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1993
94 – Val-de-Marne

Ivry-sur-Seine – Place Parmentier, îlot 2

Sauvetage urgent (1993)
Responsable d’opération : Philippe Andrieux

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Département du Val-de-Marne

Texte intégral

Les périodes médiévale et moderne

La chapelle

Rappels historiques

1Elle est mentionnée pour la première fois dans un texte de 1155 (transaction entre l’abbé de Marmoutier et le prieur de Notre-Dame-des-Champs), une deuxième fois en 1250 (pouillé), une troisième en 1352 (compte) et une quatrième le 15 février 1466 (relation par l’archidiacre Josas de sa visite à Ivry). À partir de 1655, on rebâtit l’église qui sera bénie en 1666, puis rénovée une dernière fois en 1780. À la Révolution, elle sera transformée en grenier à grains. Les dernières ruines disparaîtront en 1864.

La légende de saint Frambour

2L’orthographe « Frambour » est attestée lors des xviiie et xixe s., pour ce qui concerne le quartier d’Ivry et son bâti.

3Frambour faisait partie de la cour de Childebert au vie s. apr. J.-C. Lassé des fastes de la cour, il s’enfuit pour aller vivre en ermite et vint se réfugier dans une grotte, derrière une « citerne », située à Ivry. Son père partit le chercher. Lorsqu’il arriva devant la citerne, l’eau se mit à jaillir sous l’effet d’une intervention divine, dissimulant Frambour sans le noyer. Frambour échappa aux recherches et entra dans les ordres à Orléans, puis fonda un ermitage à Javron en Mayenne. Il mourut au Mans en 570. On l’invoquait pour soigner, entre autres, les maux de dents et bon nombre d’infirmités. L’emplacement de la grotte miraculeuse devint très vite sacré et le culte s’organisa autour d’une petite chapelle qui donna son nom au quartier.

Les fouilles

4La chapelle détruite entre 1832 et 1864 était orientée sud-est – nord-ouest et mesurait environ 16 m de long. Elle était formée d’une nef d’environ 6 m de large, prolongée au sud par un chœur à trois pans coupés. À l’ouest de la nef était accolé un bas-côté d’environ 3 m de large.

5À l’extrémité sud de la chapelle, on remarque une construction quadrangulaire pouvant correspondre à une cuve (1,95 m de côté et 0,98 m de profondeur) commémorant la citerne évoquée dans la légende de saint Frambour. Elle est construite essentiellement en matériaux de réemploi et a été transformée en latrines à la Révolution.

6Une fosse contenant des fragments d’enduits peints en grande quantité a été mise au jour, elle résulte de la destruction de l’enduit couvrant les murs intérieurs du bas-côté. La chapelle moderne reprend les fondations de la chapelle médiévale, à l’exception du chœur, anciennement à chevet plat. Aucune inhumation n’a été découverte dans la chapelle à l’exception d’un squelette humain trouvé dans une fosse dépotoir au niveau du bas-côté.

La nécropole

7Une nécropole médiévale a été mise au jour à l’extérieur de l’enclos de la chapelle. Elle est caractérisée par une occupation dense sur une surface restreinte, les sépultures se répartissant sur au moins deux niveaux.

8Plus de 70 sépultures ont été découvertes et fouillées, elles sont en pleine terre ou en coffrages de pierre ou de plâtre. Pour ces dernières, le plâtre couvre les parois verticales et parfois le fond des fosses. Il a été coulé ou enduit « à la main » le long des parois.

9Il existe deux orientations possibles : les squelettes ont la tête à l’ouest et les pieds à l’est, ou la tête au nord et les pieds au sud.

10Cette nécropole comprenait presqu’exclusivement des enfants en bas-âge et des adolescents. Les premières sépultures datent de l’époque mérovingienne, mais le cimetière a été en activité au moins jusqu’à la fin du bas Moyen Âge. Les sépultures ont livré peu de matériel métallique hormis une fibule discoïde et une plaque-boucle pouvant dater de la période mérovingienne. En revanche, elles ont livré un bon nombre de céramiques funéraires datant des ixe-xie s. Celles-ci ont la particularité d’être faites dans des fonds de poteries volontairement décalottées ayant, dans certains cas, fourni des charbons de bois. La quasi-totalité des sépultures a été creusée dans et à côté de massifs maçonnés gallo-romains.

Les autres éléments

11Le bas Moyen Âge est également représenté par un remblai de 1 m d’épaisseur en moyenne.

12En dehors de la nécropole, l’occupation mérovingienne n’est attestée que par quelques tessons résiduels.

13En revanche, la période carolingienne est bien représentée. Au nord-ouest un ensemble de silos et de fosses, ainsi qu’un grand four culinaire, montrent une occupation de type péri-urbain. Sous le chœur de la chapelle, nous avons constaté la présence de fours domestiques et d’une structure possédant au moins quatre trous de poteau.

Fig. 1 – Plan aux époques médiévale et moderne

Fig. 1 – Plan aux époques médiévale et moderne

La période gallo-romaine

14Elle est essentiellement représentée par un ou plusieurs bâtiments dont ne subsiste qu’une partie des fondations. Il s’agit de massifs maçonnés composés de blocs calcaires liés par un mortier jaune. Les lambeaux conservés sont orientés sud-est – nord-ouest (notons que la chapelle est orientée suivant le même axe). Malgré son état fragmentaire, on peut restituer un grand bâtiment rectangulaire mesurant au minimum 25 m sur environ 11 m.

15Dans l’angle nord-est du bâtiment, nous avons mis au jour le fond d’une structure rectangulaire construite en mortier de tuileau de type hydraulique, pouvant correspondre à un bassin. Dans l’angle sud-est du bâtiment, trois marches permettaient d’accéder à une pièce partiellement recouverte de dalles en calcaire très fin. Elle a été réaménagée à plusieurs reprises et dans son dernier état, détruite par un incendie. Dans la partie sud-ouest du bâtiment les murs ont été volontairement et systématiquement recoupés par les sépultures. Ailleurs, le bâtiment a été démoli, parfois jusqu’aux fondations, et les gravats jetés dans de grandes fosses. Le matériel qui en provient est pour l’essentiel attribuable au Bas-Empire.

16L’organisation du bâtiment, la présence de marbre, de mortier peint, d’un élément d’architecture et la volonté d’installer la nécropole chrétienne à cet endroit nous ont amené à émettre l’hypothèse d’un sanctuaire païen pré­existant, très probablement détruit à la fin de l’époque romaine ou au début de l’époque mérovingienne.

La période protohistorique

17L’occupation protohistorique est attestée sur l’ensemble du site sous forme de tessons céramiques résiduels, mais c’est à l’est qu’elle est le mieux représentée. En effet, un grand fossé a été mis au jour sous les remblais médiévaux. Creusé pour sa partie haute dans un remblai protohistorique et pour sa partie basse dans le calcaire de Brie, il possède un profil en V et mesure 3 m de large pour une profondeur de 2,50 m. Il est orienté sud-est – nord-ouest. Au nord, il se prolonge hors de la fouille tandis qu’au sud il forme un angle et prend une orientation est-ouest sur plusieurs mètres (en partie détruit par des caves modernes, profondes). De par sa configuration et le matériel livré (pour l’essentiel de la faune et quelques tessons très érodés), on peut dater ce fossé du second âge du Fer. Il a connu plusieurs phases de comblement et, après son abandon, une occupation également datée du second âge du Fer est venue le recouvrir. L’intérieur de l’enclos n’a livré aucune structure d’habitat, bien que les remblais protohistoriques ne semblent pas avoir été perturbés.

18Le matériel céramique résiduel comporte un fort pourcentage d’éléments du second âge du Fer, mais également quelques tessons plus anciens actuellement attribuables au Néolithique ou au début de l’âge du Bronze.

Fig. 2 – Plan aux époques préhistorique et gallo-romaine

Fig. 2 – Plan aux époques préhistorique et gallo-romaine

Synthèse

19Dans l’état actuel de nos recherches (avant étude), nous avons remarqué une continuité de l’occupation humaine depuis l’époque gauloise jusqu’au xixe s. Celle-ci semble liée à la présence proche d’une source ou d’une résurgence.

20Dans un premier temps, se met en place un grand fossé quadrangulaire dont la fonction reste à définir. Dans un deuxième temps, à l’intérieur de l’enclos, viennent s’installer un ou plusieurs bâtiments gallo-romains. Ils sont détruits à la fin de l’époque romaine ou au début de l’époque mérovingienne, sans doute en raison de l’apparition du christianisme. Toutefois les ruines semblent posséder un caractère sacré, ce qui expliquerait l’implantation de la nécropole à cet endroit. Au vie s., la christianisation du lieu est ancrée grâce à la légende de saint Frambour et dès les débuts du bas Moyen Âge elle est concrétisée par l’édification d’une chapelle.

21Le caractère inhabituel de l’occupation protohistorique, l’implantation des bâtiments gallo-romains, la présence d’une nécropole et d’une chapelle ont attiré notre attention. De plus, il faut noter que les processions à « l’eau miraculeuse » constituaient l’activité principale du sanctuaire chrétien et qu’elles se sont maintenues jusqu’au xixe s. Tous ces éléments peuvent suggérer l’hypothèse d’un culte païen de l’eau, d’origine gauloise, romanisé, puis christianisé, bien qu’actuellement la présence d’ex-voto ou de dédicace ne soit pas attestée.

22En tout état de cause, toute conclusion reste subordonnée aux études post-fouilles actuellement en cours.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Plan aux époques médiévale et moderne
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/170570/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 515k
Titre Fig. 2 – Plan aux époques préhistorique et gallo-romaine
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/170570/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 315k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Philippe Andrieux, « Ivry-sur-Seine – Place Parmentier, îlot 2 » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Île-de-France, mis en ligne le 21 novembre 2024, consulté le 18 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/170570

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Auteur

Philippe Andrieux

Laboratoire départemental d’archéologie du Val-de-Marne

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Responsable d’opération

Philippe Andrieux

Laboratoire départemental d’archéologie du Val-de-Marne

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