Marolles-sur-Seine – Le Grand Canton et le Chemin de Sens
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Année de l'opération :
1994Sujets :
établissement rural, nécropole, sépulture, sépulture à incinération, silo, grenier, foyer, stucture à pierres chauffées, cellier, industrie lithique, outil, récipient (forme), parureChronologie :
Préhistoire, Paléolithique, Paléolithique supérieur, cultures préhistoriques, Cultures paléolithiques, cultures du Paléolithique récent, Magdalénien, Néolithique, Néolithique ancien, Néolithique moyen, Protohistoire, âge du Bronze, Bronze final, âge du Fer, Second âge du Fer, Antiquité, Antiquité gréco-romaine, Antiquité romaine, époque médiévale, Haut Moyen ÂgeNature de l'opération :
fouille préventiveNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Afan
Texte intégral
1Située dans le secteur d’interfluve, à mi-chemin entre l’Yonne et la Seine, la carrière de la Compagnie des Sablières de la Seine à Marolles-sur-Seine, aux lieux-dits le Grand Canton sud (abrégé en LGCs) et le Chemin de Sens (abrégé en CDS), s’inscrit dans un programme d’extraction de granulats sur une superficie d’environ 110 ha. La première tranche destinée à l’exploitation a fait l’objet d’une importante opération archéologique en 1994, sur une emprise de l’ordre de 12 ha, partiellement assortie d’un mode de financement particulier vis à vis de la convention Bassée.
2Le décapage intégral de ce secteur a permis de mettre en évidence près d’un millier de structures et assemblages d’artefacts appartenant à neuf grandes phases d’occupation échelonnées depuis le Paléolithique supérieur jusqu’à la fin de l’Antiquité tardive. Le substrat, spécifique à ce secteur de la vallée, constitué d’une épaisse couverture limoneuse affectée par une importante pédogénèse et par des phénomènes d’érosion mal maîtrisés, appartient aux alluvions de l’Yonne.
3Le Paléolithique supérieur (fouille et étude L. Lang) est attesté par les témoins fortement érodés d’une occupation mise au jour au sein d’une étroite portion de paléochenal sur environ 50 m2 (secteur CDS). Les vestiges se composent d’environ 2 000 pièces lithiques, dont 35 outils, de pierres chauffées (éléments de foyers) et d’une dizaine de fragments osseux. Les techniques et modalités de débitage permettent de rattacher l’industrie au Magdalénien, en dépit de l’absence surprenante de lamelle à dos au sein de l’outillage et de la faible représentation des perçoirs et becs.
4Le Néolithique ancien (fouille et étude A. Augereau) était représenté par cinq unités d’habitation de type danubien (une sur le secteur LGCs et quatre sur le secteur CDS) orientées, comme à l’habitude, est-ouest, ainsi que par quatre inhumations. Sur CDS, l’unité M1, représentée essentiellement par ses fosses nord et sud et datée provisoirement d’une étape moyenne du VSG, se singularise par la présence de vestiges originaux. Dans la fosse sud, le matériel, particulièrement abondant, était surtout concentré dans un sédiment noir, riche en matière organique (litière ? fumier ?) dont le tamisage a révélé de nombreux restes de poissons. L’autre particularité de cette unité réside dans la présence d’une collection de parures en coquillage (dentales, turritelle, cérithe, coquilles de cardium perforées…) et de plus de 150 ébauches de perles en calcaire ou test de spondyle dont certaines contenues dans un fragment de poterie et disposées en rouleaux, comme prises dans des enveloppes en matière périssable. L’industrie lithique associée, très particulière, pourrait rentrer dans la chaîne de fabrication de ces perles : très nombreux perçoirs, fragments de grès rainurés. L’une des sépultures, située dans le secteur ouest du décapage, renfermait un défunt en position repliée, qui portait un collier de perles en calcaire ou test de spondyle, de forme circulaire.
Fig. 2 – Unité d’habitation M1 (Néolithique ancien)

1 et 2, grès rainurés ; 3, dépôts d’ébauches de perles en calcaire dans un fond de céramique ; 4, perles rangées en rouleau.
5En ce qui concerne le Néolithique moyen (fouille et étude A. Augereau), une petite fosse, de plan circulaire, a livré un lot d’au moins dix vases dont les formes et les décors (poinçonné, peigne, motifs de triangles…) situeraient l’ensemble dans le faciès éponyme de la culture de Cerny. Une nappe d’épandage, au sud-ouest, présentait également des tessons rattachés à cet horizon ainsi que de très nombreux tranchets. Enfin, une dépression d’environ 4 m2, contenait trois vases sub-complets, dont un vase cylindrique à carène basse qui évoque clairement le Chasséen septentrional dans son étape ancienne.
6Au Bronze final I-IIa est créée une petite nécropole constituée de deux groupes de sépultures localisés chacun sur les points les plus hauts du site (fouille et étude en collaboration avec R. Peake). La nécropole sud (secteur CDS) comportait seize incinérations dont deux munies de dispositifs de coffrage et/ou calage de l’urne funéraire. La nécropole nord (secteur LGCs) comportait, elle, dix incinérations et deux inhumations très mal conservées. Une certaine variabilité des dépôts funéraires se traduit dans leur composition (de un à quatre vases) et leur agencement (dépôt des cendres dans ou hors d’un vase). Deux enclos étaient associés au groupe nord : petit enclos circulaire à une entrée et enclos ovale qui peut suggérer une pérennité d’utilisation ou une réoccupation de la nécropole au Bronze final IIIb–Hallstatt ancien.
7Il a été possible d’observer quelques fosses d’extraction dispersées attribuables au Bronze final IIIb–Hallstatt ancien (LGCs et CDS), situées de part et d’autre de la nécropole ainsi qu’une batterie de silos, localisée au point le plus haut du secteur LGCs, à placer, elle, dans un horizon Hallstatt final–La Tène ancienne, l’un des silos ayant livré une sépulture de relégation.
8Deux ensembles ruraux de la fin de l’âge du Fer d’un type original ont pu être étudiés. Dans la partie sud de l’emprise (CDS), il s’agit d’un enclos en forme de « U » ouvert à l’ouest, à branches rectilignes, de 0,65 ha de superficie. Le fossé, large, était doublé d’un talus interne. Les seuls aménagements observés à l’intérieur sont un bâtiment central mutilé par les constructions postérieures et un grenier à six poteaux situé dans l’angle nord-est. Le mobilier du bâtiment central suggère une attribution à La Tène C2/D1.
9Dans la partie nord (LGCs) et à 125 m du précédent, un enclos comparable délimité par un modeste fossé doublé d’un talus interne et muni d’une entrée secondaire à l’est, a pu être partiellement fouillé. Les installations internes sont limitées à deux ou trois bâtiments à quatre poteaux, un foyer et quelques fosses. Le mobilier montre une implantation dès La Tène C1/C2. Un nouvel enclos, probablement fermé, plus vaste et au fossé plus important toujours doublé d’un talus, est créé, sans doute à La Tène D1, à l’emplacement du précédent. Cette transformation de l’habitat s’accompagne d’une extension de l’aire occupée. Des aménagements internes (bâtiments à quatre poteaux, puits, fosses), on retiendra surtout un puits qui a livré des céréales carbonisées et un abondant mobilier céramique. L’occupation semble se prolonger au moins jusque vers le milieu du ier s. av. J.-C. et, après abandon, quelques structures de combustion sont aménagées dans le remplissage du fossé dans la première moitié du ier s. apr. J.-C.
10C’est à cette époque qu’est fondé l’établissement rural gallo-romain (fouille et étude en collaboration avec N. Mahé) situé dans la partie sud de l’emprise (CDS). L’un des intérêts de ce site, et non des moindres, est que la totalité de son emprise a pu être étudiée. Il est délimité par un enclos trapézoïdal orienté est-ouest, de plus de 2,3 ha de surface, muni de deux entrées situées au nord et au sud. Les fossés, d’ampleur modeste et localement doublés de tranchées étroites, ont été rapidement comblés (avant la fin du ier s.) sans présenter de traces d’entretien.
11Deux fossés de division interne délimitent des espaces aux fonctions différentes : celui réservé à l’habitat proprement dit, localisé dans la partie nord-ouest de l’enclos, concentre la presque totalité des structures sur un peu plus de 1 ha. Ces fossés ont connu le même sort que ceux qui délimitent le site mais ont été remplacés, dans une phase tardive et sur une partie au moins de leur tracé, par des palissades.
12La structuration de l’espace aux ier et iie s. est mal connue : seul un bâtiment aux fondations épierrées, quelques constructions sur poteaux, un cellier, un dépotoir et quelques fosses dont une contenant un dolium en position primaire sont connus. Un réaménagement de l’espace est envisagé vers le début du iiie s. ou peu avant, caractérisé par la création de grands remblais et par une série de constructions sur solins de graviers à élévation probablement en terre. Une grande cave à structure d’accès et soupirail ainsi qu’un cellier, installés dans l’un de ces bâtiments, seront incendiés respectivement dans la première moitié et vers la fin du iiie s., permettant la conservation d’un mobilier très abondant (vaisselle en céramique fine, en verre et en bronze notamment) ainsi que la découverte de récipients en position primaire (amphores, cruches).
13Aux ive et ve s., de nouveaux bâtiments sont créés, parfois à l’emplacement de constructions antérieures, mais l’architecture est désormais exclusivement sur poteaux calés. Un modèle de bâtiment semble alors s’imposer : il intègre un cellier de petite taille situé au centre ou dans un angle, ou une zone excavée à sol empierré (atelier ?) et lui sont associés, à l’extérieur, des foyers piriformes ou oblongs de fonction indéterminée. L’un des celliers, à escalier d’accès, comportait les négatifs de huit récipients. Plusieurs vastes dépressions sont remblayées à cette époque soit avec des matériaux de construction pour servir d’assise à des bâtiments, soit à l’aide de limons riches en matériaux organiques et sont, dans ce cas, sans doute à relier à une activité de jardinage.
Fig. 3 – Extrémité ouest du bâtiment 9

Cet ensemble illustre l’évolution de l’occupation au cœur de l’habitat antique : sur un remblai du iie s. est installé un cellier avec escalier d’accès et négatifs des emplacements de huit récipients, comblé au ive s. ; vers la fin du ive ou au début du ve s. est construit un bâtiment sur poteaux qui comporte à son extrémité une zone légèrement excavée au sol empierré.
Cliché : CDA Bassée, P. Gouge (SDA Seine-et-Marne).
14La fin du ive et la première moitié du ve s. sont marquées par deux évolutions majeures : d’une part, il est possible que plusieurs unités domestiques aient coexisté et, d’autre part, l’occupation s’étend désormais au-delà des limites de l’enclos, au nord et au sud. Par ailleurs, de nouveaux types d’aménagement font leur apparition : fours domestiques, vaste structure excavée à poteaux porteurs et à foyers internes. Les occupants des lieux semblent alors jouir d’un statut économique privilégié. L’abandon du domaine est à situer dans la seconde moitié ou à la fin du ve s., sinon un peu plus tard, les structures les plus tardives étant un fond de cabane et un four domestique.
15Deux découvertes originales sont enfin à signaler : il s’agit d’une part d’une importante série de dépôts, à vocation probablement rituelle, de canidés installés dans des fosses ou dans des fossés abandonnés, trouvés isolés ou groupés et associés, dans trois cas, au dépôt d’un vase (iie s. à début ive s. ?) ; d’autre part, un dépôt métallique daté du ve s. se composait d’outils agricoles et artisanaux, d’une hache, d’une boucle en fer et de clous, peut-être à relier à une activité métallurgique par ailleurs attestée sur le site.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Plan d’ensemble du gisement |
Crédits | DAO : N. Mahé (CDA Bassée/Afan). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/171663/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 327k |
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Titre | Fig. 2 – Unité d’habitation M1 (Néolithique ancien) |
Légende | 1 et 2, grès rainurés ; 3, dépôts d’ébauches de perles en calcaire dans un fond de céramique ; 4, perles rangées en rouleau. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/171663/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 254k |
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Titre | Fig. 3 – Extrémité ouest du bâtiment 9 |
Légende | Cet ensemble illustre l’évolution de l’occupation au cœur de l’habitat antique : sur un remblai du iie s. est installé un cellier avec escalier d’accès et négatifs des emplacements de huit récipients, comblé au ive s. ; vers la fin du ive ou au début du ve s. est construit un bâtiment sur poteaux qui comporte à son extrémité une zone légèrement excavée au sol empierré. |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/171663/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 424k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Marc Séguier, « Marolles-sur-Seine – Le Grand Canton et le Chemin de Sens » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Île-de-France, mis en ligne le 05 décembre 2024, consulté le 07 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/171663
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