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1994
95 – Val-d’Oise

Beaumont-sur-Oise – Agglomération secondaire gallo-romaine

Diagnostics et sauvetage urgent (1994)
Responsables d'opération : François Gentili, Didier Vermeersch et Éric Yeny
Notice rédigée avec Françoise Jobic, Vincent Krier, Nicole Limondin et Karen Serieyssol

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Département du Val-d’Oise, Afan

Texte intégral

Introduction générale

1L’agglomération secondaire gallo-romaine de Beaumont-sur-Oise commence à être bien connue du fait des découvertes effectuées ces vingt dernières années tant par les chercheurs bénévoles que par les archéologues professionnels (fouilles de sauvetage, fouilles programmées, prospections, étude des photographies aériennes et des diverses cartes, études géologiques et morphologiques). L’année 1994, avec cinq opérations, a livré de nombreuses informations, en particulier sur l’histoire de la rivière et de ses berges.

Fig. 1 – Localisation des opérations archéologiques

Fig. 1 – Localisation des opérations archéologiques

Conditions géomorphologiques de l’implantation du vicus

2L’Oise décrit un certain nombre de courbes entre Boran-sur-Oise, Asnières-sur-Oise, Bruyères-sur-Oise et Beaumont-sur-Oise. Sur cette dernière commune, la rivière présente deux coudes aux lieux-dits Le Machecourt et Les Prés de Thury. La plaine d’inondation du lit majeur, définie par la côte d’altitude de 26,8 m NGF, est nettement moins large sur la rive gauche (300 m) que sur la rive droite (850 m).

3La plaine d’inondation de la rive gauche (fig. 2) est bordée par une terrasse de 1 m de haut, creusée dans les débris de craie du Campagnien limitant un glacis à forte pente (2,5 à 10 %) installé au pied de la butte résiduelle du Tertiaire la plus élevée du département : la forêt de Carnelle (210 m NGF). De celle-ci part un vallon très encaissé : Le Fond de la Blanche Voye dans lequel est installée une villa gallo-romaine sous l’hôpital des Oliviers.

Fig. 2 – Stratigraphie de la plaine d’inondation de l’Oise sur sa rive gauche à la hauteur de Beaumont-sur-Oise

Fig. 2 – Stratigraphie de la plaine d’inondation de l’Oise sur sa rive gauche à la hauteur de Beaumont-sur-Oise

4La voie antique reliant Paris à Beauvais descend en droite ligne du haut de la forêt de Carnelle. Le vicus gallo-romain de Beaumont-sur-Oise, construit sur l’axe de cette voie antique, est installé au pied du glacis crayeux et en limite de la terrasse bordant le lit majeur de l’Oise.

5Les deux coudes de l’Oise (Le Machecourt et Les Prés de Thury) qui encadrent la plaine d’inondation éloignent le cours de la rivière de la falaise de craie. Entre ces deux coudes, la plaine d’inondation est constituée de bancs latéraux sablo-limoneux sous forme de buttes allongées dans le sens de l’écoulement. L’une d’elle, un peu plus élevée que les autres, se trouve hors d’atteinte des inondations de fréquence décennale. Une zone basse, constituant un bras secondaire de la rivière, sépare cette butte du bord de la terrasse du lit majeur au lieu-dit Les Prés de Thury. Chacun des deux coudes de cette plaine d’inondation présente dans l’axe de leur convexité un léger creusement en bordure de berge. L’un d’eux porte le nom de « port » de Machecourt sur le cadastre napoléonien de 1826. Les formations alluviales de la rive gauche, de leur base (bed-rock situé à 16,5 m NGF) jusqu’à leur sommet, ne présentent que des accumulations fines de sables, limons, argiles et dépôts organiques ou tourbeux. La voie antique traverse au plus court la plaine d’inondation, coupant le bras secondaire de l’Oise et empruntant le banc latéral le plus élevé de cette rive avant de franchir la rivière exactement dans l’axe du coude des Prés de Thury. La voie antique se poursuit vers le nord sur la rive droite selon deux axes divergents, l’un vers Beauvais, l’autre vers Neuilly-en-Thelle, à partir d’un îlot central insubmersible dit Les Ajeux à la limite des communes de Persan et de Bernes-sur-Oise.

6Les fouilles de SP21, du cimetière et de son extension ainsi que de La Blanche Voye – lycée polyvalent touchent le domaine du glacis crayeux. La fouille de La Croix Berthelot-MBI est située exactement sur le bord de la terrasse limitant le lit majeur. Le rescindement de l’Oise concerne le flanc nord du banc latéral sablo-limoneux le plus élevé de la plaine d’inondation, la partie convexe du coude de l’Oise avec son léger creusement en bordure de l’Oise, les berges et le fond du lit mineur de la rivière.

Rappel : organisation de l’agglomération antique

7Implantée ex nihilo, dès le début de notre ère, elle se développe de part et d’autre de la voie antique qui joue le rôle de cardo major, en insulae sur la base de carrés de 82 m de côté, si l’on considère l’axe des rues. Cette base a été mise en évidence par les fouilles de La Blanche Voye – lycée polyvalent (fig. 1, no 5) et confirmée lors des sondages préliminaires à la construction du Garage Cottain (fig. 1, no 6).

8Le cardo major est bordé, pour la période classique, d’au moins une riche construction à l’est (présence de blocs à bossage, de fragments de sculptures, murs importants de 1,50 m de largeur, présence d’un parc (?) …) et peut-être de l’ensemble thermal à l’ouest (fouilles B. Houlbert dans le cimetière, inédites).

9Cette agglomération progresse à partir du cardo major en s’étalant vers l’est et vers l’ouest. Les principaux ateliers de potiers du ier s., situés à la périphérie est de l’agglomération, ont laissé place d’abord à l’édifice de spectacle, puis plus à l’est encore, à un quartier monumental (temple, sanctuaires plus petits, bassin et fontaine). Par la suite, on retrouve les ateliers de potiers à la périphérie ouest de la ville, pour la période fin iie-fin iiie s. Cette restructuration se marque également par l’abandon d’une voie nord-sud limitée par deux fossés, recouverte par le quartier monumental dans la seconde moitié du ier s. Cet abandon a été mis en relation avec la construction du pont et des digues permettant le passage de la rivière et l’abandon du gué et différentes routes y afférant.

10À la sortie de la ville, au sud, le long de la voie (au croisement de la rue de Senlis, de direction est-ouest, et du boulevard Léon Blum – rue Danielle Casanova de direction nord-sud empruntant le passage de l’ancienne voie gallo-romaine) se situe le cimetière antique dont le rôle se poursuit jusqu’à la période mérovingienne.

11Au nord, la ville s’appuie sur un bras de la rivière, aujourd’hui colmaté mais encore visible dans la topographie, et que l’on suppose être le port du vicus. Ce bras a été coupé par une digue sur laquelle passait la voie romaine.

12Les tranchées de diagnostic préliminaire à la construction du garage Cottain ont révélé, dans le cadre général déjà évoqué, la présence de constructions, d’habitations, parfois riches, à proximité de ce bras mais sur la berge de la rivière, et le long d’une rue est-ouest qui pourrait bien être une voie terrestre longeant l’Oise et que l’on retrouve vers l’est dans le chemin de La Blanche Voye, passant près du port de Machecourt. Ces insulae sont bien conservées et ont montré des traces nettes d’occupations au Bas-Empire et à la période mérovingienne. Un peu plus au nord, entre le garage Cottain et le bras fossile de l’Oise, la photo aérienne IGN de 1968 a montré l’existence de constructions attribuables à une villa suburbaine.

Les résultats des différentes opérations en 1994

La Croix Berthelot (fig. 1, no 10)

13Les terrains sur lesquels la société MBI a projeté de construire ses immeubles jouxtent les insulae mises au jour sur les parcelles de la SCI St-Laurent (garage Cottain) et les parcelles dans lesquelles la villa suburbaine a été repérée ; il était fort probable que ces terrains révèlent des structures appartenant à l’agglomération antique. La surface naturelle du site se place entre 28,35 et 27,35 m NGF.

14Il a été décidé, en accord avec le service régional de l’archéologie d’Île-de-France, de faire deux tranchées dans les parties basses.

15La tranchée 1 met en évidence les premières occupations gallo-romaines le long d’un des bras de l’Oise. Effectivement, la berge antique de l’Oise apparaît dans la couche de sable limoneux, de couleur gris noir sur et dans laquelle on trouve de nombreux éclats de silex taillés qui indiquent ainsi une occupation ancienne (protohistorique). Le bras de rivière, en cours de colmatage, montre une période de réactivation importante par le dépôt de bancs de sables grossiers et graviers. Cette couche contient des taches de charbon de bois (planches ?).

16Puis le processus de colmatage se poursuit auquel s’ajoute le remblaiement du lit par la population du vicus. Sur la berge, un remblai de limon argilo-sableux contenant des déchets urbains avec charbons de bois, céramiques, os…, reçoit les premières constructions sur semelles de craie pendant deux phases d’occupation de bâtiments en torchis sur solin de pierres.

17Un nouveau remblai de limon sableux contenant de nombreux charbons de bois, céramiques, os, matière organique, condamne ces bâtiments et participe au remblaiement du cours d’eau. Des niveaux de limon crayeux ou des lentilles de sable jaune interstratifiées indiquent des sols avec ruissellement d’eau pluviale laissant des sédiments fins dans des flaques.

18Vers le nord, on observe toute une série de structures en creux, de type trous de poteau, fossés indiquant une occupation de cette zone peut-être sous forme de champs, pâtures. L’ensemble est condamné par l’étalement d’une couche de craie en petits blocs.

19Sur un remblai postérieur de limon argilo-sableux à granules de craie, contenant des fragments de céramiques, tuiles, pierres, os, vient s’installer toute une série de structures en creux, à fond arrondi dont le fond est souvent tapissé de charbons de bois, et dont le remplissage limoneux est de couleur verdâtre caractéristique. Leur interprétation est pour l’instant différée mais elle est peut-être à mettre en relation avec une cabane en torchis détruite par incendie. Sur le sol de cette cabane, qui semble adossée à un fossé, des poteries de gros gabarit ont été abandonnées ; l’une d’elle, incomplète, comporte de gros trous peu nombreux dans le fond et la panse. Elle rappelle ces vases de taille moyenne percés de quelques gros trous, un dans le fond et trois ou quatre au milieu de panse, et que l’on associe maintenant à l’arboriculture. S’agit-il d’une cabane de jardinier dans des champs reconquis sur un bras envasé et remblayé de la rivière ? Après sa destruction, cette structure voit sa couche de démolition recoupée par un nouveau fossé.

20L’ensemble est de nouveau submergé par la couche de colluvionnement général dans laquelle on retrouve, interstratifiées, les lentilles de sable jaune, marques d’une période d’érosion, de ruissellement et de flaques d’eau sur un niveau de sol.

21Il a été recueilli du mobilier dans la majorité des couches permettant ainsi de donner une première estimation de la chronologie de l’ensemble. Les éclats de silex taillés trouvés sur la berge de limon permettent d’envisager une occupation protohistorique sur les bords de ce bras de l’Oise. Mais aucune céramique antérieure à la période gallo-romaine n’a été mise au jour.

22Toutes les couches du paléochenal ont fourni un minimum de fragments de céramiques ou de tuiles (fragments de tonnelets Gose 340/341, période Auguste-Tibère dans le banc de sable) permettant d’attribuer au début du ier s. les dernières phases d’activité de ce bras.

23L’abandon des bâtiments sur semelle de craie peut être placé dans la seconde moitié du ier s. par la céramique : sigillées de la Gaule du Sud, de la terra nigra dont les types d’assiettes Gose 287/289, des coupelles Gose 303, de la céramique de production beaumontoise précoce mais également des formes en céramique grise de la seconde moitié du ier s. Parmi les tessons les plus récents, des fragments de gobelets sablés à pâte orange à cœur gris datables du milieu du iie s. ont été trouvés sous la démolition de la cabane.

24Rien de plus récent n’a été recueilli, ni dans les fossés postérieurs à la cabane ni dans les couches supérieures, laissant supposer un changement dans le type d’occupation de cette zone dans la seconde moitié du iie s. si bien que l’on n’observe pas de témoins de la fin du Haut-Empire, du Bas-Empire ni de l’époque mérovingienne, périodes pourtant présentes non loin de là, sous le garage Cottain.

La tranchée 2

25Nulle part, dans ce sondage, le lit de rivière n’a été atteint et il semble bien que nous soyons toujours restés sur la berge.

26La berge a été atteinte en toute certitude avec une couche de limon sableux brun où l’on note également la présence d’éclats de silex taillés. Une couche de limon sableux chargé de charbons de bois, céramique, os animaux, pourrait bien être la partie supérieure de cette berge mais déjà fortement marquée par la présence de l’occupation gallo-romaine dont on distingue les traces des premières structures sous formes de semelle de craie.

27À ce premier état peut correspondre une semelle de craie avec emplacements de sablières basses, ou de solin de pierres de grès et pavage de pierres de grès ou de calcaire dur. La construction des murs en torchis est confirmée par la présence de terres argileuses, rubéfiées ou non, démolitions étalées en remblai au nord des constructions avec des rejets urbains.

28D’autres semelles de craie marquent d’autres bâtiments, d’abord réduits, évoluant en décalé les uns sur les autres avant de devenir plus importants.

29Au bâtiment à semelle de craie de l’avant-dernier état est associé un mur de clôture au nord de la tranchée ; construit en silex et pierres de craie liés à l’argile, il ne semble pas survivre à son bâtiment. Une autre phase continue cette série avant l’abandon du site marquée par une couche de tuiles tombées sur le dernier sol.

30Une couche de limon gris mêlé de granules de craie marque la condamnation du site antique et montre diverses perturbations subies par le site après son abandon, sans doute lors d’une remise en culture.

31Comme dans la tranchée 1, outre les éclats de silex taillés recueillis sur la berge en limon sableux brun, aucun artefact n’a permis de préciser la période d’occupation antérieure à l’époque gallo-romaine. De la même façon, et comme sur l’ensemble du site du vicus actuellement connu, aucune céramique, aucun objet, ne permet de faire remonter l’occupation gallo-romaine de beaucoup en-deçà du début de notre ère. Les quatre premières phases d’occupation s’étalent sur environ un siècle : on arrive avec peine à la fin du ier s. ou le tout début du iie s. Les autres niveaux, plus récents n’ont pas livré de tessons suffisamment caractéristiques pour donner des datations précises mais aucune céramique du Bas-Empire n’a été recueillie ni en couche, ni dans les ramassages.

32Les sondages géotechniques montrent que les dépôts alluviaux de 5 m d’épaisseur ne présentent pas de nappe sablo-graveleuse de fond. Ils reposent directement sur un granulat crayeux à une altitude de 22 m NGF. Ces granulats sont alors épais de 3 à 4 m, la craie dure se rencontrant à 19 m NGF ; informations permettant de compléter la stratigraphie générale (fig. 2).

Conclusion de l’opération La Croix Berthelot

Certitude de l’extension de l’agglomération urbaine sous le projet MBI.

33La tranchée 1 comme la tranchée 2 indiquent, sans conteste, la poursuite de l’agglomération urbaine antique jusque sous le projet MBI, et ce, dès le début du ier s., avec de nombreuses phases d’occupations. Cependant, contrairement à ce qui a été observé sous le garage Cottain, il n’y a pas ici, de traces d’occupation tardive. Elle atteste également de l’aménagement du cours de l’Oise à la période antique.

34En effet, la tranchée 1 indique la présence d’un bras de l’Oise, actif au début de notre ère, qui a été remblayé. L’espace ainsi laissé libre a été utilisé vraisemblablement en champs ou jardins, peut-être au profit de la villa suburbaine proche.

35Ces différents aménagements du cours de l’Oise sont à mettre en relation avec un passage de la rivière sur pont et digues tels que nous I’avons déjà envisagé.

L’extension cimetière (fig. 1, no 8)

36Comme ces dernières années, l’activité archéologique à Beaumont-sur-Oise a été liée aux actions universitaires avec l’université américaine de Paris et sociales avec l’opération « Été Chaud » sur un terrain communal appelé à recevoir l’extension du cimetière.

La zone 17 sud

37Les années précédentes, une portion de ce terrain situé à l’ouest de la parcelle avait livré un mur, une série de fours de potier ainsi que des fosses, une trace de tour de la fin du iie et du iiie s., deux puits dont l’un est antérieur aux fours et l’autre attribuable à la même période, et des traces de trous de poteau et de sablière que nous n’avions pu dater.

38La zone de fouille de cette année s’est située au sud de ce premier décapage. Comme prévu, cette zone est apparue érodée jusqu’à la craie pour la plus grande partie de sa surface ; seule une bande de limon remanié était restée en place à la limite de rupture de pente. La fouille a donc porté en majorité sur l’étude de structures en creux. La découverte de structures en creux datées par le mobilier céramique du début de notre ère (augustéen tardif, Tibère pour le commencement, puis Claude pour la fin de cette phase) atteste de la précocité de l’occupation de la partie ouest de l’agglomération antique.

39Si un plan complet d’habitat ne peut être fourni, la présence de traces interprétées comme une palissade reconnue sur une douzaine de mètres, de trous de poteau et de traces de sablière basse, orientées selon le plan d’ensemble suggère des vestiges de constructions auxquelles on peut associer un petit cellier d’environ 1,80 x 1,50 m sur environ 2,20 m de profondeur ainsi qu’une structure ronde de grandes dimensions (diamètre d’environ 3 m pour 2 m de profondeur) que l’on pourrait interpréter comme un silo effondré.

40Également de la même période semble-t-il, deux séries de trois trous de poteau reliés entre eux par une tranchée se rapprochent d’une série semblable fouillée en 1992 et que, faute de possibilité de datation, nous avions rapproché de façon hypothétique aux fours de potiers datés fin iie-fin iiie s.

41Bien que l’ensemble soit orienté dans le système de l’agglomération, le plan, incomplet il est vrai, ne paraît pas être celui d’une insula bien définie ; on peut se poser la question de savoir si nous sommes au sein de l’agglomération proprement dite ou en périphérie, dans des zones d’activités artisanales ou agricoles.

42À l’est de la zone 17, deux fours de potiers de type précoce ont été découverts. Cette découverte remet en cause l’idée d’un « monopole » de fabrication de la céramique par les ateliers découverts à l’est du vicus et permet d’envisager l’idée d’une production de type autarcique à côté d’une production commerciale, ce qui expliquerait les quelques fours isolés trouvés également en zone est aussi bien par G. Ducœur que par nous-mêmes et que nous rattachions aux ateliers à l’est du vicus du fait d’une proximité relative.

43D’une période un peu plus tardive (Néron-début Flaviens), les vestiges d’une habitation « en dur » ont été mis au jour : une cave et les murs la bordant et la dépassant sur ses côtés nord et est. Cette découverte est importante car elle suggère également la présence d’une rue de direction nord-sud la longeant sur son côté est. La limite est de cette voie pourrait être donnée par la présence d’un ru d’environ 3 à 3,50 m de large et peu profond, de direction nord-sud, à environ 6,50 m de la maison, vers l’est. Ce ru, dont la trace est quasi rectiligne, a laissé la trace d’une dépression comblée à une époque incertaine.

44Cette voie a dû être abandonnée à l’époque postérieure puisque les fours du iiie s. ont été trouvés dans son alignement. Par ailleurs les structures en creux les plus profondes (cave et cellier) ont été comblées d’une couche de craie damée importante comme pour les obturer de façon définitive. On peut poser le problème d’un déplacement de rue, passant cette fois-ci plus à l’ouest, sur la cave et le cellier, et entre les deux séries de fours des iie et iiie s. ; ce d’autant plus que la voie de la période précédente ne rentrait pas dans le système des 82 m qui semble définir l’écartement des rues au moins pour les iie et iiie s. Une observation semblable avait été faite à l’est pour une voie dont les fossés avaient été comblés dans la seconde moitié du ier s. Elle avait été recouverte ensuite par un bassin et une fontaine.

45À une deuxième phase, également, peuvent être associés des moignons de structures repérées sur une couche de limon remanié, non érodé, en bordure de rupture de pente et qui recouvrait les structures antérieures sous-jacentes. On peut noter entre autres des vestiges de soubassements en silex, de direction est-ouest, ainsi que la tranchée de récupération d’un mur de direction nord-sud observée sur environ 2 m de long. La fondation de ce mur est ancrée dans un remblai d’argile jaune qui suggèrent les parois effondrées d’un habitat antérieur (palissade de la première phase ?). Ce remblai colmate entre autres la fosse-silo.

46Deux puits à large ouverture, dont la partie supérieure était maçonnée, ont piégé du mobilier attribuable en partie à la fin de la période de l’agglomération sans qu’il soit possible de donner une date à leur mise en service ni les attribuer à une phase, faute de fouille totale (manque des moyens de sécurité) ; ils ont pu effectivement se tasser et recueillir du mobilier sans rapport avec leur période de fonctionnement.

La zone 18

47Durant les années précédentes, plusieurs phases ont été repérées.

48À l’est, on note distinctement trois phases successives faisant appel à des fondations et des murs (au moins des soubassements) en dur, avant l’état final. L’ensemble s’échelonne depuis le milieu du ier s. jusqu’à la fin du iie s. À l’ouest, un petit bâtiment de deux pièces au moins fait suite à la première phase à sablière basse. Les parois sont frêles, de la largeur d’un moellon et dont il ne reste plus qu’une assise. Il s’agit très certainement de solins pour des murs en torchis. Les sols sont en craie damée. La découverte en place de quelques tuiles plates et de quelques dalles de calcaire permet d’envisager un dallage. Du fait de l’érosion et des récupérations, les phases suivantes sont mal discernées.

49Le dernier état est le mieux connu. À l’est, un bâtiment d’au moins deux pièces qui a sans doute connu une réfection, est construit en pierres calcaires liées à l’argile. Il vient border une cour dont les sols sont refaits souvent et qui occulte totalement les constructions antérieures. À l’ouest, c’est l’angle sud-est d’une pièce en substruction qui a été mis au jour. Les murs sont étroits et construits en pierres calcaires liées au mortier de chaux : une partie de la peinture murale recouvrait le sol de craie damée. L’ensemble était recouvert d’une épaisse couche d’abandon dans laquelle furent découverts un vase globulaire en verre (type Ising 94) intact, une hache et une cognée ainsi qu’une série d’antoniniani, restes d’un probable trésor enfoui vers les années 275 apr. J.-C.

En 1994

50Cette année, c’est la première phase essentiellement qui a été fouillée.

51La première phase d’habitat est caractérisée par des structures en creux : trous de poteau circulaires ou carrés généralement avec calage en pierres ou en silex, sablières basses et fosses creusés dans la craie ou le limon géologiques. La couverture de terre végétale a dû être fortement entaillée lors de ces creusements et il n’est pas impossible de penser à des décaissements de surface généreux jusqu’à la craie naturelle sur l’emprise de certaines structures, entre autres pour rattraper la déclivité importante.

52Les limites arbitraires de la fouille à l’est et à l’ouest ainsi que la banquette de sécurité non fouillée le long du mur du cimetière au nord n’ont pas permis de reconnaître les plans complets de ces premières habitations et, en particulier, la façade car le decumanus semble être à la limite du cimetière et donc sous celui-ci.

53Cependant, le plan complet d’un petit bâtiment et la moitié d’un autre peuvent être fournis.

54Un petit module d’habitat d’environ 4 × 4 m a été construit exactement à l’emplacement d’une fosse antérieure d’extraction de craie ou de silex comblée par du limon. Des tessons de céramiques communes et un tonnelet presque complet y ont été découverts permettant de dater ces trous du début de notre ère. La construction de ce petit bâtiment ayant dû suivre d’assez près le comblement, on peut sans doute y situer sa période de construction. On a pu observer des traces de réfection. Il n’est pas impossible d’admettre la partie supérieure du limon comme le niveau de sol interne du bâtiment.

55Un autre module d’habitat, de dimensions plus réduites, est localisé au sud, non loin du précédent et quasiment dans le même alignement, avec traces de trous de poteau et de sablières basses. À l’intérieur, un alignement nord-sud de trous de piquet a été observé. Il a subi également des remaniements.

56Dans l’alignement de la sablière sud, d’autres trous de poteau prennent place plus à l’ouest. Enfin cet axe rejoint à l’ouest une ligne perpendiculaire de trous de poteau aux creusements et aux espacements variés. Il n’est pas possible pour l’instant de définir la fonction de ces alignements, le centre de la fouille étant perturbé par des puits et des fosses des différentes phases postérieures.

57Au nord, une sablière basse d’orientation est-ouest laisse présager l’existence d’un autre habitat. De même à l’angle nord-ouest de la zone, trois trous de poteau alignés et un sol de tuileau directement sur le limon ont été découverts. Enfin la trace d’une palissade est-ouest existe à la sortie de la banquette ouest plus au nord. D’autres trous de poteaux et des fosses d’extraction peuvent correspondre également à cette phase dont les traces sont denses sur cette zone.

Le cimetière-ossuaire (fig. 1, no 11)

58En juillet 1994, à la demande de la commune de Beaumont-sur-Oise, le service départemental d’archéologie du Val-d’Oise et les jeunes beaumontois de l’opération « Été Chaud » ont mené une fouille de sauvetage à l’emplacement d’un ossuaire qui devait être creusé dans l’enceinte du cimetière actuel, au cœur de la ville antique. Un sondage a été ouvert aux dimensions de l’ossuaire (5,50 × 2,50 m).

59La couche de limon qui correspond au sol remanié d’une première occupation est datable du début de la première moitié du ier s. apr. J.-C. Sont associées généralement à cette couche et à cette période des constructions en poteaux, sablières enterrées et torchis, dont on retrouve les traces sur l’ensemble du site.

60Une première construction apparaît avec un mur nord-sud monté sur une fondation en silex et lié par un mortier d’argile gris beige, et son sol de craie damée sur lequel repose un foyer en argile rubéfiée. Ce dernier et le sol de craie sont coupés par un mur est-ouest de telle façon que l’on peut supposer qu’il existait déjà une limite à cet endroit avant la construction du mur ; après l’abandon de cette phase, un remblai de terre noire recouvre l’ensemble. La céramique commune comprend des vases de fabrication locale précoce ainsi que des productions à dégraissant grossier ; les assiettes en terra nigra du type Gose 387/389 nous placent vers le milieu du ier s.

61La phase II est condamnée par un nouveau sol de craie qui recouvre le premier mur et auquel on peut associer le mur est-ouest et un mur en mortier de tuileau. La présence de céramique grise date cette occupation postérieurement au milieu du ier s. Un mur est-ouest qui apparaît comme l’élévation du premier mur est-ouest pourrait être également un nouvel état (ou une réfection). Le mur en mortier de tuileau semble être conservé dans cette phase.

62Par la suite, deux tranchées et une fosse de récupération dans laquelle on trouve une coulée de gros fragments de tuiles qui pourrait provenir de la dernière démolition marquent l’abandon du site. Enfin une couche de terre noire recouvre l’ensemble de la surface fouillée et indique l’aménagement du cimetière.

Rue de Senlis – le Trou d’Enfer (fig. 1, no 12)

63Le terrain sur lequel la société SP21 projette de construire ses immeubles se trouve au nord de la rue de Senlis à Beaumont-sur-Oise ; il jouxte les terrains du lycée polyvalent à l’ouest et son terrain de sport, au nord.

64Il se situe en bordure du plateau crayeux, sur le versant sud de la vallée de l’Oise, et chevauche un effondrement karstique colmaté. Cet effondrement, qui a reçu le nom de Trou d’Enfer ou Trou du Diable, a déjà été repéré et étudié lors de la construction du CET, établissement scolaire à l’origine du lycée Évariste-Galois, par Gérard Ducœur (JPGF) et le Pr Pomerol en 1970/1971 ; il forme, dans la topographie actuelle, une falaise d’une huitaine de mètres de dénivellation.

65La partie est du terrain, en pente relativement douce, semble avoir permis la montée sur le plateau d’une voie romaine repérée lors des fouilles du lycée.

66La proximité du vicus gallo-romain et de son cimetière, situé au croisement de la rue de Senlis et du boulevard Léon Blum, sur le tracé de la voie romaine Beauvais (Caesaromagus) – Paris (Lutetia), permettait d’envisager la présence de structures antiques.

67Des tranchées de diagnostic ont été faites pour tester cette hypothèse. Une série de trois tranchées a été ouverte sur le plateau crayeux ; une autre série de quatre sondages a concerné la partie basse du terrain, en bas de la falaise ; enfin, une tranchée a suivi la pente douce à l’est de la parcelle.

Les tranchées sur le plateau (altitude variant entre 52 et 50 m environ)

68Une tranchée, parallèle à la rue de Senlis, a révélé une série de grandes fosses creusées dans la craie et remblayées, en partie, de couches de petites pierres de craie triées, de couches de craie poudreuse, de terres diverses, mais aussi de couches de silex souvent associés à du charbon de bois. Les bords des fosses montrent parfois également des zones de chauffe importantes, repérables par les couleurs rosée et grise. La partie ouest de la coupe montre une pente douce de la craie géologique ; cette pente douce est sans doute le chemin d’accès à la fosse. Le tout a été comblé par des colluvions de terre grise mêlée de granules de craie. L’érosion a, par ailleurs, enlevé toute trace de sol antérieur à la mise en place de la couche de colluvions.

69Le haut d’une tranchée perpendiculaire, à l’est, révèle le même type de fosse avec son chemin d’accès à l’est. Le reste de la tranchée montre la craie géologique décapée par l’érosion : aucune structure n’a été mise en évidence dans la pente qui ne présente aucune rupture ; la bordure de falaise repérée dans les tranchées à l’ouest et au centre de la parcelle n’existe plus.

Les tranchées du bas de la parcelle (altitude variant de 43 à 42 m)

70Deux sondages ont confirmé la présence de l’effondrement karstique en cet endroit ; profonds de plus de 5 m, ils ont mis en évidence l’épais colmatage de colluvions dans lequel un petit niveau gallo-romain a été percé à environ 2 m.

71La tranchée 6 a révélé l’existence d’une structure semblable aux précédentes, avec le même comblement de craie triée, de couches de charbons de bois et de silex, de craie poudreuse… Une couche de silex et de charbon de bois, étalée sur une couche dure semblable à un sol, fait envisager qu’une structure de combustion a été démolie à proximité. On remarque aussi des couches de charbons de bois qui indiquent l’utilisation importante de combustible associée aux fosses.

72Les tranchées ont révélé l’existence de grandes fosses présentant un comblement particulier : pierres de craie triées souvent sur les bords des fosses ; au centre : couches de silex souvent associées à du charbon de bois, couche de craie poudreuse. Le reste, c’est-à-dire la majeure partie du comblement, est composé d’une couverture épaisse de colluvions mise en place naturellement après abandon de la fosse. Il semble que l’on soit en présence de grandes fosses d’extraction de craie. La présence des silex et des couches de charbon de bois fait envisager l’hypothèse d’une fabrication de chaux sur place, les silex servant à construire les fours. Les couleurs rosée et grise de certains bords de fosses indiquent également des zones de fortes températures, observations qui vont dans le même sens d’exploitation de la craie en vue de la fabrication de la chaux. Ces structures rappellent les fosses d’extraction de gypse pour la fabrication du plâtre dans la forêt de Villiers-Adam, datant du xive s., fouillées par C. Toupet et J.-L. Brulé.

73La datation globale de ces exploitations est du bas Moyen Âge du fait de la découverte de tessons flammulés ou glaçurés mais quelques tessons de périodes antérieures carolingienne et gallo-romaine montrent que ces carrières étaient exploitées depuis l’époque antique. Cette constatation avait déjà été faite lors de la construction des nouveaux ateliers du lycée polyvalent Évariste-Gallois. G. Ducœur avait également tait cette constatation lors des fouilles qu’il avait effectuées au Trou d’Enfer en 1971.

74Si le nord-ouest de la parcelle est occupé par l’effondrement karstique, appelé le Trou d’Enfer, la plus grande partie de la zone de craie stable est percée de grandes fosses d’extraction de la craie, pour la transformer en chaux, au xive s. Cette exploitation s’est sans doute faite à des fins « domestiques » et non pour un grand projet. Rappelons, à cet égard, que les sondages effectués dans le lotissement Davril (fig. 1, no 4) avaient permis de repérer un grand four à chaux, d’époque médiévale, dans lequel avaient été brûlées les pierres calcaires de la ville antique. Cette structure de combustion énorme, de plus de 10 m de long, avait été mise en relation avec la construction du château du xiiie s. Les dimensions ne sont pas comparables : celles du Trou d’Enfer sont beaucoup plus petites.

75Les céramiques résiduelles, carolingiennes et gallo-romaines, indiquent que cet endroit était déjà occupé aux époques antérieures, sans doute pour les mêmes raisons.

Le rescindement de l’Oise (fig. 1, no 9)

76Le rescindement de l’Oise prévu par le service de la Navigation consiste à élargir le cours de la rivière sur sa rive gauche, à la hauteur du lieu-dit Les Prés de Thury, afin de permettre l’évacuation plus rapide des eaux de crue retenues par l’installation du viaduc du contournement de Noisy.

77La surface naturelle du site culmine à 26,5 m NGF sur la crête du banc latéral le plus élevé de la plaine d’inondation. Le léger creusement en bordure de l’Oise atteint au maximum de sa profondeur 24,3 m NGF. Le fond du lit mineur de la rivière se situe à 19 m NGF.

78L’intervention archéologique s’est déroulée selon deux opérations ; l’une terrestre menée par F. Gentili et l’autre subaquatique par E. Yeny pendant l’été.

79Les tranchées de reconnaissance terrestre réalisées sur le flanc nord du banc latéral (sondage 16) ont mis en évidence une construction de gros blocs de grès parallèle à l’Oise entre 24,57 et 23,6 m NGF. Ces blocs sont enfouis sous 2,6 m de dépôts. À partir de la surface actuelle, ces dépôts sont constitués d’un sol épais de 0,40 m, puis de 0,10 à 1 m de limon colluvial mélangé à des blocs de pierres. Par dessous, une formation de sable alluvial de 80 cm d’épaisseur présente dans sa partie supérieure un sol brun de 40 cm d’épaisseur qui plonge vers l’Oise selon une pente de 10 %. En direction de la rivière, se différencient des petits lits de limon et de sable entre lesquels s’intercalent des niveaux d’aménagement de berge entre 24,35 et 24,1 m NGF. Un tesson d’Argonne décoré à la molette date ce niveau de la seconde moitié du ive ou de la première moitié du ve s.

80Sous ce niveau, d’autres empierrements sont le fruit de trois aménagements successifs entre 24,1 et 23,8 m NGF. Une céramique argonnaise (chenet 324) du ive s. provient du dessus des pierres et une monnaie des années 280-285 (imitation tardive de Tétricus) a été retrouvée dans cet enrochement. Il date cet aménagement de la fin du iiie ou du début du ive s.

81La partie supérieure de la construction atteint l’altitude de 24,6 m NGF. Sur au moins 70 cm d’épaisseur, des dépôts alluviaux de sables limoneux gris foncé, très chargés en débris de pierre et de mortier s’appuient contre cette construction de blocs de grès du Haut-Empire dont la base semble avoir été identifiée à 23,6 m NGF. Ils ont livré à leur base un mobilier céramique des ier et iie s. La présence de tessons de production beaumontoise du début du ier s. dans le matériel recueilli et de fragments de dolium de type Besançon nous montre que cette période est également représentée.

82Toujours en bordure du banc latéral mais un peu plus en amont, les coupes relevées dans la tranchée TA 15 montrent un sol actuel de 30 cm d’épaisseur couvrant un dépôt de remblais d’ordures modernes de 0,40 à 1,30 m d’épaisseur passant latéralement au limon colluvial rencontré dans la tranchée précédente mélangé à de petits blocs de pierres. Sous ces formations de remblais apparaissent des dépôts alluviaux d’au moins 1,90 m d’épaisseur. Ils se répartissent en deux ensembles séparés par un lit de sable.

83L’ensemble supérieur est constitué sur 1,3 m d’épaisseur de limon brun légèrement sableux. Le lit de sable, épais de 10 cm, est parsemé de gros blocs de pierre marquant ainsi la surface d’une berge descendant en pente douce vers l’Oise entre 25,4 et 23,7 m NGF. Le niveau gallo-romain, matérialisé par ces empierrements, est associé à des rejets de matériaux brûlés et des fragments de céramique dont un pied de céramique granuleuse proche des imitations locales des cruches Alzei 30 (fin ive-ve s.). L’ensemble inférieur est constitué de sables limoneux gris passant en profondeur jusqu’à 23,6 m NGF à des limons sableux plastiques.

84Au bord de l’Oise, les treize tranchées creusées perpendiculairement à la berge actuelle et les deux tranchées parallèles au cours de la rivière ont toutes été réalisées dans le léger creusement de la partie convexe du coude des Prés de Thury. Toutes les coupes montrent la même stratigraphie. En surface le remblai d’ordures modernes est épais de 0,40 m. Il recouvre un limon brun légèrement sableux épais de 0,30 à 0,40 m. Sous ces limons se rencontrent des dépôts de vases limono-sableuses, finement lités et dans lesquels sont interstratifiés des débris de végétaux constitués essentiellement de feuilles. Ces vases organiques peuvent présenter une épaisseur de 0,60 à 0,40 m. Elles constituent le remplissage terminal du petit creusement correspondant à des dépôts en eau stagnante. Ces vases reposent en profondeur à 24,2 m NGF, sur des sables grossiers roux dont on ne connait pas l’épaisseur et qui contiennent du matériel céramique gallo-romain.

85Plusieurs bois flottés ont été trouvés à l’interface des vases organiques et des sables grossiers roux sous-jacents. L’un de ces bois à fait l’objet d’une datation 14C par M. Fontugne au laboratoire du centre de faible radioactivité le situant à la fin du xviiie s. (Gif-9920 : 180 ± 40 ans ; date calibrée : cal AD (1657,1955). Cette date signifierait que ce petit chenal et son remplissage ce sont mis en place entre le bas Moyen Âge et le xviie-xviiie s. L’attribution du lieu-dit Port au chenal de même type installé dans la convexité du coude de Machecourt en amont de Beaumont-sur-Oise est à souligner ici quant à une utilisation de ces chenaux comme débarcadère.

86L’équipe de prospection subaquatique qui a travaillé dans le lit mineur de l’Oise aux relevés des structures archéologiques encore visibles (pieux et tronc de bois, construction en pierre, matériel archéologique, …) a réalisé des sondages carottés à l’aide de tube PVC de 1,50 à 2,00 m de hauteur, systématiquement tout le long du bord de la rivière selon huit axes perpendiculaires à la berge de la rive gauche. Sur chacun de ces axes ont été réalisés de deux à quatre sondages.

87Ils ont permis d’observer sur 1,00 à 1,50 m d’épaisseur la nature des dépôts au fond du lit mineur de la rivière. Trois ensembles sédimentaires semblent se dégager de ces stratigraphies. Au sommet, un premier ensemble, présent sur toute la zone testée et de 0,50 à 1,00 m d’épaisseur, est constitué de sables grossiers roux ou gris contenant beaucoup de fragments de verre, du mâchefer, du charbon de mine et d’autre détritus de la décharge voisine. Cet ensemble correspond au remaniement et à l’étalement lors des dernières crues de l’Oise (l’hiver 1993-1994 ayant vu une très forte crue d’ordre séculaire) des sables grossiers roux présents à la base des sondages de la berge et d’éléments de la décharge.

88Le second ensemble est constitué de dépôts lités organiques de limon et de sable fin reposant sur des sables grossiers. Cet ensemble s’est déposé dans un chenal bordant la rive actuelle s’élargissant très nettement en aval du pont gallo-romain. Ces sédiments ne semblent pas contenir de matériel moderne issu de la décharge.

89Le troisième ensemble n’a été repéré que dans les carottes situées en amont de la ligne de pieux gallo-romains. Il est constitué de limon légèrement sableux présentant des concrétions carbonatées. Aucun des sondages carottés n’a pu le traverser sur toute sa hauteur. Son épaisseur maximale observée est de 1,20 m (17,8 m NGF). Très homogène il ne contient aucun matériel anthropique. Par contre la ligne de pieux gallo-romains semble être à l’origine de la plus grande épaisseur de cet ensemble en amont ou de l’érosion de celui-ci en aval.

90Contrairement à l’ensemble de bois de la rive droite qui présente des alignements très nets, le plan des pieux verticaux trouvés en rive gauche ne révèle pas d’organisation claire. D’autre part, la plupart des pieux verticaux sont apparus après qu’une certaine épaisseur de sédiments ait été ôtée, et les carottages pratiqués sur le site ont révélé qu’au moins 1 m de sédiment est de dépôt actuel ou subactuel. Nous sommes donc en présence d’une partie très remblayée et dont nous n’avons probablement perçu que le sommet. Il apparaît que les vestiges les plus significatifs, non perturbés, se trouvent plus bas que les niveaux que nous avons observés. Le décapage effectué dans la zone où pointaient quelques extrémités de bois verticaux et inclinés a révélé au fil du travail un nombre croissant de bois enchevêtrés et superposés de tailles diverses, la longueur allant de moins de 1 m à 5 m environ. Ils semblent avoir été façonnés, certains présentent des traces d’usure ou d’assemblage (analyse xylologique de A. Dietrich).

91Plusieurs pièces de bois ont été prélevées pour être datés par dendrochronologie par Vincent Bernard. Ils sont tous du ier s. apr. J.-C. La datation identique pour les échantillons des deux bords nous fournit une preuve supplémentaire de la corrélation de ces deux ensembles. La topographie nous montre que les pieux de la rive droite forment des alignements parallèles orientés très exactement vers le groupe situé près de la rive gauche. Cet axe est dans l’alignement de la voie romaine.

92L’épaisseur des dépôts du lit mineur ne nous est pas connue directement. Elle varie entre 2,5 m (16,5 m NGF) et 7 m (12 m NGF) d’épaisseur. La détermination exacte de l’épaisseur de sédiment du lit mineur reposant sur le bed-rock crayeux est particulièrement importante pour comprendre les conditions de mise en place du pont de bois.

93La conservation des poteaux de bois gallo-romains en place a été assurée par la sédimentation des limons carbonatés dans le lit mineur de l’Oise. Par la suite, un chenal creusé dans le fond du lit dépose des sables grossiers. Le contenu malacologique (analyse N. Limondin) de ces deux formations révèle un courant fort. Celui-ci a pu en partie remanier la construction de bois gallo-romaine.

94Des formations récentes limone-organiques de milieu calme ont sédimenté dans ce dernier chenal. Elles contiennent une malacofaune riche développée sur place.

95La dernière phase sédimentaire est représentée par les dépôts grossiers mêlant sable roux et détritus modernes issus de la décharge accumulés dans le lit mineur de l’Oise avec les poteaux de bois disloqués à la suite de la dernière crue séculaire de l’hiver 1993-1994. Un dépôt de 3 m d’ordures ménagères et industrielles comble le petit chenal en bordure de l’Oise.

96La constatation qui s’impose d’évidence est que la parcelle sondée du côté terrestre se situe dans la rivière à l’époque gallo-romaine. Le niveau le plus ancien rencontré correspond à un horizon de sable grossier (20,5 m NGF) qui semble devoir dater du début de notre ère compte tenu des quelques indices rencontrés ; il semble correspondre à une phase active de circulation de l’eau.

97Il contraste en cela avec le niveau d’envasement qui lui succède. Celui-ci est notamment marqué par le dépôt de branchages et de bois flottés datés du xviie s. Les poids de filet et le lest retrouvés à la base de la couche d’envasement peuvent signaler une activité de pêche. Le bloc retaillé ayant peut-être aussi servi à amarrer une embarcation.

98Aucune trace de gué n’a été observée dans la partie sondée, tout du moins en ce qui concerne les périodes antiques ou médiévales, les niveaux protohistoriques n’ayant pas été atteints et étant apparemment trop profonds pour être touchés par la partie terrestre de l’aménagement.

99Le petit empierrement découvert dans le sondage 12 appartient au plus tôt à la période médiévale.

100Les sondages terrestres réalisés au sud de la décharge ont permis de localiser la berge antique et ses aménagements, une soixantaine de mètres en retrait de la rive actuelle. On peut donc considérer a priori que les vestiges de franchissement de l’Oise, entre autres digue, culée et piles de pont, sont en grande partie situés en zone terrestre actuelle, sur la parcelle soumise à rescindement. L’emplacement prévisible du gué et celui du pont étant encore occupé par l’ancienne décharge, le diagnostic terrestre n’a pu être achevé.

101Toutes ces observations nous autorisent à penser qu’il se trouvait bien un pont à cet endroit à la fin du ier s., et que les bois retrouvés en constituent les vestiges. Cependant, les données que nous possédons actuellement ne permettent pas d’avancer des hypothèses sur son architecture. Le petit nombre de pieux trouvés en place et le faible diamètre de ceux-ci pourrait suggérer un pont-passerelle plutôt qu’un pont à piles. Un passage pour les bateaux aurait alors dû être aménagé, logiquement près de la rive droite, c’est-à-dire à l’extérieur de la courbe où il y a le plus de fond.

Conclusion générale

102Le glacis en pied de pente de la butte de la forêt de Carnelle se poursuit dans la plaine alluviale (fig. 2) sous la forme d’un cône de débris de craie (débris périglaciaire et head du Tardiglaciaire ?) épais au moins de 6 m reposant sur le fond rocheux de la vallée de l’Oise (bed-rock) entre 17 et 16 m NGF. Il est recouvert au plus près de l’Oise par des dépôts fins argilo-limoneux d’âge pour l’instant inconnu.

103Une phase d’érosion a entaillé ce cône de débris crayeux à une cote de 22 m NGF. Elle est à l’origine du creusement de la terrasse qui borde actuellement la plaine d’inondation de la rivière. Par la suite, l’Oise accumule sur cette surface d’érosion des formations relativement fines de sable et limon sur 5 m d’épaisseur correspondant à des dépôts de plaine de débordement.

104À la surface de ces formations fines, se développe entre 26,4 et 27,1 m NGF un sol brun limoneux épais d’une quarantaine de centimètres que l’on retrouve partout sous les remblais d’occupation du Gallo-romain du ier s. Ce sol alluvial marque une stabilisation conséquente de l’activité fluviale. Il est caractérisé par une abondance de matériel lithique protohistorique à sa surface et en bordure du chenal secondaire.

105Au début du ier s. apr. J.-C., les bords de la terrasse du lit majeur (entre 26,4 et 27,6 m NGF) et de la berge du lit mineur (entre 23,6 et 24,6 m NGF) sont aménagés à l’aide de structures lourdes : gros blocs de pierre plurimétriques.

106Des premières indications paléoécologiques nous ont été fournies par l’analyse des diatomées (K. Serieyssol) et de la malacofaune (N. Limondin). Il semblerait que les sables limoneux accumulés contre l’aménagement de pierre en bordure de la berge du lit mineur (site du rescindement de l’Oise) se soient déposés en pleine eau, claire et renouvelée pour les niveaux situés à la base et dans une eau peu profonde et agitée au sommet (analyse des diatomées). Autrement dit, le niveau moyen des plus basses eaux de l’Oise dans la première moitié du ier s. apr. J.-C. se situait entre 23,6 et 24,6 m NGF. Par contre, les dépôts de même période situés en amont de cet aménagement livrent des malacofaunes terrestres de berge humide très fournie en végétation indiquant peut-être qu’en aval la berge naturelle a été creusée en vue de son aménagement.

107Les limons sableux accumulés au pied de l’aménagement en pierre du bord de la terrasse limitant le lit majeur (site de MBI) correspondent à un milieu humide mais jamais recouvert en permanence par l’eau de la rivière (analyse des diatomées). Au ier s. apr. J.-C., le niveau de la zone de recouvrement périodique de la plaine d’inondation par les crues de l’Oise se situerait au moins entre 25,33 et 26,5 m NGF.

108Ainsi donc, l’aménagement des bords de berges pouvait servir de débarcadère durant toute la période des basses et moyennes eaux de l’Oise (du mois de mars à octobre) et l’aménagement de la terrasse du lit majeur, en réhaussant le terrain de remblais jusqu’à une altitude de 27,6 m NGF, mettait hors de portée des inondations périodiques de l’Oise une bande large de 280 m permettant un élargissement de la zone constructible en bordure du chenal secondaire. Par contre, il s’en est suivi un rétrécissement important de la section d’écoulement de la rivière modifiant probablement la dynamique fluviale de l’Oise dans ce secteur ; le banc de sable lité installé au pied de l’aménagement en témoigne. Le chenal secondaire pouvait à cette période avoir un tirant d’eau d’au moins 2 m de hauteur (fig. 3).

Fig. 3 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise au ier s.

Fig. 3 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise au ier s.

109À partir de la seconde moitié du ier s., on observe, en parallèle avec la restructuration du vicus (mise en place du quartier monumental : édifice de spectacle, temple… : fouille de La Blanche Voye – lycée polyvalent ; reprise de la voirie : La Blanche Voye – lycée polyvalent et Extension cimetière) la poursuite des aménagements de rivière (site de MBI), construction des digues (?) et du pont en bois (dates dendrochronologiques : V. Bernard) dans le prolongement de la voie antique.

110L’installation de structures et les traces d’occupation entre la fin du ier et le iie s. en contrebas de l’aménagement du bord du lit majeur (site MBI) et sur les dépôts d’inondation entre 26 et 26,5 m NGF témoignent du colmatage du chenal secondaire et peut-être de sa fermeture définitive par la digue de la voie antique qui le traverse.

111Le iie s. et le début du iiie s. est la période de l’extension maximum de l’agglomération ; on note des reprises, des réfections aussi bien dans la ville que sur ses berges mais pas de changements radicaux. Cependant une série de maisons incendiées durant la première moitié du iiie s. qui ne semblent pas complètement reconstruites ou des zones abandonnées dans la seconde moitié du iiie s. indiquent un ralentissement de l’occupation du vicus.

112Au ive s., le quai en bordure de berge est totalement colmaté à 24,6 m NGF. Mais la berge est de nouveau aménagée entre le ive et le ve s., avec de gros blocs de pierre descendant en pente douce vers la rivière. L’analyse des malacofaunes indique une très nette transgression du milieu fluvial durant cette période. L’ensemble est ensuite recouvert de dépôts sableux dont les associations de diatomées et de mollusques témoignent d’un rehaussement des niveaux d’alluvionnement de l’Oise postérieur au ve s. entre 24,6 et 25,4 m NGF. Ceci constitue donc un événement majeur dans l’histoire de la rivière. En premier lieu, il devrait permettre une corrélation à longue distance avec d’autres sites de la vallée de l’Oise et de ses affluents pour ces périodes de la fin du Bas-Empire. En second lieu il a eu forcément une incidence importante sur l’abandon de certains sites et l’installation d’autres occupations durant cette phase. Cette transgression n’est-elle pas l’explication de l’absence d’occupation au Bas-Empire et à la période mérovingienne du site de MBI ? alors que le bord de terrasse fouillé sous le garage Cottain indique la permanence des installations ainsi que sur la butte la plus élevée de la plaine d’inondation des Prés de Thury (données de prospection). Rappelons que l’agglomération est occupée, plus ou moins densément, jusque pendant la période carolingienne et que, très certainement, le passage de l’Oise se faisait à cet endroit-là. Mais, même après la construction du nouveau pont en face du château à quelques 500 m en aval, l’habitude n’est-elle pas restée de traverser l’Oise à l’emplacement du vieux pont ? ou d’y débarquer ?

113Par la suite une phase d’érosion creuse un petit chenal en bordure de la berge dans la convexité du coude de l’Oise. Celui-ci est comblé de sable et de vase organique sablo-limoneuse dont un bois flotté recueilli à la base est daté de la fin du xviie s. La malacofaune est caractérisée essentiellement par des espèces d’eau claire et contient aussi des taxons de milieu calme. La présence de pierres d’encrage dans ce chenal montre que celui-ci a pu servir de zone portuaire, marquant la pérennité de cette activité dans ce secteur.

Fig. 4 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise aux iie et iiie s.

Fig. 4 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise aux iie et iiie s.
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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Localisation des opérations archéologiques
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Titre Fig. 2 – Stratigraphie de la plaine d’inondation de l’Oise sur sa rive gauche à la hauteur de Beaumont-sur-Oise
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Fichier image/jpeg, 336k
Titre Fig. 3 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise au ier s.
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Titre Fig. 4 – Plan schématique de Beaumont-sur-Oise aux iie et iiie s.
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Pour citer cet article

Référence électronique

François Gentili, Didier Vermeersch, Éric Yeny, Françoise Jobic, Vincent Krier, Nicole Limondin et Karen Serieyssol, « Beaumont-sur-Oise – Agglomération secondaire gallo-romaine » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Île-de-France, mis en ligne le 05 décembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/172143

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