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2020
Projets collectifs de recherche

Domme – Château du Roy, Campréal, La Bastide

Projet collectif de recherche (2020)
Responsable d’opération : Patrick Bouvart

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Ministère de la Culture

Texte intégral

12020 est la première année d’un PCR triennal intitulé « Domme médiévale et moderne ». Portées par six responsables de thématiques, les recherches concernent le castrum primitif de Domme, la bastide et enfin Campréal, une fortification royale intercalée au xiiie s. La démarche globale se concrétise par :

  • une analyse de la documentation historique relative aux trois entités topographiques ;

  • des fouilles archéologiques dans l’emprise du castrum primitif dénommée « Château du Roy » ;

  • un inventaire du bâti civil de la bastide associé à une étude de la morphogenèse du pôle urbain ;

  • des études de bâti des élévations de Campréal, du fossé et de la porte Poissonnière tous deux délimitant l’assise du castrum ;

  • une étude de la culture matérielle inhérente aux occupations successives des trois entités topographiques.

2En raison du contexte sanitaire particulier lié à l’épidémie de Covid-19, seule l’étude de la culture matérielle n’a pu être abordée. Néanmoins, les résultats enrichissent déjà les connaissances partiellement renouvelées lors d’opérations préventives et programmées réalisées entre 2017 et 2019. Ainsi, bien qu’aucune structure ni aucun niveau de circulation ne soit attribuable à l’Antiquité, la densité et la variété du mobilier collecté lors des opérations archéologiques successives confortent de plus en plus l’hypothèse d’une première occupation au cours de cette période (phase I). Il s’agit uniquement d’éléments en contexte d’abandon voire en position secondaire. Actuellement, à défaut d’une étude aboutie du mobilier, la chronologie de cette supposée occupation repose sur un fragment d’amphore de type Dressel 1b et l’imitation d’un denier de Néron trouvé en 2016, soit un terminus fixé au ier s. apr. J.-C.

3Aucune structure ou couche stratigraphique ni aucun mobilier ne peut être attribué au haut Moyen Âge. À défaut de données tangibles, les dates obtenues sur des charbons remployés dans les mortiers de la tour maîtresse paraissent trop anecdotiques pour attester une présence humaine pérenne avant le xie s. (phase II). Toutefois, les contextes archéologiques mis au jour jusqu’à présent s’avèrent peu propices pour une conservation des occupations antérieures à la phase III. Ainsi, cette lacune n’invalide pas mais ravive la question de la fortification de l’éperon durant le conflit opposant Pépin le Bref au duc d’Aquitaine Waïfre entre 761 et 768 ou lors des premières invasions normandes. La problématique devra dorénavant être abordée par l’étude des fossés défensifs.

4Les connaissances historiques et archéologiques acquises en 2020 confortent trois hypothèses relatives à la morphogenèse du castrum (phase III) et apportent des informations inédites :

  • le rôle prépondérant des évêques de Périgueux se confirme ;

  • la présence d’une chapelle castrale paraît fortement plausible ;

  • l’aménagement d’un accès au castrum supérieur au niveau de l’ES16 bénéficie d’indices concordants ;

  • la présence d’une tour voire d’une porterie commandant l’accès nord du castrum via le « sentier du Port » était jusqu’alors insoupçonnée.

5Les phases suivantes se rapporteraient aux conséquences de la « guerre contre les Albigeois », en commençant par les destructions infligées par Simon de Montfort (phase IV). Autant pour le castrum supérieur, il est possible d’évoquer avec toutes les précautions d’usage un arasement des constructions susceptible de correspondre au « renversement » du castrum signalé dans la chronique de Pierre des Vaulx de Cernay, autant il est difficile sinon impossible d’associer à cette phase l’absence de structure bâtie dans l’entité topographique 9 fouillée en 2020. Au sein de cet espace, les perturbations des couches antiques et médiévales semblent dues aux extractions d’argile au cours d’une ou plusieurs phases plus tardives.

6Le castrum serait ensuite divisé et réduit, à l’image de sa tour maîtresse (phase V). L’étude de la porte dite « Poissonnière » est actuellement contrainte par l’absence d’indices chronologiques matériels et textuels. La typologie et surtout les caractéristiques de mise en œuvre de la porte orientent vers l’hypothèse d’une construction contemporaine de l’enceinte du castrum supérieur. De ce point de vue, si le castrum est divisé, il n’est pas encore réduit puisque la phase apparaît antérieure à la fondation de Campréal (phase VI). L’importance à accorder à cette porte mérite d’être discutée. Elle n’est pas orientée vers l’ouest, ni vers le sud dans le sens de la pente naturelle, positions normalement plus stratégiques pour la défense comme pour l’accueil des habitants des hameaux voisins de Mondinasse, Sainte-Catherine ou de la paroisse de Cénac. Serait-elle destinée à faire face au lieu-dit Castarnou, pour renforcer l’exclusion de Guillaume de Domme ? L’intention sous-jacente sera difficilement vérifiable. En revanche, cette matérialisation des limites du castrum concorderait idéalement avec la définition de son ressort tel que transcrit par la charte de coutumes délivrée à ses habitants en 1257. L’acte est produit par des arbitres désignés par Guillaume de Gourdon, seigneur de Domme auquel adhère Guillaume Bonafos, coseigneur.

7Jusqu’à présent, l’implantation de la bastide (phase VI) est considérée comme une des conséquences de la vente au roi par Guillaume de Domme. Même si l’étude a bien mis en évidence un schéma d’implantation orthonormé et régi par des unités de mesure transposables en pieds ou en toises, les données actuelles sur la bastide, tant l’enceinte et ses portes que l’espace public, le bâti religieux et le bâti civil, ne permettent pas encore d’être catégorique sur la morphogénèse de cette agglomération. En effet, il est toujours impossible de départager les raisons du désaxement de la place de la Rode et la rue del Bos par rapport au reste de la bastide. Pourquoi cette organisation ne serait-elle pas conditionnée par un noyau primitif, celui d’une ville neuve antérieure à la fondation royale ? La charte de coutumes accordées en 1257 aux habitants du castrum de Domme ne serait-elle pas destinée à minimiser le phénomène de translation de cette population, dans le sillage du lignage des Domme ? Il apparait ainsi essentiel de considérer l’hypothèse d’une ville basse plus ancienne. Le projet d’implantation de la forteresse royale dénommée Campréal émergerait en 1280, année où le roi Philippe le Hardi s’assure la soumission à l’hommage de Guillaume de Domme par une transaction avec l’abbé de Sarlat. L’année suivante, le souverain lui achète sa tour, ses maisons et tous ses droits sur le Mont de Domme dans la perspective de créer une bastide. Contrairement aux hypothèses émises jusqu’à présent, la démarche ne porte pas encore atteinte au castrum de Domme-Vieille. Elle en limite seulement les possibilités d’extension en préemptant les terres jusqu’au fossé. À ce stade et jusqu’en 1290, le « castrum de Mont-de-Domme » doit correspondre à l’assise de la tour acquise de Guillaume. L’implantation d’une forteresse royale dans l’emprise du castrum inférieur ne peut a priori avoir lieu avant cette date. Le terminus serait fourni par l’accord entre Philippe le Bel et l’abbé de Sarlat permettant au roi d’acquérir des biens que possèdent Amalvin Bonafos, Bertrand et Gaillard de Gourdon. La chronologie de cette partie de la fortification appelée Campréal (phase VI) doit donc être retardée d’une dizaine d’années au minimum par rapport à l’estimation habituellement fixée à 1280. Le château royal est attesté par une première mention en 1298, soit huit ans plus tard. L’étude engagée en 2020 offre un premier aperçu de cette fortification mais soulève encore plus de questions. Surplombant la vallée de la Dordogne, les murs conservés au nord semblent délimiter un territoire, celui appartenant au roi. Au regard de ses appareils, la qualité de la fortification est indéniable mais relève plus du plan « symbolique » que défensif. Les observations conduisent également à émettre l’hypothèse d’une obstruction des deux extrémités supposées du fossé du castrum par des murs, au moment de l’aménagement de Campréal. Il semble ainsi évident que Campréal s’étendait vers la bastide, au-delà du fossé, justifiant la notion plus tardive d’une intégration à la ville.

8L’évolution de la chronologie relative des structures de l’accès par le front oriental au castrum supérieur conduit temporairement à intégrer la construction d’une courtine (M6) dans une phase postérieure au xiiie s. (phase VII), mais antérieure aux restructurations du xve s. Cette élévation épaulée par trois contreforts sur son parement interne pourrait parfaitement servir de soutènement à un tablier en bois pour une rampe.

9La phase VIII comprend un ensemble de constructions réalisées depuis l’acquisition de la forteresse par le roi en 1438 jusqu’en 1495, terminus post quem adopté pour la phase IX. L’architecture emblématique de cette période correspond à la portion d’enceinte associée à la tour protégeant le front occidental du castrum supérieur. Sur le front sud, elle est complétée par une première étape de construction de la fausse braie. La mise en œuvre de certaines de ces élévations se caractérise par un abondant mortier argileux dont l’approvisionnement pourrait justifier le dégagement superficiel et la purge des karsts sur le promontoire.

10Comme évoqué dans les précédents rapports relatifs au château du Roy, en 1495, les travaux préconisés par le conseiller du roi et le sénéchal de Périgord se traduisent par l’extension de la fausse braie vers l’ouest et une adaptation minimaliste du site à l’artillerie (phase IX). L’attention est portée sur les risques « d’échelade ». La stratégie conduit à araser un rocher aux abords de la « porte principale » du castrum supérieur. Il doit s’agir du « fossé » dont le profil se perçoit nettement au pied de la courtine principale (M6). Les déchets d’extraction du calcaire sont sans doute rejetés immédiatement au nord en comblement du karst observé dans la tranchée.

11Les maçonneries arasées et les boulets de canon découverts sur le site confirment l’ampleur des perturbations occasionnées par les conflits durant les guerres de Religion (phase X), mais finalement la nature et le volume des gravats observés ne permettent pas d’aborder la question de l’effondrement de la tour Brune. Des récupérations ultérieures expliqueraient ces lacunes de matériaux (phase XI).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Patrick Bouvart, « Domme – Château du Roy, Campréal, La Bastide » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 04 juillet 2024, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/166077

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Auteur

Patrick Bouvart

Drac Nouvelle-Aquitaine (service régional de l’archéologie)

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