1En 2020, le PCR « De Cassinomagus à Chassenon (Charente). Genèse, mutations et réseaux du ier s. a.C. au xe s. p.C. », mené sur le site de Chassenon, a connu de substantifiques modifications dues à la crise sanitaire de la Covid-19. Aussi, il n’a pas été possible de mener à bien l’ensemble des projets envisagés.
2L’étude bibliographique des vicairies carolingiennes et des ateliers monétaires mérovingiens autour de Chassenon a commencé. Les résultats obtenus pour l’instant sont les suivants.
3D’une part, il est confirmé que la vicairie de la Péruse (Charente) n’a jamais existé. La vicaria de Petrucia citée par M. Deloche (1901) se trouve en fait dans la région de Châtelus-le-Marcheix (Creuse) (Boyer 1995, p. 43). Comme celle de Chabanais n’est pas d’époque carolingienne (Debord 1984, p. 87, n. 174), cela ouvre définitivement la porte à l’hypothèse selon laquelle la vicairie de Chassenon s’étendait vers l’ouest jusqu’à la limite du diocèse de Limoges.
4D’autre part, le lien a pu être fait entre les tremissis présentés sur le site Gallica et l’inventaire des monnaies mérovingiennes du Cabinet des médailles de la BNF (Prou 1892). Un tableau permet de rechercher sur Gallica les images des triens provenant des ateliers proches de Chassenon, sans attendre l’actualisation de l’inventaire. Il est à noter qu’aucune monnaie connue de l’inventaire de 1892 ne semble pouvoir provenir de Chassenon même. De plus, l’historique d’un triens trouvé près de Rochechouart, et attribué à Chabanais, parce que semblant porter l’inscription CABANISIO (Michon 1844, p. 125 et 209), a été commencé.
5L’année 2020 a permis d’achever la fouille des deux sondages ouverts en 2019. La première zone de fouille a concerné le portique intérieur du lieu de culte. Le substrat rocheux a été atteint à 1,80 m de profondeur. Les niveaux sédimentaires précoces, liés à l’occupation artisanale métallurgique du début du ier s. apr. J.-C., ont à nouveau été dégagés, complétant ainsi leur répartition spatiale au sein du site.
6La phase de construction, dès la fin du ier s. apr. J.-C., est marquée par la mise en place du mur de péribole du lieu de culte, de ses contreforts en sous-œuvre et du mur-bahut supportant une colonnade. Les remblais liés à cet aménagement sont caractérisés par la présence de sédiments alluvionnaires, rapportés très certainement de la rivière Vienne située à proximité du site. Le portique ainsi délimité est large de 7,30 m et il est bordé, du côté de l’esplanade nord du temple, par un caniveau dont le fond est dallé de briques disposées à plat.
7La seconde zone de fouille se situe dans l’angle nord-est du sanctuaire. Là aussi les niveaux sédimentaires précoces ont été mis au jour. Ils ont été perturbés par la mise en œuvre du mur de péribole et des contreforts associés, à partir de la fin du ier s. apr. J.-C.
8Dans un deuxième temps, courant iie s. apr. J.-C., un massif de soutènement est venu prendre appui sur son parement extérieur. Il fonctionne avec un mur du côté nord et probablement avec un second, au sud, dont rien ne subsiste. Cet aménagement constitue un portique extérieur au lieu de culte, qui permet de le relier aux thermes situés en contrebas à l’est. Des remblais liés à ces travaux ont été intégralement fouillés et l’empreinte d’un possible engin de levage a été mise au jour.
9Dans un dernier temps, le massif adossé au mur d’enceinte connaît des transformations d’envergure. En effet, son côté sud est épierré partiellement sur 2,34 m de largeur et les remblais associés sont perforés par une tranchée large de 1,36 m. Des empilements de blocs y sont alors installés, séparés par des espaces de 1,70 m, formant des caissons vides. Ces blocs sont en remploi, puisque deux d’entre eux comportent sur une face des degrés taillés.
10Avant la fin du iiie s. apr. J.-C., cet espace semble ne plus être en fonctionnement. Le mur nord du portique extérieur et le massif sont épierrés et les blocs sont récupérés. Des remblais, peut-être liés à cette phase, viennent ensuite sceller les maçonneries subsistantes.
11Après la destruction définitive des élévations restantes, une nouvelle phase de récupération a lieu tardivement. Elle a concerné l’ouverture de fosses et de tranchées dans les niveaux de démolition.
12Cette année 2020 a été consacrée aux études et inventaires détaillés du mobilier issu de la campagne de fouille 2019, ainsi qu’à la rédaction du rapport. Aucune opération de terrain n’a eu lieu.
13En raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le projet d’intervention sur une zone riche en déchets sidérurgiques, située au nord du lieu de culte des Chenevières et antérieure à celui-ci, a dû être reporté à l’année 2021.
14Les études réalisées pour les sites du Grand Villard (resp. M. Grall) et du sanctuaire de Chenevières (resp. S. Sicard), ont permis d’affiner les connaissances sur la vaisselle en verre à Cassinomagus, malgré la faiblesse numérique des lots. Sa présence est assurée en contexte domestique et cultuel du ier au iiie s. apr. J.-C., comprenant des formes communes liées à la vaisselle de table, à l’instar des bols Is. 85 / AR 98 ou des assiettes Is. 44 / AR 109.1. La présence de gobelets Is. 33 / AR 52 à décor d’arcades peut aussi être soulignée. Bien présents dans le sud-ouest de la Gaule, leur production est attestée au sein d’un atelier de verrier à Saintes, rue Reynaud-Rousseau (Hochuli-Gysel 2003), pouvant ainsi renseigner sur la provenance de la vaisselle de Chassenon. Finalement, la réalisation d’inventaires exhaustifs du mobilier des thermes pour les années 1998 à 2000 a permis de mettre en évidence une présence encore bien marquée de la vaisselle en verre dans les niveaux tardifs (ive-ve s. apr. J.-C.).
15L’étude des terres cuites architecturales (TCA) constitue un des volets de l’axe 5 du PCR sur Cassinomagus, avec à terme un projet de publication spécifique. L’année 2019 a été celle du recollement des données, l’année 2020 aura permis de réaliser les études qui restaient en suspens. Les résultats, bien que portant uniquement sur l’édifice thermal, dépassent largement le seul cadre typologique, celui de la définition de séries de produits, en livrant une image plus juste des connaissances techniques des bâtisseurs. De nouveaux objets ont ainsi été identifiés, à l’image des claveaux découverts lors de la fouille de la salle de chauffe Sv3. Un objet complet, qui pèse environ 5 kg, est long de 29,9 cm, large de 19,2 cm, avec une épaisseur qui augmente d’une extrémité à l’autre de 3,9 à 6,9 cm. Cette famille n’ayant jamais été mise en évidence au sein des maçonneries des thermes, il est donc tentant de les attribuer à un conduit de praefurnium associé à l’une des chaudières de Sv3. De nombreux fragments de tubuli ont été retrouvés.
16Une série assez homogène ressort de la fouille des « buttes témoins » dirigée par Sandra Sicard en 2014. Les objets sont de dimensions moyennes (h x p x l) de 25,9 x 12,2 x 20 cm. Les faces avant comportant les stries sont souvent très fragmentées. Néanmoins quelques fragments ont livré un décor original, comme une série d’impressions de « V » à pointe arrondie, écartées d’environ 1,5 mm, en lignes séparées d’environ 2 cm (fig. 1). Il s’avère en réalité que ce n’est pas seulement un décor, il s’agit de l’empreinte des dents du peigne, le dessin des stries étant interrompu par l’insertion des dents dans la pâte. Leur épaisseur se limite à 1 ou 2 mm, ce sont donc des lamelles, probablement constituées de métal. La largeur des stries varie selon que le peigne fut passé de façon droite, oblique ou quasi horizontale.
Fig. 1 – Fragment de tubulus, face principale
Stries interrompues par des « V » enfoncés dans la pâte. Ceux-ci sont dans l’axe des stries, ils en sont à l’origine.
17L’année 2020 a été consacrée à l’étude du mobilier métallique issu des fouilles du lieu de culte des Chenevières. De nombreux éléments de quincaillerie ont été mis au jour : clous de menuiserie, clou de porte, patte-fiche, anneau de forme ouverte, agrafe de construction. Des fragments de rebuts de coulées en bronze et en plomb laissent envisager la présence d’ateliers, rattachés à la période tardive du site. Deux possibles outils ont été identifiés (extrémité supérieure avec surface de percussion d’un ciseau droit à anche de section circulaire et une gouge) et seraient en lien avec la taille de pierre ou de bois.
18Deux éléments notables sont à souligner. Le premier est une armature de trait de catapulte à pointe pyramidale et douille conique de forme courte (militaria). Relativement rare en Gaule, il est attribuable à l’époque républicaine et au début du Haut-Empire. Le second correspond à un lot conséquent de fragments d’emboîtures métalliques de canalisations en bois.
19L’étude du décor lapidaire de l’agglomération de Chassenon s’est poursuivie au cours de l’année 2020. Cette année a permis de finaliser l’inventaire du lapidaire découvert au cours des campagnes de fouille 2019, sur les sites de Grand Villard et du sanctuaire des Chenevières. Les découvertes effectuées au Grand Villard sont rares et se limitent à quelques fragments de placages taillés dans deux variétés de porphyres. Le sanctuaire livre un matériel plus abondant composé en grande partie de décors d’applique, ainsi que quelques éléments en calcaire appartenant à des colonnes cannelées. Un fragment de base, également en calcaire complète cet ensemble.
20L’année 2020 a également été l’occasion de travailler sur la restitution du décor du temple de Montélu. L’objectif était de confronter les différentes observations faites au xixe s., recensées par P. Aupert (Aupert 2006), avec les décors et matériaux issus des fouilles récentes.
21En 2020, les enduits peints provenant de la fouille du Grand Villard de l’été 2019 ont été examinés. Il s’agit d’un lot comptant dix caisses. Ces enduits ont été découverts dans la partie sud de l’habitation. La plupart présente un fond blanc ou rouge. En raison notamment des différences de supports, leur conservation est inégale. Le mortier d’un lot de fragment rouge a, par exemple, presque complétement disparu et ces derniers sont très fragmentés. Un autre lot comprend des fragments blancs de plus grande taille avec un support solide conservé sur une assez bonne épaisseur. Au cours de cette fouille, des revêtements de colonnes ont également été mis au jour. Ces enduits venaient recouvrir des fûts composés de quarts-de-rond en terre cuite. Le bas de ces colonnes était probablement peint en rouge tandis que le haut était blanc.
22Très peu de petit mobilier a été sorti des fouilles menées en 2020 dans le lieu de culte des Chenevières. Aussi, il a été décidé d’en faire l’étude dans le cadre des fouilles prévues en 2021.
23Le mobilier faunique découvert lors de la fouille du lieu de culte des Chenevières en 2020 a été enregistré. Il est en cours d’étude et fera l’objet d’une synthèse détaillée, qui sera proposée l’année prochaine dans le cadre de la synthèse triennale du PCR.
24Cette année, les céramiques provenant de deux opérations de fouille ont été étudiées : celles mises au jour dans les zones 20 et 23 situées dans l’emprise du sanctuaire (resp. S. Sicard) et celles livrées en 2019 par le chantier du Grand Villard (resp. M. Grall).
25Le matériel de la zone 20 forme un ensemble attribuable au premier tiers du ier s. apr. J.-C. tandis que celui provenant de la zone 23 est représentatif de plusieurs périodes allant du ier s. apr. J.-C. à la seconde moitié du iie et au iiie s.
26Les céramiques mises au jour par la fouille de la domus du Grand Villard s’intègrent aux résultats des années précédentes avec cependant une proportion plus importante de céramiques datables du premier tiers du ier s. apr. J.-C.
27Les évènements qui se sont déroulés cette année ont compromis les recherches qui étaient envisagées pour compléter le tessonnier. Celles-ci ont été mineures. Seules la sigillée, la paroi fine, la céramique campanienne et la céramique plombifère issues des campagnes de fouille du Grand Villard 2015 et 2016 et du sanctuaire 2016 ont été observées. Le catalogue des amphores est à jour. L’inventaire du matériel précoce (ier s. av. J.-C.) est en cours. Il précède l’étude prévue de la période antérieure à l’occupation contemporaine du grand programme de construction de l’ensemble monumental.
28D’autre part, l’étude de la céramique de l’Antiquité tardive a été poursuivie en vue de produire une synthèse.
29Aucune monnaie n’a été découverte lors de la fouille menée dans le lieu de culte. L’étude numismatique de l’année 2020 a donc concerné la mise à jour du catalogue des monnaies issues des fouilles des thermes (1995-2012). L’analyse qui en sera faite intégrera la publication monographique des thermes.
30L’étude des dépôts réalisée au cours de l’année 2020 concerne les sondages de la zone 20 secteur 10 ouverts en 2019 à l’intersection de l’hémicycle et de la section nord du mur de péribole est. Elle devait documenter l’origine des variations observées sur une séquence stratifiée et identifier un impact anthropique.
31Comme pour d’autres séquences, la base de la stratigraphie montre une anthropisation précoce de l’espace. On relève des indices de surfaces mises à nu, déstabilisées ou décapées et l’augmentation des résidus d’activités. La stratification sus-jacente reflète des variations d’ambiance humide à boueuse et des tassements qui peuvent traduire un passage régulier ou intense. L’origine de la composante organique, végétale, bien marquée dans certains niveaux reste incertaine (apports intentionnels ou fortuits, déchets ?). Des recharges sédimentaires sont probables dans la partie supérieure de la séquence étudiée (assainissement ?) entre les phases de circulation.
32L’une des séquences étudiées est surmontée de chaux déposée en lits successifs qui ont servi d’assise et/ou de sol de circulation dans un nouveau contexte d’occupation.
33Aucune analyse de charbons n’a été réalisée en 2020. Les quelques prélèvements effectués au cours des fouilles de l’été ne provenant pas de dépôts clairement identifiés (construction ou foyers) et ne présentant pas un grand intérêt archéo-environnemental, il a été décidé avec les archéologues concernés de ne pas lancer d’analyses anthracologiques cette année.