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2023
63 – Puy-de-Dôme

Lezoux – Réaménagement de la place de Prague, zone Bourlier (phase 1)

Opération préventive de diagnostic (2023)
Responsable d’opération : Laurence Lautier

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Inrap

Lautier L. 2024 : Lezoux, Puy-de-Dôme, Auvergne-Rhône-Alpes : Réaménagement de la place de Prague, Zone Bourlier, phase 1, rapport de diagnostic, Clermont-Ferrand, Inrap.

Texte intégral

1Une première phase d’évaluation archéologique, qui s’inscrit dans un vaste projet de réaménagement de la place de Prague et de ses abords, par la mairie et la communauté de communes, a été réalisée sur une emprise de 4 540 m2, du 13 au 22 novembre 2023, par une équipe de l’Inrap constituée de six archéologues. Ce premier diagnostic (trois autres phases sont attendues : fig. 1) a permis de confirmer la richesse de ce secteur, localisé en plein centre de Lezoux.

Fig. 1 – Localisation des quatre phases d’intervention de la place de Prague sur fond cadastral et vue aérienne de la place de Prague

Fig. 1 – Localisation des quatre phases d’intervention de la place de Prague sur fond cadastral et vue aérienne de la place de Prague

Cliché : B. Dousteyssier ; DAO : Inrap.

2Des prospections géophysiques, réalisées entre le 19 et le 23 juin 2023, sur une surface de 0,93 ha, couvrant la totalité du projet, ont mis en évidence tout un ensemble d’anomalies. Plusieurs peuvent être associées à des réseaux, abandonnés ou en cours d’utilisation. Cette interprétation repose à la fois sur la forme, l’orientation générale de l’anomalie par rapport aux réseaux existants et sur la profondeur d’apparition. D’autres éléments linéaires sont interprétés comme des murs, en lien avec des parcelles bâties ou un chemin figurant sur le cadastre napoléonien et qui sont restés en élévation jusqu’à la fin des années 1990. Ces murs sont en connexion avec des niveaux de sols ou d’effondrements. Les traces matérielles de chemin sont également apparues, ainsi que celles de structures de cuisson aux signatures plus faibles.

3Les sept tranchées réparties uniformément sur le terrain (cinq sur le parking, deux sur la zone herbeuse) ont permis de tester près de 9 % de l’emprise. Elles ont mis au jour plus d’une centaine de structures (fig. 2), sans compter les remblais de nivellement ou de colluvions, qui témoignent de la puissance de la stratigraphie dans la plupart des tranchées sur près de 3 m de hauteur.

Fig. 2 – Localisation des sondages, logs, et vestiges sur l’extrait cadastral informatisé

Fig. 2 – Localisation des sondages, logs, et vestiges sur l’extrait cadastral informatisé

Échelle : 1/1 000.

Topographie : P. Neury; DAO : E. Belay (Inrap).

4Les vestiges reconnus apparaissent, pour certains, sous le radier d’installation de la place, à très faible profondeur. Ils s’inscrivent dans des contextes gaulois, antiques, médiévaux et modernes avec le lotissement de la place (fig. 3 et 4). Leur nature souligne la présence d’éléments parcellaires, d’habitats, de structures d’ensilage, de possibles fosses d’extraction de sable, d’une zone humide d’origine vraisemblablement anthropique, et de structures artisanales diachroniques de la terre et du métal.

Fig. 3 – Localisation des vestiges par phase : La Tène, Haut-Empire romain

Fig. 3 – Localisation des vestiges par phase : La Tène, Haut-Empire romain

Relevé topographique : P. Neury ; DAO : E. Belay (Inrap).

Fig. 4 – Localisation des vestiges par phase : Antiquité tardive, Moyen Âge (xie-xiiie s.)

Fig. 4 – Localisation des vestiges par phase : Antiquité tardive, Moyen Âge (xie-xiiie s.)

Relevé topographique : P. Neury ; DAO : E. Belay (Inrap).

5L’originalité de ce diagnostic a été de découvrir, dans le sondage 3, à une soixantaine de centimètres de profondeur, un four de potier (FR3041) de La Tène C2 (première moitié du iie s. av. J.-C.) qui associe un laboratoire de cuisson, de forme circulaire en plan (diamètre de 1,30 m), à deux alandiers disposés symétriquement à l’est et à l’ouest (fig. 5). Le mobilier céramique (dix individus) collecté dans le laboratoire correspond, en grande partie, à des ratés de production.

Fig. 5 – Photogrammétrie du four gaulois

Fig. 5 – Photogrammétrie du four gaulois

Traitement : S. Revel ; DAO : L. Lautier (Inrap).

6Ce four paraît avoir été utilisé, au moins en partie, pour cuire (conjointement ?) de la vaisselle culinaire (des pots à cuire en céramique grossière modelée) et de la vaisselle de table (des formes hautes en céramique fine tournée). Les sédiments charbonneux recueillis dans ce four révèlent l’utilisation de résidus issus du traitement des céréales pour la cuisson de la céramique, pratique inédite régionalement pour le second âge du Fer, même si l’hypothèse d’un dépôt secondaire ne peut toutefois être écartée. L’assemblage est très diversifié, avec seize taxons de céréales, légumineuses, fruit et des plantes sauvages adventices de cultures. Il n’est pas impossible que la structure interprétée comme une fosse d’implantation de tour de potier (FS3043) s’inscrive dans le même contexte chronologique que ce four. L’identification de tessons laténiens, en position secondaire dans plusieurs structures fossoyées des tranchées 1, 3, 4 et 6, souligne une occupation plus massive de la partie sud de l’emprise (fig. 3).

7La découverte d’un second four de potier à Lezoux, contemporain d’un premier découvert en 1987, morphologiquement proche et situé « seulement » 380 m au nord, permet d’envisager que, dès la période laténienne, ce secteur a connu une activité de production céramique plus soutenue qu’envisagée antérieurement.

8Cette hypothèse se trouve renforcée par la découverte d’un troisième four, attribué à l’extrême fin de l’âge du Fer (La Tène D2b) ou au tout début de la période romaine (Auguste), dans le secteur de Ligonne (1,8 km plus au nord), témoignant qu’existe une activité de production céramique à Lezoux antérieurement au développement des ateliers antiques.

9La pérennisation de la fonction artisanale du secteur après le changement d’ère est prouvée par la mise au jour, dans le sondage 6, de trois fours de potier (FR6016, FR6021, FR6023), tandis que le lambeau d’un quatrième (7008) a été observé dans le sondage 7. Les deux structures fossoyées qui ont pu accueillir des tours de potier (FS3043-FS3044) complètent notre vision du secteur (fig. 3).

10Le plus ancien (FR6016) n’a été reconnu que par le départ de son alandier, dont les deux piédroits larges de 30 cm émergent dans l’emprise du sondage sur une longueur de 0,50 m. Il se poursuit hors emprise dans la berme sud. Le couloir de l’alandier, haut de 0,35 m et large de 0,30 m, est recouvert par des tuiles. Il s’agit d’une architecture mixte composée de briques, de tegulae, d’éléments de dolium, de blocs d’arkose, grossièrement liés à l’argile rubéfiée. Dans son comblement, seuls des éléments attribués à la première moitié du ier s. apr. J.-C. ont été recueillis. Ce four s’ouvre sur une vaste aire de chauffe (FS6017), comblée par un mobilier brassé avec des tessons attribués à la période laténienne (iiie-iie s. av. J.-C.), au Haut-Empire (ier-iie s.), à l’Antiquité tardive (ive ou du début du ve s.), voire au Moyen Âge (xie-xive s.).

11Les deux autres fours retrouvés dans le même secteur (FR6021, FR6023) sont de morphologie identique, bien que brassée. Le mobilier prédominant correspond à des productions du iie s., mais qui côtoient néanmoins des fabrications du iiie et du ive s. Des assiettes archéologiquement complètes issues du comblement s’inscrivent dans les années 150-220 apr. J.-C., alors que, dans le sondage 7, l’hypothétique structure de cuisson 7008 est associée à des récipients en sigillée, dont les caractéristiques techniques renvoient à la période d’apogée des ateliers lezoviens, entre 140 et 220 apr. J.-C. Peut-être anecdotique, le prélèvement réalisé dans le comblement du four FR6023 a livré, outre des céréales, un pépin de raisin. La présence de ce fruit dans les contextes antiques mérite d’être signalée et complète nos connaissances sur l’exploitation de la vigne.

12Nous sommes donc ainsi en présence d’un vaste atelier de potier dans les sondages 3, 6 et 7, qui existe dès la période laténienne, et qui, nous le savons, se développe dans la parcelle méridionale, de l’autre côté de la rue du Pont Bourlier, dans la propriété Rimbert, fouillée dans les années 1934-1935 (EA 6395 0055).

13Au sein de cet espace artisanal, qui paraît se développer le long d’un axe viaire d’orientation nord-sud, dont l’un des fossés bordiers pourrait avoir été reconnu dans le sondage 6 (FO6012, fig. 3), la sépulture d’un nourrisson (SP3040) inhumé dans la première moitié du ier s. apr. J.-C. a été fouillée à proximité du four gaulois et des fosses de tour de potier.

14Plusieurs éléments parcellaires implantés dès le début du Haut-Empire dans les sondages 1 (FO1004, FO1010) et 3 (FO3026), selon une trame orthonormée attestent du drainage du secteur.

15Peut-être toujours en lien avec l’activité artisanale du secteur, plusieurs fosses polylobées, observées dans les sondages 6 (FS6009, FS6011, FS6015) et 3 (FS3015 et suivantes), pourraient correspondre, sans certitude, à des fosses d’extraction de sable et/ou d’argile (fig. 3).

16Dans le sondage 1, en revanche, certains de ces creusements pourraient être assimilés à des pratiques de stockage et d’ensilage. Le profil piriforme de l’un d’entre eux (SI1009, fig. 3), notamment, laisse peu de doutes quant à sa fonction. De dimensions imposantes, puisque son diamètre dépasse les 2 m, son comblement s’inscrit dans un horizon gallo-romain précoce, couvrant les règnes d’Auguste et de Tibère.

17Enfin, de rares aménagements en lien avec l’habitat sont à citer. Dans le sondage 3, plusieurs murs de type solin (MR3042, MR3045, MR3046) se rattachent très vraisemblablement à un ou plusieurs bâtiments. Dans le sondage 1, un lambeau de sol antique (1007) pourrait être préservé. Il contient un fragment d’enduit peint polychrome. Un autre nodule d’enduit peint a été retrouvé dans un niveau de sol d’un bâtiment supposé médiéval. Enfin, nous mentionnerons le chevet à tête de bélier et le peson de forme discoïdal placé en position secondaire dans la structure ST6025 (fig. 3).

18Outre cette occupation massive de la place de Prague dans les contextes du Haut-Empire, il semblerait que la fréquentation des lieux aux siècles suivants perdure, sans interruption, au moins jusqu’au vie s. apr. J.-C. En témoigne le nombre de structures qui ont livré du mobilier résiduel, intrusif ou pas, dans les sondages 6 (nous citerons notamment deux monnaies du ive s. découvertes dans le secteur des fours), 2, 3, 4 et 1, avec, peut-être, dans ce dernier sondage, une structure tardo-antique (FS1005) (fig. 4).

19En revanche, il semblerait qu’il y ait un hiatus chronologique durant le haut Moyen Âge. En dépit de l’abondant mobilier céramique recueilli dans les sondages, les contextes mérovingiens et carolingiens ne semblent pas représentés.

20Peut-être dès le xie s., mais surtout aux xiie et xiiie s., prennent place de nombreux vestiges aux fonctions artisanales, des lieux d’habitat aux architectures variées, et des lieux de stockage, de type ensilage. En outre, au sud de l’emprise, se déploie, parallèlement à la rue du Pont Bourlier, un profond creusement linéaire, d’origine anthropique (?) qui sera comblé tout au long de l’Antiquité et de la période médiévale, avant de servir de béal, dont le tracé figure sur le cadastre napoléonien. Ce secteur accueillait toujours un ruisseau dans le courant du xxe s. Cette période voit ainsi le développement massif de cette zone localisée en dehors de l’emprise urbaine, et dont la trame va s’inscrire dans le cadastre napoléonien (fig. 4).

21C’est dans le sondage 2, le plus méridional, que l’épaisse séquence hydromorphe (2005), reconnue sur plusieurs mètres d’épaisseur, prouve l’existence de la zone humide précédemment décrite.

22Des aménagements sur poteaux porteurs délimitant des bâtiments ou des palissades ont été reconnus dans les sondages 1 et 3 (PO1001, PO1002, PO3013, PO3020, PO3021, PO3022, PO3027, PO3028, PO3029, PO3030, PO3034), à faible distance de structures fossoyées interprétées comme des fosses et des silos (SI3018, FS3030, SI1003, FS1015, FS1006). L’étude des sédiments de l’un d’entre eux témoigne de la présence de seigle.

23Des structures d’habitat ont été documentées dans les sondages 4 et 5, grâce à la présence de murs aux fondations formés de blocs d’arkose (MR4046, MR5025, MR5026, MR5027 = 5018), mais également grâce aux litages de niveaux de sol, parfois charbonneux identifiés dans des zones de dépression (ST4007, FS4020, FS4021).

24L’un de ces rejets charbonneux (4009) livre un assemblage de céréales diversifié (blé amidonnier, orge vêtue, seigle, millet commun, millet d’Italie, blé nu).

25Ce même espace (ST4007) accueille un four de forme oblongue (FR4012), dont le prélèvement charbonneux n’a pu être étudié dans le cadre du diagnostic. L’existence d’élévation en terre crue est prouvée dans le sondage 5 (MR5021, US5008). Il est possible, par ailleurs, que le bassin BS4005 mis au jour dans le sondage 4, formé d’une succession de couches centimétriques hétérogènes à dominante argileuse, ait été utilisé afin d’accumuler différents matériaux (terre, sables, fibres végétales, céramiques). Est-ce en vue de préparer de la terre crue pour un emploi éventuel dans de l’architecture ?

26Enfin, l’évaluation archéologique a mis en évidence, dans les sondages 3 et 5, deux secteurs artisanaux, distants d’une vingtaine de mètres. D’une morphologie similaire, ils accueillent une structure foyère de forme circulaire ou ovale (FY3017, FY5015), associée à un sol charbonneux (SL3016, SL5014) et des éléments bâtis : des trous de poteau dans le sondage 3 et un solin bas de sablière basse d’orientation nord-sud (MR5016) dans le sondage 5. Dans les deux sondages, des blocs d’arkose placés près des foyers peuvent évoquer un support de base (une enclume placée sur un billot, par exemple).

27En raison de la découverte de scories ferreuses (69 restes pour 3,17 kg), les prélèvements ont été multipliés dans ces secteurs afin de rechercher les micro-déchets en lien avec les processus de forgeage. Le volume de battiture par litre de sédiment prélevé est relativement élevé, et confirme l’hypothèse, dans les deux sondages, d’aires destinées au travail de forge. L’observation macroscopique et le test à l’aimant des scories renvoient à une activité majoritairement de faible intensité (travail de type formage ou finition), ayant entraîné de très faibles pertes métalliques. Quelques scories, majoritairement constituées de fayalite et de wüstite (SGD), sont liés à des activités d’intensité modérée (préformage ou formage à chaud à partir d’un demi-produit propre).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Localisation des quatre phases d’intervention de la place de Prague sur fond cadastral et vue aérienne de la place de Prague
Crédits Cliché : B. Dousteyssier ; DAO : Inrap.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/167145/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 850k
Titre Fig. 2 – Localisation des sondages, logs, et vestiges sur l’extrait cadastral informatisé
Légende Échelle : 1/1 000.
Crédits Topographie : P. Neury; DAO : E. Belay (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/167145/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 656k
Titre Fig. 3 – Localisation des vestiges par phase : La Tène, Haut-Empire romain
Crédits Relevé topographique : P. Neury ; DAO : E. Belay (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/167145/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 601k
Titre Fig. 4 – Localisation des vestiges par phase : Antiquité tardive, Moyen Âge (xie-xiiie s.)
Crédits Relevé topographique : P. Neury ; DAO : E. Belay (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/167145/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 551k
Titre Fig. 5 – Photogrammétrie du four gaulois
Crédits Traitement : S. Revel ; DAO : L. Lautier (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/167145/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 910k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurence Lautier, « Lezoux – Réaménagement de la place de Prague, zone Bourlier (phase 1) » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 08 juillet 2024, consulté le 12 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/167145

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Auteur

Laurence Lautier

Inrap

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Responsable d’opération

Laurence Lautier

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