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1995
78 – Yvelines

Jouars-Pontchartrain – Ferme d’Ithe, déviation RN 12

Fouille préventive (1995)
Responsable d’opération : Olivier Blin

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Afan

Texte intégral

1Le 1er septembre 1994, sur le futur tracé de la RN 12, une fouille archéologique de sauvetage a débuté et s’est poursuivie pendant l’année 1995 sur le site de l’agglomération antique de Diodurum à Jouars-Pontchartrain. La surface explorée totalise 4 ha (fig. 1). L’emprise routière traverse de part en part le site antique, offrant ainsi l’opportunité d’observer le cœur historique de la cité et les secteurs suburbains.

Fig. 1 – Vue d'ensemble de la voirie romaine et de l'habitat

Fig. 1 – Vue d'ensemble de la voirie romaine et de l'habitat

Cliché : Afan.

2Les niveaux d’occupation antiques dégagés (habitations, voiries, vestiges de parcellaires urbains et ruraux, traces d’activités artisanales...), présentent un état de conservation rare en milieu rural. L’épaisseur de la stratification atteint en effet par endroit plus de 3 m.

Fig. 2 – Séchoir du iiie s. avec son canal de chauffe

Fig. 2 – Séchoir du iiie s. avec son canal de chauffe

Cliché : L. Petit (Afan).

3L’un des apports majeurs de la fouille est la mise en évidence de niveaux d’occupation du Bas-Empire. Pour cette période, les vestiges sont par endroit conservés de manière exceptionnelle (sols, foyers, cheminées, parois implantées contre des murs plus anciens et constituées de matériaux de récupération, traces de sablières basses...). Le matériel céramique (Argone, céramique « granuleuse », sigillée africaine) et les espèces monétaires confirment bien cette phase d’occupation.

4En outre, certains secteurs attestent d’une occupation humaine conséquente au cours des siècles suivants (vie-xe s.).

5On signalera aussi la découverte de l’ancien lit de la Mauldre, rivière qui traverse encore aujourd’hui le site. Dans l’Antiquité, son cours tardif circulait au milieu de l’agglomération légèrement plus à l’est que son lit actuel. Plusieurs sondages ont montré la conservation d’aménagements de bords de berges, et surtout de chenaux artificiels ou naturels inconnus jusqu’à présent, sur une largeur de 150 m environ.

6Le lit majeur, visiblement déjà en grande partie comblé lors du développement de l’agglomération gallo-romaine, est scellé par des îlots urbains et sa profondeur est supérieure à 4 m. Ce milieu en contexte humide a permis la conservation exceptionnelle de restes organiques (végétaux, bois, pollens...) permettant une étude de l’évolution du paysage de la vallée en accord avec l’occupation humaine et l’évolution urbaine.

7Les zones péri-urbaines abordées se sont révélées en définitive plus riches et complexes que ce que laissaient deviner les sondages de diagnostic (la zone la plus stratifiée se situe le long de l’antique voie Paris–Dreux). De nombreuses activités artisanales y sont attestées (four de potiers, métallurgie, ainsi qu’un important four à chaux actuellement en cours de fouille). Elles recèlent aussi de très nombreuses structures en creux (fosses, aires d’occupation et vestiges de parcellaires) qui datent, pour la période gallo-romaine, de la première moitié du ier s. apr. J.-C., mais aussi des témoins d’une occupation plus ancienne (La Tène finale) et quelques traces médiévales (vestiges de plantations, tracés parcellaires, chemin...).

Premiers résultats

8D’ores et déjà, on peut estimer que le site a bénéficié d’une occupation ininterrompue depuis, au moins, le milieu du ier s. av. J.-C. Les ruines de la Ferme d’lthe, encore présents sur le site sont en fait les derniers témoins de cette longue occupation.

9L’agglomération se développe de part et d’autre de la voie principale (Paris–Dreux) qui la traverse d’est en ouest. Les données apportées par des vues aériennes prises en 1975, laissaient entrevoir une disposition plus ou moins « orthonormée » du réseau viaire, ce qu’a confirmé la fouille. Ce tracé urbain (fig. 3) est toutefois tardif (première moitié du iiie s.). Quelques sondages ont montré qu’il a remplacé un schéma plus ancien (Haut-Empire), qui présentait une orientation légèrement différente. Cette dernière séquence d’aménagement urbain est caractérisée aussi par des édifices en pierres (meulière), alors que les bâtiments précédents présentaient des modes de construction plus simples (bois et torchis ou pisé, solins de pierre, sols d’argile...).

Fig. 3 – Plan de la zone 3

Fig. 3 – Plan de la zone 3

Le cœur de l’agglomération, l’habitat tardif

10Les premiers niveaux dégagés (fin du ive-ve s. apr. J.-C.) se situent sous un dépôt d’inondation épais d’une trentaine de centimètres (ce niveau venait buter contre le radier de la voie dégagée dans la zone 2, ce qui peut expliquer la continuité de son utilisation ; elle forme en fait une forme de « digue » hors eau). Ils se présentent pour certains sous forme de lambeaux de sols construits, constitués de petits radiers de pierres ou de fragments de tegulae ou rechargés de chapes de limon jaune. Il s’agit d’habitations à plusieurs pièces présentant sans conteste un caractère urbain. La continuité avec les occupations antérieures ne fait aucun doute est attestée stratigraphiquement.

11Ces vestiges de sols sont limités par des négatifs de cloisons, matérialisées par des alignements de fragments de tegulae et/ou de pierres, qui dessinent très nettement les espaces des pièces d’environ 15 à 20 m2 de surface. Foyers ou cheminées s’y répartissent. Certaines cloisons s’appuient ou reprennent, de manière beaucoup plus sommaire, des fragments de murs appartenant à des édifices plus anciens en partie détruits ou récupérés.

12Cet ensemble de niveaux est très finement stratifié et constitué de couches plus ou moins homogènes de couleur cendre-noir. Cette occupation se développe de part et d’autre d’une voirie orientée nord-sud. Sur son radier se remarquent des zones d’épandage de matériel osseux, situées juste à l’aplomb des habitats. Il est très vraisemblable qu’il s’agit des rejets culinaires liés à l’occupation de ces espaces habités.

13Enfin, tous ces niveaux livrent en plus d’un matériel céramique très diversifié, de petites espèces monétaires tardives en abondance – Valens (364/378), Valentinien I et II (364/375-375/392), Arcadius, Honorius ou Théodose (388/402) – qui confortent chronologiquement cette période d’occupation.

14De manière générale, ce secteur central de l’agglomération présente pour la période antique une stratigraphie complexe, dense et épaisse. Il faut aussi y signaler la présence de sols d’occupation, de fosses et de fossés situés au contact du substrat qui livrent du matériel précoce (augustéen). Plusieurs monnaies gauloises (bronzes coulés) proviennent également de ce niveau.

Un espace de sanctuaire et d’édifices associés

15À l’ouest du cours actuel de la rivière (fig. 4), la fouille a permis de dégager un ensemble d’édifices cultuels, dont en particulier un fanum de tradition gauloise (plan carré et galerie). Les niveaux de sol sont préservés et sont en partie recouverts par les niveaux résiduels de destruction des toitures. Le socle situé au centre de la cella est conservé. Plusieurs états sont attestés par un sondage.

Fig. 4 – Plan de la zone 2

Fig. 4 – Plan de la zone 2

Détail des structures dégagées : 1, fanum ; 2, bâtiments du péribole (?) ; 3, bassin réutilisé en chapelle funéraire (haut Moyen Âge).

16Ce temple est relié par une petite allée empierrée à d’autres édifices situés vers l’est et qui peuvent soit appartenir au péribole du sanctuaire, soit à un second édifice cultuel situé au niveau du cours actuel de la rivière. En effet, une seconde allée borde ces bâtiments, qui de ce fait pourraient dessiner les limites d’un autre espace sanctuarisé plus à l’ouest. L’axe de passage laisse imaginer aussi un développement du complexe vers le sud.

17Ces bâtiments, à la différence du fanum, sont construits en petit appareil de calcaire blanc. Les niveaux de sols sont conservés et réalisés en chapes de calcaire. De très nombreux fragments sculptés (statuaire) proviennent des niveaux de destruction de ces édifices. On observe de très nombreux remaniements de construction, indiquant des phases d’occupation complexes de tous ces espaces, en particulier – et à nouveau – des vestiges de réoccupations tardives (ive s. en particulier, mérovingienne et carolingienne).

18L’étude céramique engagée sur les niveaux archéologiques de ce secteur devrait permettre prochainement de fixer avec précision les étapes de fonctionnement et d’utilisation de ce complexe.

19On signalera pour terminer le dégagement d’un petit édifice de plan carré en bordure de la voie qui coupe la zone du nord au sud. Ce bâtiment est certainement à intégrer à l’espace du sanctuaire, comme la petite voirie qui se greffe perpendiculairement à l’axe principal (le fanum s’oriente d’ailleurs selon le même axe).

20Très remanié, il a été transformé en petite chapelle funéraire au cours du haut Moyen Âge (viie-xe s.). Une sépulture à coffre qui remploie un fond de sarcophage comme couvercle y est en effet installée. Plusieurs aménagements complexes sont actuellement en cours de fouille dans cet espace.

21La présence de traces d’occupation de ces périodes est aussi attestée à plusieurs autres endroits du site (bâtiments sur poteaux). En particulier dans l’espace cultuel, plusieurs sépultures ont été dégagées qui recoupent le niveau de destructions antiques. Il n’est pas improbable qu’il y ait eu une continuité de l’occupation du site du sanctuaire antique à la période chrétienne.

Conclusion

22Sur le plan scientifique, ce site est d’un intérêt majeur en raison de la conservation sur une grande superficie de niveaux antiques d’occupation qui vont au moins du ier s. av. J.-C. au ve s. apr. J.-C. À l’échelle régionale, un tel site est une opportunité sans précédent pour connaître les modalités de la romanisation des campagnes, au moins dans cette partie des Yvelines. Ce sont aussi, plus généralement, des données apportées à la connaissance des agglomérations secondaires antiques et à l’occupation de ces sites au Bas-Empire et haut Moyen Âge.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Vue d'ensemble de la voirie romaine et de l'habitat
Crédits Cliché : Afan.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/168317/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 910k
Titre Fig. 2 – Séchoir du iiie s. avec son canal de chauffe
Crédits Cliché : L. Petit (Afan).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/168317/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 369k
Titre Fig. 3 – Plan de la zone 3
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/168317/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 248k
Titre Fig. 4 – Plan de la zone 2
Légende Détail des structures dégagées : 1, fanum ; 2, bâtiments du péribole (?) ; 3, bassin réutilisé en chapelle funéraire (haut Moyen Âge).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/168317/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 389k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Blin, « Jouars-Pontchartrain – Ferme d’Ithe, déviation RN 12 » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Île-de-France, mis en ligne le 18 juillet 2024, consulté le 15 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/168317

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Olivier Blin

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