prieuré, mêlés à des fragments céramiques plus contemporains.

6Sous ce niveau, apparaît le niveau naturel (US 3 ou US 12) correspondant à un limon jaune (lœss ?). Ponctuellement, divers niveaux sont perceptibles entre l’US 3 et l’US 1, associés à des creusements et recreusements multiples dans le cimetière.

7Au nord de la parcelle, à l’extrémité nord-ouest du sondage 1 et à l’extrémité nord du sondage 2, un niveau de remblais (US 4 et US 5) vient s’intercaler entre l’US 2 et le substrat US 3. Ce niveau pourrait être rapproché de ceux identifiés dans le sondage 20 (parcelle sud), peut-être en lien avec la réfection du toit de l’église (1872). Un problème se pose dans cet espace, car ce remblai semble recoupé par des creusements de fosses destinés à des dépôts osseux (ossuaire ?), et qui, donc, a priori, peuvent être associés à la phase de fonctionnement du cimetière, clos en 1856.

8Il est aussi possible que les fosses soient postérieures (xx^e s. ?), ce qui serait plus probable en termes de chronostratigraphie, mais qui ne peut être prouvé.

9La grande majorité de l’espace sondé révèle des indices pouvant être mis en relation soit avec la vie du prieuré, soit avec le fonctionnement du cimetière paroissial. Le diagnostic a permis de mettre en évidence 35 faits, dont 10 sépultures et 14 amas osseux relevant des périodes moderne à contemporaine, ainsi que diverses fosses et des fosses de plantation.

10Les sépultures et les amas osseux n’ont livré aucun élément datant. Le mobilier céramique médiéval issu de l’US 2 permet uniquement d’attester l’existence d’une occupation à proximité, sans doute le prieuré, ainsi que le rejet d’éléments dans cet espace, vraisemblablement utilisé comme jardin. D’autres fragments céramiques, contemporains, peuvent être mis en relation avec la réutilisation du jardin sur les périodes récentes. Le mobilier métallique retrouvé correspond à des clous de cercueil ou coffrage, ainsi qu’un fragment de montre à gousset contemporain.

11Deux sépultures ont fait l’objet d’une datation ¹⁴C. Ces datations ont fourni une fourchette trop large pour être exploitée, hormis pour préciser qu’elles ne sont pas médiévales.

12La zone sud n’a livré aucun vestige, hormis une fosse de plantation. Notons cependant la présence de sépultures, datées des xii^e-xiii^e s. par ¹⁴C, retrouvées sous la canalisation réalisée récemment, soit un peu plus à l’est de notre tranchée. Cette information a été donnée par la société Archeodunum, dont le rapport de fouille est en cours de finalisation. Les prospections géophysiques réalisées en amont du diagnostic par l’aménageur ont également révélé, aux abords de l’église, la présence de plusieurs fosses oblongues, dont l’alignement, l’orientation et les dimensions pourraient coïncider avec des sépultures.

13La zone nord livre une quantité conséquente de vestiges, qui documentent la vie de cet espace. Les vestiges relevant des périodes modernes à contemporaines sont quasiment tous associés à l’utilisation de la parcelle AK 170 comme cimetière paroissial. Les vestiges se présentent sous la forme de sépultures, mais aussi sous celles, plus nombreuses, d’amas osseux pouvant correspondre à des ossuaires.

14Le cimetière semble fonctionner sur une période assez longue, puisque plusieurs niveaux sont perceptibles, avec des remaniements. Nous sommes ainsi en présence d’un cimetière paroissial fonctionnant entre l’époque moderne et la période contemporaine. Les moines ne sont clairement pas inhumés à cet endroit, mais plutôt sur la parcelle haute (AK 171), comme l’atteste la découverte de tombes datées des xi^e-xiii^e s. en bord d’église.

15Ainsi, les abords de l’église semblent dédiés au cimetière prieural pendant le fonctionnement du prieuré, jusqu’au xviii^e s. vraisemblablement. Ensuite, la parcelle AK 170, ancien Jardin des Moines, devient le cimetière paroissial entre la fin du xviii^e s. (1792 ?) et 1856, date à laquelle le cimetière est transféré hors du centre-bourg.

16Il est impossible de se fier aux altitudes observées pour les sépultures, car elles fluctuent selon l’altitude de surface et la profondeur d’enfouissement. Un alignement est visible, impliquant une volonté nette de former un axe d’enfouissement, à mettre en lien, peut-être, avec la présence d’allées dans le cimetière.

17Concernant la population représentée dans ce cimetière, les différents prélèvements de restes osseux ont permis de mieux la cerner (M. Rouzic, Inrap) :

« Les amas osseux semblent surtout réunir des os de format adulte, mais des os de sujets immatures ont également été retrouvés. Un os de sujet périnatal a même été découvert parmi les os erratiques du sondage 3. L’étude ostéologique permet de montrer que le cimetière a été utilisé pour des individus de tout âge et des deux sexes (un individu de chaque sexe mis en évidence). La composition de la population inhumée peut correspondre à celle d’un cimetière paroissial. Elle ne semble à l’évidence pas spécialisée, comme le serait celle d’un prieuré, par exemple.
[...] Le nombre de sépultures dégagées n’est pas très important mais nombre d’amas osseux peuvent recouvrir des sépultures et masquer celles-ci. »

« Il semblerait que, dans un contexte de fortes réutilisations de l’espace pour la mise en place de sépultures successives, de nombreuses réductions aient sans doute été effectuées avec vidanges et remise des ossements dans le comblement des nouvelles sépultures ou sur les couvercles des contenant des corps. »

« Le mode d’inhumation semble assez homogène : il semblerait que tous les sujets aient été disposés dans des contenants en bois. Parfois, des clous sont observés et on peut supposer que les contenants ont pu être cloués et qu’il s’agissait de cercueil. [...] Un assemblage à l’aide de chevilles est suspecté pour les autres.
[...] L’orientation de l’ensemble des sépultures est globalement ouest-est, et, lorsqu’il s’agit de sujets adultes ou de format adulte, la tête est située à l’ouest, ce qui correspond à l’orientation standard des corps depuis le Moyen Âge. Cependant, dans les deux cas de sépultures d’enfants (1-4 ans) observées (SP110, SP136), le corps est dans une orientation opposée, la tête se retrouvant ainsi à l’est. Le fait que ces corps ne soient pas dans le même sens que ceux des adultes interroge.
[...] Toutes les sépultures semblent être contemporaines entre elles. La typologie des sépultures, ainsi que la conservation partielle des bois dans un contexte géomorphologique n’ayant pas maintenu en eau le terrain, évoquent un cimetière récent. »

18Les vestiges les plus récents, c’est-à-dire ceux qui sont d’époque contemporaine, semblent liés à des réaménagements, que nous qualifierons de « paysager », avec l’installation de fosses de plantation, et, peut-être, de fossés, qui ont entraîné un remaniement des ossements encore présents. L’installation du mur M120 n’est pas datée, mais semble marquer la poursuite d’une limite forte entre les deux parcelles.

19Aucun rejet de sédiment ou d’ossements ne semble pouvoir être associé à la construction de la rampe d’accès à l’église en 1980, ou bien alors ils sont trop minimes pour avoir été perçus.