Gosnay – Chartreuse du Mont-Sainte-Marie
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Année de l'opération :
2011Numéro d’opération :
155939Sujets :
ensemble religieux, monastère, chartreuse, cimetière, cimetière paroissial, édifice religieux, église, sépulture, sépulture à inhumation, accessoire vestimentaire, fixation de vêtement, épingle, parure, bijou, bague, anneau, vestige anthropobiologique, ossement humainNature de l'opération :
fouille programméeTexte intégral
1La prescription du SRA Nord-Pas-de-Calais pour la campagne de recherche 2011 à la chartreuse du Mont-Sainte-Marie de Gosnay recommandait une opération prolongeant la post-fouille, sans extension de l’aire de fouille et sans accumuler de données archéologiques nouvelles. Après plusieurs années de fouille, il était en effet important de réaliser une synthèse permettant de mettre en perspective de façon claire les résultats déjà obtenus et compléter certaines données techniques.
2Outre la synthèse des connaissances historiques, géographiques et environnementales, et l’étude des sources iconographiques et archivistiques, il a été réalisé une synthèse des campagnes de fouille successives. Parallèlement l’équipe a repris et développé un certain nombre de points particuliers, principalement l’archéologie du bâti et l’étude ostéologique des corps prélevés dans la partie du cimetière de la chartreuse étudiée depuis trois ans.
Archéologie du bâti
3Le site présente un important bâti présentant des traces plus ou moins visibles d’évolutions et de transformations que nous commençons à étudier globalement, en reliant les résultats aux découvertes du sous-sol. Nous avons donc ciblé des « nœuds » du bâti actuel dont la compréhension devrait éclairer l’évolution du site. En 2011 nous avons centré ce travail sur le bâtiment L. Depuis le début des fouilles, il a suscité autant d’intérêt que de questions à cause de sa particularité, car il conserve les deux façades, intérieure et extérieure de l’église gothique primitive de la chartreuse. Il occupe également une position centrale sur le site, à la jonction de l’église, du bâtiment des moniales et des habitations des converses et des données. Le bâtiment L se détache clairement dans le plan phasé car, de tous les bâtiments toujours existants, c’est celui qui rassemble encore le plus de témoins d’époques différentes. Son étude couvre la totalité de la période depuis la fondation au xive s. jusqu’à la période actuelle. Il a évolué avec le site et garde donc en mémoire toutes ses phases d’évolution.
4Après la prise de photos, le redressement et le traitement des clichés, les dessins et relevés ont été interprétés afin de déterminer des unités de construction et faire ressortir les relations entre toutes les UC, leur superposition, les reprises ou les arrachements. Différentes phases d’évolution commencent à apparaître en fonction de la contemporanéité des UC ou au contraire de leurs différences. Pour chaque façade du bâtiment, les mêmes observations sont réalisées. Puis toutes les façades du même bâtiment sont rassemblées et les analyses mises en commun.
5Les autres bâtiments de la chartreuse n’ont pas été délaissés. Le relevé de façade n’a pas encore été réalisé pour l’ensemble du bâti, mais l’étude en plan a été faite et les grandes lignes apparaissent assez clairement, en particulier pour les bâtiments qui se rattachent aux structures archéologiques. Ces données issues du bâti montrent huit grandes phases d’évolution depuis la fondation de la chartreuse au xive s. jusqu’à l’état actuel.
6La présente étude constitue une première étape dans la compréhension de l’évolution du bâtiment L en particulier et de l’ensemble du bâti de la chartreuse en général, en lien avec l’archéologie. D’autres éléments du bâtiment étudié doivent être intégrés à cette étude, comme l’analyse des graffitis et celle des charpentes. Puis il conviendra d’étendre cette étude à l’ensemble du bâti, étude nécessaire pour une compréhension encore plus précise de l’évolution du site.
Secteur funéraire, étude anthropologique
7Commencé en 2008 le secteur cimetière est trop vaste pour que nous en ayons terminé l’étude. Il a été pour le moment sectorisé en trois carrés. Le carré le plus au sud est nommé SC 32, rectangle de 39 m2, le plus au nord-est est SC 31, rectangle de 55 m2 situé à l’angle nord du secteur, poursuivi vers l’ouest par SC 33. Ces secteurs sont choisis volontairement afin de faciliter la recherche d’un éventuel zonage en étudiant des secteurs non jointifs.
8En tout, de 2008 à 2010, nous avons mis au jour 108 individus, mais il est important de rappeler que près de la moitié du cimetière n’a pas été fouillée.
9La plupart des individus a été retrouvée en assez mauvais état de conservation, ce qui est dû à un paléosol plutôt acide. Peu de corps sont accompagnés de mobilier, mais les objets retrouvés sont intéressants, certains de qualité, voire même exceptionnels pour l’un des corps (l’individu SC 31-4, dite « Dame à la couronne »). Les éléments les plus fréquents et les mieux conservés sont les épingles. Chaque individu retrouvé, et dont la tombe n’a pas été perturbée, est accompagné de plusieurs épingles, en moyenne cinq, mais parfois plus de vingt. On sait que l’usage cartusien, respecté au Mont-Sainte-Marie même pour l’inhumation des laïcs, est de déposer le mort directement dans la terre sans linceul. Il est vraisemblable que par commodité on doive fixer les pans des vêtements au moyen d’épingles.
10Différents types de bagues ou d’anneaux ont été également retrouvés attestant d’une certaine diversité, voire d’une certaine fantaisie dans le port de ces bijoux. La forme de l’anneau de consécration des moniales chartreuses n’étant pas précisée par les statuts de l’ordre avant la fin du xviie s., les bagues et anneaux, simples ou ornés, trouvés dans le secteur du cimetière du Mont-Sainte-Marie peuvent aussi bien accompagner dans la mort les religieuses que les données ou les laïques.
11Au départ, nous savions que le réaménagement de la zone après la Révolution française avait bouleversé le cimetière, la présence contraignante des tranchées de stabilisation nous l’ayant bien montré. Mais il était impossible de définir l’épaisseur des strates funéraires supérieures disparues. Or, la datation des objets trouvés associés aux corps nous donne peut-être une indication chronologique importante. Il semble en effet que les strates intactes du cimetière soient les plus anciennes, si l’on se base sur la datation des objets : agrafes et bagues qui appartiennent pour la plupart à des types représentatifs des xive-xve s.
12Tous les individus collectés jusqu’à présent, excepté dans les cas de réduction, ont été découverts en décubitus dorsal, la tête orientée vers le sud-ouest, les pieds vers le nord-est. Les seules variations observées concernent la position des mains. Pour la plupart des individus il est impossible de déterminer la position des mains étant donné l’état de conservation des os. Cependant il a été possible de mettre en évidence trois positions principales : les mains croisées sur l’abdomen, sur le torse ou sur le bassin. Il a été observé des variations plus rares : une main positionnée sur l’abdomen, l’autre sur le pubis, les bras le long du corps, les mains sur les cuisses ou les mains jointes sur l’os coxal droit.
13L’estimation du sexe des individus a représenté durant cette année un des points capitaux de l’étude de la collection funéraire. Elle est difficile en raison de la mauvaise conservation des os coxaux. Les deux méthodes traditionnelles, méthode probabiliste et méthode morphologique, bien que proposant une très grande fiabilité des résultats, ont l’inconvénient de ne fonctionner que sur des os coxaux en bon état de conservation, ce qui est problématique à Gosnay. Durant la campagne 2011, nous avons donc tenté de mettre en place d’autres méthodes. Il s’agissait surtout de vérifier si des méthodes basées sur le squelette postcrânien (mesure des os longs, mise en relation taille/poids) et crânien (observation du dimorphisme sexuel) nous permettait d’obtenir, pour cette collection ostéologique, des résultats fiables et cohérents.
14L’estimation de l’âge au décès des individus a certainement été l’étude la plus délicate étant donné également le mauvais état de conservation de la collection. Lorsque nous l’avons pu, l’estimation a été faite par l’observation des synostoses crâniennes, mais dans la plupart des cas, elle a été possible par l’observation de la maturation osseuse de la crête iliaque et de l’extrémité sternale de la clavicule. D’une manière générale on peut affirmer que la moyenne d’âge au décès est assez élevée. Il est également remarquable qu’il n’y ait pas parmi la population inhumée d’individus immatures.
15L’estimation de la taille a été faite par la mesure des os longs et le report des résultats sur un tableau proposant une estimation de la stature en fonction du sexe. Lorsque le sexe de l’individu n’a pu être déterminé, nous avons pris le plus grand écart fourni par les mesures. L’estimation certaine de la stature n’a pu être effectuée que sur 34 individus et donne une taille moyenne des individus de 171 cm pour les hommes, 153 cm pour les femmes et 161 cm pour les indéterminés.
16La détection des pathologies, ou de toute autre altération osseuse, se fait par une étude macroscopique des individus. Dans quelques cas, cette étude pourrait être complétée dans le futur par une étude radiographique des os. Il faut préciser que pour certains individus nous n’avons pu déterminer si les altérations observées étaient ante ou post mortem. L’arthrose est sans conteste la pathologie la plus représentée dans la collection ostéologique, mais elle traduit surtout une « fatigue » naturelle de l’articulation. Il a été observé des altérations osseuses caractéristiques de l’arthrose sur la quasi-totalité des individus étudiés. Les zones anatomiques les plus souvent concernées sont les mains, les pieds, les genoux et la colonne vertébrale. L’arthrite est également une pathologie courante qui touche principalement les vertèbres. On peut également constater que les pathologiques qui touchent le rachis sont plus nombreuses que pour les autres zones anatomiques. L’arthrose est très présente ainsi que l’arthrite qui va généralement de pair avec un tassement du corps de la vertèbre qui souvent entraine une scoliose, plus ou moins marquée. On remarque également que, dans plusieurs cas, l’écrasement du corps des vertèbres entraine une hernie discale que l’on peut détecter grâce à l’empreinte, sur les faces supérieures et/ou inférieures du corps, du nodule de Schmorl qui se présente sous la forme d’une petite dépression.
17Les dents, très peu représentées dans la collection, sont majoritairement concernées par la présence de tartre sus-gingival, l’usure naturelle de la surface occlusale et la parodontose qui dans la plupart des cas explique la perte ante-mortem des dents.
18Enfin, nous pouvons nous intéresser à la catégorique intitulée « autres ». Elle regroupe des pathologies ou des altérations osseuses plus rares, généralement observée chez un seul individu. Dans cette catégorie, nous avons inclus les fractures, les périostites, les ostéonécroses, les abcès dentaires ou fistules, comme trois cas de spina bifida.
19Une étude plus approfondie des caractères anthropologiques, paléo-pathologiques et des méthodes utilisées est indispensable. L’adaptation des méthodes de diagnoses et d’estimation de l’âge, doit être poursuivie.
20Plusieurs axes de recherche, concernant exclusivement les individus, pourraient également être établis : marqueurs mis en relation avec une activité particulière, mise en évidence des caractères à fort déterminisme génétique, approfondissement de l’étude paléo-pathologique, mise en relation des données avec les données régionales, afin d’avoir une perspective différente et de replacer la collection ostéologique dans son contexte régional.
Pour citer cet article
Référence électronique
Martine Valdher, Rémi Lequint et Morgane Rosay, « Gosnay – Chartreuse du Mont-Sainte-Marie » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Hauts-de-France, mis en ligne le 05 décembre 2024, consulté le 10 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/173746
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