Présentation de l’intervention

Cadre de l’intervention

1Le contexte technique de cette opération a été évoqué l’an dernier dans le cadre de ces notices. Le tracé de la Francilienne s’étend sur 25 km de long et totalise une superficie de 300 ha. La procédure archéologique adoptée se décompose en trois phases : diagnostic (réalisation de tranchées de sondages sur l’ensemble du tracé, évaluation (ouverture de fenêtres autour des concentrations archéologiques), fouilles éventuelles.

2La gestion des travaux, tant scientifique que technique, bénéficie de l’utilisation d’un système d’information géographique (SIG) réalisé dans le cadre de la carte archéologique. Cette carte archéologique informatisée constitue un substrat permettant de consulter le contexte archéologique des interventions de sauvetage. Conjointement à l’opération, une étude sur le parcellaire traversé par la Francilienne est réalisée par Julien Feuille dans le cadre de sa maîtrise.

Résultats 1995-début 1996

3Au cours de l’année 1995, les travaux d’évaluation se sont poursuivis au rythme du calendrier des travaux de l’aménageur. Les secteurs aujourd’hui sondés représentent environ les deux tiers de la superficie totale du projet, lesquels correspondent essentiellement aux ouvrages d’art situés entre les communes de Villiers-Adam et Fontenay-en-Parisis et à la section routière située entre Mareil-en-France et Fontenay-en-Parisis.

4D’est en ouest, à la date du 1^er mars 1996, les sondages ont révélé ou confirmé l’existence de douze sites menacés par les travaux routiers. Parmi ceux-ci, trois sites ont fait l’objet d’une clause prévoyant un budget particulier, neuf ont été traités directement dans l’enveloppe diagnostic, mais compte-tenu de leur importance, trois de ces derniers devront faire l’objet d’un avenant à la convention.

5Ces premiers travaux archéologiques livrent déjà une première moisson d’informations. En tout premier lieu la confrontation de nos travaux de terrain avec la carte archéologique indique que l’inégale répartition des sites recensés est fictive et ne doit son existence qu’à l’important travail mené par la JPGF sur le Pays de France. Les sondages réalisés sur le tronçon RN 184–La Croix Verte ont révélé l’existence de trois nouveaux sites qui rééquilibre la répartition des sites sur le tracé.

6Le recours aux sondages systématiques nous permet de recenser un grand nombre de vestiges qui participent à la structuration du paysage à travers les temps. Fossés de parcellaire et chemins constituent bien entendu l’essentiel de cette documentation, ils font l’objet d’une attention particulière tant du point de vue de l’observation que de la précision de leur relevé. En dehors de ce corpus devenu classique, nos travaux menés sur la commune de Fontenay-en-Parisis aux lieux-dits Champ Feu Gauthier et La Justice (respectivement n^os 10 et 11, fig. 1) ont permis d’étudier des dépôts intentionnels de céramique gallo-romaine associés à des éléments qui organisent le paysage, tel que des fossés de parcellaire ou de vastes fosses d’extraction. Les sondages ont permis de préciser que ces ensembles céramiques n’étaient pas immédiatement localisés sur des lieux d’habitat. À travers ce type de découvertes nous voyons là une porte pour aborder les limites domaniales.

7Ces sondages sont aussi une opportunité d’approcher des structures qui participent à l’économie rurale et à la réalité de l’occupation d’un terroir, sans pour autant être des sites d’habitat. Parmi celles-ci, nous avons pu enregistrer un grand nombre de fosses d’environ 4 à 5 m de diamètre sur 5 m de profondeur. Certaines d’entre elles ont pu être datées de La Tène finale, de l’Antiquité, du haut Moyen Âge et de l’époque moderne. D’un point de vue morphologique, rien ne les distingue ; elles sont essentiellement pratiquées dans les limons du plateau mais cependant quelques-unes entament aussi le substrat calcaire situé en-dessous.

8Enfin nos travaux ont livré des résultats pour presque toutes les grandes phases chronologiques. Pour le Paléolithique, bien que de nombreuses prospections de surfaces attestent la présence de mobilier lithique à proximité du tracé, sur les communes de Fontenay-en-Parisis et de Villiers-Adam aucun site n’a a encore été exploré. Cependant, les études des formations quaternaires de Vincent Krier et Jean-Jacques Bahain ont permis de recenser plusieurs secteurs potentiellement intéressants pour cette période qui n’ont pas encore été tous sondés. Parmi ceux-ci, l’échangeur de Villiers-Adam a révélé la présence d’une séquence sédimentaire extrêmement intéressante pour cette discipline, mais celle-ci n’a livré que deux silex en situation stratigraphique.

9La période de l’âge du Fer, encore relativement mal explorée sur le Val-d’Oise, est représentée par un petit ensemble de La Tène ancienne découvert sur la commune de Baillet-en-France au lieu-dit La Voirie du Cercelet. Ce site constitué par l’association de quelques greniers et silos pourrait correspondre à la périphérie d’un site d’habitat situé hors emprise. Plus conséquentes sont les découvertes de la fin de La Tène moyenne et de La Tène finale qui ont été effectuées sur le site de La Lampe / La Couture à Fontenay-en-Parisis. Ces dernières, en cours d’études, pourraient être liées à un habitat groupé.

10Les sites de l’Antiquité, très bien représentés dans le recensement de la carte archéologique, n’ont pas donné lieu à de grandes fouilles. Le tracé routier perturbe la périphérie de cinq sites antiques mais épargne leur centre d’habitation. Ainsi même le site de La Lampe–La Couture, qui a livré une importante quantité de mobilier, n’est en fait que la cour d’un établissement dont le centre semble se situer dans un talweg limitrophe aux travaux de la LCR.

11Pour le haut Moyen Âge, les découvertes sont nombreuses et scientifiquement importantes. Ainsi les travaux menés sur les deux villages mérovingien et carolingien de Villiers-le-sec, La Place de la Ville, et de Baillet-en-Franc, La Vieille Église, confirment au-delà de toute espérance l’importance accordée depuis plusieurs années à ces sites. Parallèlement, la découverte de vestiges ténus pour cette même période en d’autres points du tracé permet d’aborder aussi les caractéristiques d’occupation plus isolée.

12Pour les périodes médiévale et moderne, les travaux sur l’échangeur du Fayel (commune de Villiers-Adam) ont permis de retrouver deux bâtiments présents sur les plans d’intendance, l’un d’eux correspond à une vaste grange. La fouille a précisé que le site est occupé avec discontinuité du xiv^e s. au xix^e s. Quelques éléments plus anciens, gallo-romains et xii^e s., ont été retrouvés par ailleurs sur la zone décapée. Ce site fera l’objet d’une évaluation en 1996.

F. S., F. G.

Étude parcellaire

13Depuis octobre 1995 s’est engagée une étude parcellaire portant sur le territoire des dix communes traversées. L’objectif est de repérer, dans l’organisation spatiale actuelle, les axes ou plus généralement les formes qui témoignent d’un ordonnancement passé du paysage, immédiatement lisible ou fossilisé, d’après la méthode mise au point par Gérard Chouquer.

14Dans notre cas, c’est le cadastre napoléonien qui a été choisi, tant pour sa précision que pour sa relative ancienneté. Celui-ci, une fois réduit et assemblé au 1/5000^e, ce pour chaque commune, a été digitalisé à l’aide d’un SIG (Max Map). Ce processus prend en compte les réseaux, routiers ou hydrologiques, la microtoponymie et les masses parcellaires (ensemble réunissant les parcelles de tailles et de directions équivalentes). L’ensemble autorise une utilisation aisée des données qui permet, par exemple, la multiplication des recherches par orientation (exprimées selon un angle en degrés).

15L’orientation 35°-45°, souligne un contraste de part et d’autre de l’axe de la RN 1 et l’isolement relatif de la commune de Louvres, à l’est du tracé. Ces anomalies semblent révéler une opposition topographique : paysage de plateau en Pays de France, pour la partie est, paysage valloné pour la partie ouest ainsi que pour Louvres dont la vallée s’oriente nord-est – sud-ouest.

J. F.