1Situé dans la Presqu’île lyonnaise en bordure du Rhône, l’Hôtel-Dieu, ancien hôpital médiéval désaffecté en 2010, a fait l’objet d’un projet de reconversion en plusieurs tranches d’aménagement successives à l’origine de la prescription de nombreuses interventions d’archéologie préventives depuis 2011.
2Cette fouille, réalisée entre juillet 2014 et décembre 2015, a été prescrite sur trois secteurs non contigus, totalisant une surface de 1 742 m2. Les trois secteurs correspondent à la cour du Midi au sud de l’établissement (tranche 3, 850 m2), à la cour Sainte-Marie au nord (tranche 4, 338 m2) et à l’emplacement du bâtiment V situé dans la partie centrale rue Bellecordière au sud de la chapelle (tranche 5 : 554 m2). Les tranches 3 et 4 ont fait l’objet de deux diagnostics réalisés par Éric Bertrand en 2012 (Bertrand 2012b ; 2012c), la tranche 5 n’ayant été observée qu’au cours d’un suivi de sondage géotechnique (Bertrand 2012a).
3Les tranches 3 et 5 ont été réalisées directement par Stéphane Ardouin, responsable scientifique de l’opération, la tranche 4 étant déléguée à Anne-Catherine Le Mer, responsable de secteur.
Fig. 1 – Localisation des trois secteurs de fouille sur le découpage initial du projet de réhabilitations de l’Hôtel-Dieu
Fond de plan : Eiffage ; DAO : S. Ardouin (SAVL).
4La cour du Midi apparaît à la toute fin du xixe s., lors de la dernière phase de construction de l’ensemble monumental réalisée sous l’égide de l’architecte Pascalon.
5L’intervention sur la tranche 3 a été effectuée en deux temps (tranches 3a et 3b), séparés par une longue interruption de plus de dix mois, nécessitée, dans la partie occidentale de la cour, par la démolition du bâtiment de la morgue (bâtiment D, fermant la cour à l’ouest) et par la dépose de cuves à fuel. La fouille de la tranche 3a a été menée du 28 juillet au 3 novembre 2014 sur près des deux tiers est de la cour du Midi. Celle de la tranche 3b a été réalisée du 15 au 26 juin 2015, puis du 9 juillet au 17 août 2015, la fin de cette période ayant été réalisée à partir du 13 août 2015, en même temps que la fouille de la tranche 9c sous le bâtiment de la morgue (fouille faisant l’objet d’une prescription distincte comportant les zones 9a, 9c et 9j, avec le même responsable d’opération, cf. Ardouin 2018).
6La fouille de la cour du Midi a permis de mettre au jour une succession d’occupations sur près de 5 m de stratigraphie, entre 162,90 m NGF pour les fonds de structures les plus profonds et 167,50 m NGF. Le substrat, atteint autour de 163 m NGF sur une grande partie de l’emprise, est constitué de graviers déposés par les crues du Rhône surmontées par des alluvions plus fines alternant des sables, limons et argiles.
7Les niveaux antiques ont principalement été perçus entre 163 et 164,80 m NGF. Les plus anciens correspondent à l’assainissement de la parcelle au tout début de notre ère. Ils sont notamment caractérisés par deux dépôts d’amphores augustéennes rejetées dans le comblement de deux dépressions (l’une étant possiblement d’origine naturelle, l’autre étant un creusement anthropique incontestable), contemporain d’un creusement linéaire. Ils précèdent un remblaiement massif qui affecte une bonne partie de l’emprise.
8Les premières occupations proprement dites s’installent sur ces remblais entre 20 et 40 apr. J.-C. Les occupations se densifient ensuite jusqu’au iiie s., avec la construction de plusieurs bâtiments successifs, parfois associés à des activités artisanales caractérisées par la présence de plusieurs foyers et fours, par des résidus de production de verre et par des éclats d’os longs de bovidés issus d’un atelier de tabletterie.
9La restitution en plan de l’intégralité de ces bâtiments demeure toutefois délicate, du fait de leur morcellement. Si la plupart des niveaux d’occupation conservés sont des sols de terre battue intérieurs ou des cailloutis indurés externes, la présence de murs décorés d’enduits peints dans la deuxième moitié du ier s. et de terrazzo dans le courant du iie s. indique qu’une partie des bâtiments construits, associés à un niveau de circulation orienté nord-sud à l’ouest de l’emprise, pourrait également avoir eu une fonction résidentielle. Un caniveau en terre cuite orienté nord-sud est installé dans la partie occidentale vers la deuxième moitié du iie s. Les dernières constructions, notamment perceptibles par deux bases de piliers quadrangulaires, sont mises en place vers la fin du iie s. ou au début du iiie s., avant que le site ne soit arasé et remblayé par des niveaux de démolition.
10Des occupations plus ponctuelles s’installent par la suite et à plusieurs reprises sur les remblais de démolition. Elles se caractérisent par des tranchées de récupération de matériaux et par quelques creusements. Les dernières occupations antiques sont marquées par un creusement linéaire remblayé de terres cuites architecturales et par la construction d’un four en terre cuite architecturale, peut-être destiné à la production de verre. L’absence de mobilier fournissant un terminus post quem plus récent que le iiie s. dans ces derniers niveaux, a priori datables de l’Antiquité tardive, ne permet pas d’établir avec certitude leur chronologie.
11Des fondations, constituées de galets triés associés à quelques éléments de récupération antique et liés à la terre, ont été découvertes arasées au sommet des derniers niveaux de démolition antique entre 164,50 m et 164,80 m NGF. Elles forment un ensemble constitué de plusieurs pièces ou bâtiments accolés, dont les élévations, probablement en matériaux périssables (torchis ou adobe), n’ont pas laissé de traces. Elles ne sont associées qu’à du mobilier antique résiduel ou à quelques tessons de céramique médiévale des xiiie et xive s., probablement issus de perturbations postérieures. Quelques rares fonds de structures en creux associés à du mobilier antique résiduel pourraient leur être contemporains. Ces fondations peuvent être datées, par chronologie relative, entre le iiie et le xiiie s. et sont immédiatement surmontées par des terres à jardin, associées à de la céramique de la fin du Moyen Âge ou du début de la période moderne, ce qui pourrait suggérer un arasement durant cette période des niveaux ayant succédé à l’abandon antique.
12Ce mode de fondation, destiné à limiter les remontées d’eau, est plutôt caractéristique, à Lyon, des constructions du premier Moyen Âge. Il diffère des constructions antérieures observées dans la cour du Midi, comme dans l’ensemble de l’Hôtel-Dieu, qui emploient généralement des moellons de granite, calcaire ou gneiss, parfois associés à des terres cuites architecturales, presque systématiquement liés au mortier. Bien qu’il soit tentant de les rapprocher des premiers établissements (aumônerie et chapelle) cités à la fin du xiie s. ou du grand puits des xiiie-xive s. découvert en tranche 5, rare structure employant massivement des galets majoritairement liés à la terre, leur profondeur d’enfouissement semble davantage les rapprocher de l’Antiquité tardive ou du premier Moyen Âge.
13Les premiers vestiges du quartier du Bourgchanin, qui se met en place dans le courant du xiiie s. au sud de l’hôpital médiéval, sont, ici, perceptibles par quelques rares fonds de structures en creux perçant le sommet des remblais de démolition antique. Le plus important est un fossé de plus de 11 m de long, comblé avec des céramiques complètes du xive s., dont le fond recoupe l’arase des fondations de galets antérieures. Les constructions commencent modestement à s’implanter à la période moderne dans les jardins localisés à l’arrière des maisons alignées sur l’ancienne rue du Bourgchanin (l’actuelle rue de la Barre). La partie nord d’une maison maçonnée est ainsi associée à un tronçon de caniveau souterrain dès la fin du xvie s. Les constructions, associables à huit propriétés selon les archives, empiètent en partie sur ces jardins à partir du xviie s. Dès le xviiie s., l’emprise occidentale est intégralement occupée par les sous-sols des habitations, particulièrement bien préservés jusqu’à l’amorce des voûtes sous les remblais de démolition du xixe s.
14Dans l’est de l’emprise, les jardins ont été acquis, à la même période, par l’Hôtel-Dieu, qui y implante, dans la première moitié du xixe s., plusieurs bâtiments sans sous-sols (salle de dissection et probable bâtiment des internes) autour de la cour des Ateliers. Les habitations occidentales, comme les bâtiments nouvellement construits, sont détruits dans la deuxième moitié du xixe s. pour la finalisation de l’Hôtel-Dieu entre 1887 et 1893.
Fig. 2 – Cour du Midi (tranche 3) : bâtiment antique recoupé par des aménagements modernes et contemporains
Cliché : SAVL.
Fig. 3 – Cour du Midi (tranche 3) : angle du bâtiment en fondations de galets, possiblement attribuable au premier Moyen Âge et recoupant les niveaux d’abandon antiques
Cliché : SAVL.
Fig. 4 – Cour du Midi (tranche 3) : escalier d’accès à la cave d’une maison moderne du Bourgchanin
Cliché : SAVL.
15La fouille de la cour de la Pharmacie, renommée dans le cadre du projet de reconversion « cour Sainte-Marie », s’est déroulée durant deux mois, du 22 octobre au 23 décembre 2015. Cette cour, située à l’extrémité nord-est de l’Hôtel-Dieu, est limitée au nord par un bâtiment contemporain, Z, à l’est, par le bâtiment N, au sud et à l’ouest, par deux des croisillons des bâtiments xviie s. appartenant à l’ensemble dit des Quatre-Rangs (bâtiments L et O). Deux zones ont été déterminées, A au nord et B au sud-est, réparties de part et d’autre d’un sous-sol contemporain exclu du projet d’aménagement.
16L’espace est caractérisé par une forte densité d’aménagements contemporains, liés, d’une part, aux installations de buanderie et de chaufferie au xixe s., de l’autre, aux très nombreux réseaux plus récents venus bouleverser la stratigraphie sur un mètre d’épaisseur minimum, parfois jusqu’au niveau de gravier du Rhône. Ce dernier apparaît en moyenne à la cote de 164,20 m NGF, surmonté, par endroits, d’un niveau limoneux apparaissant entre 164,30 et 164,40 m NGF.
17Les niveaux antiques, présents à partir de la cote de 165,15/165,20 m NGF, sont caractérisés par des apports de grave remaniée, épais d’une vingtaine de centimètres, indurés en surface, et dans lesquels s’ouvrent des structures en creux, trous de poteaux et fossés. Ils sont associés à uniquement deux restes de maçonneries et un fond d’amphore en place. L’ensemble de ces éléments, essentiellement concentrés sur une bande ouest en zone A, et en zone B, évoquent davantage des installations légères et éphémères, datant des Ier-IIe s. apr. J.-C. La pauvreté du mobilier récolté ne permet pas d’établir une fourchette chronologique plus précise.
18Un ensemble de huit sépultures du premier Moyen Âge est venu s’installer dans ces niveaux antiques. Datées des viie-viiie s., elles ne sont associées à aucune autre structure contemporaine. Le Moyen Âge est également représenté par trois fosses datées des xiiie-xive s.
19La fouille, conjointement à l’étude des plans anciens et des données d’archives, a permis de mettre en évidence trois phases dans la période moderne. Ces niveaux sont très perturbés et forment plutôt des îlots disjoints les uns des autres qu’un ensemble totalement cohérent.
20La première phase reste peu documentée, tant par les archives que par les vestiges qu’elle a livrés. Elle n’est caractérisée que par des maçonneries et une fosse sans mobilier, sans aucun niveau d’occupation associé. Ce sont essentiellement les orientations, les rares liens stratigraphiques entre les constructions et un petit niveau d’abandon qui ont permis de mettre en évidence l’existence de cette phase. Celle-ci se situe probablement au tout début de la période moderne, voire à la fin du Moyen Âge, bien avant les constructions liées à l’Hôtel-Dieu au xviie s.
21À partir de 1629, d’après les archives, s’installe le cimetière protestant, dans un secteur compris grossièrement entre l’ancienne ruelle Panyere au nord, les quais du Rhône à l’est, et l’ancienne rue de la Blancherie (dans le prolongement de l’actuelle rue Grolée) à l’ouest. Sa limite sud peut sans doute être restituée au niveau d’un mur identifié au diagnostic (MR 106 ; Bertrand 2012c), aucune sépulture moderne n’ayant été mise au jour au-delà dans la large bande ouest, épargnée par l’installation de la buanderie, qui n’a livré que des inhumations du premier Moyen Âge. Plusieurs éléments contribuent à renseigner la chronologie relative de cet ensemble sépulcral moderne et apporter notamment un terminus post quem. Une sépulture est installée sur le ressaut de fondation de l’aile nord des Quatre-Rangs (bâtiment O), achevée en 1630. Certaines inhumations de cet ensemble sont postérieures aux vestiges du début de la phase moderne, plusieurs d’entre elles étant installées sur les maçonneries. Elles sont antérieures à 1838, date à laquelle est aménagé le bâtiment de la buanderie, dont la construction est venue clairement couper plusieurs squelettes. La fourchette chronologique proposée pour le cimetière, d’après les productions céramiques trouvées dans les niveaux encaissants, est comprise entre le xvie et le xviiie s., avec une prépondérance pour les éléments datés du xviie s.
22Entre 165,15 m NGF et 166,30 m NGF, selon l’arasement des murs, apparaissent les vestiges attribuables au bâti moderne antérieur à l’Hôtel-Dieu, mais postérieur aux structures légères mises en évidence dans la phase précédente. Un espace bâti, situé à l’extrémité nord-ouest de l’emprise de fouille, se développe sur une orientation légèrement nord-ouest – sud-est. Construit en moellons de calcaire des Monts d’Or liés au mortier gris fin, il mesure 1,90 m de large nord-sud sur 2 m de large est-ouest au minimum. Les maçonneries sont arasées à la cote de 165,80 m NGF. Le sol associé à ces murs prend la forme d’un niveau de petits galets induré, surmonté d’un fin niveau de circulation charbonneux, à la cote de 165,18 m NGF. Au vu des dimensions et de la présence du sol charbonneux, cet espace correspond probablement à une ancienne cave. À une dizaine de mètres vers le sud-est se déploie un second espace, coincé entre le bâtiment de la buanderie à l’ouest, et le bâtiment N de l’Hôtel-Dieu sur son côté est. Il mesure 3,30 m en est-ouest pour 4 m dans le sens nord-sud. Construit en gros moellons de calcaire des Monts d’or grossièrement équarris associés à des blocs de calcaire gris, liés au mortier gris, cet espace est pourvu d’un sol en dalles de calcaire gris à gryphées, de dimensions variables, demeuré dans un bon état de conservation. Il apparaît à la cote de 164,55 m NGF et ne présente pas de pendage. Ces deux espaces, mal caractérisés et déconnectés du reste des vestiges, sont difficilement interprétables. Antérieurs à l’Hôtel-Dieu d’une part, orientés et construits différemment de maçonneries de la phase précédente, de l’autre, ils appartiennent vraisemblablement aux installations domestiques présentes depuis le xvie s. sur le tènement puis rachetées par l’Hôtel-Dieu pour répondre à ses besoins d’expansion.
23La première moitié du xviie s. voit la réalisation de l’extension de l’Hôtel-Dieu, qui, jusqu’alors, était implanté sur la zone de la chapelle encore en place de nos jours, sous la forme de quatre corps de bâtiments disposés en croix autour d’un dôme central. Ce sont les bras sud et ouest qui sont achevés les premiers entre 1622 et 1627, soit les bâtiments O et M actuels. Le croisillon nord, actuel bâtiment O qui borde l’emprise à l’ouest, est achevé en 1630. La majorité des maçonneries modernes de la zone sud-est appartiennent vraisemblablement à un ensemble visible sur certains plans, appelé, soit Cabinet des Frères sur le plan de Polinière de 1853, soit Lavanderie sur l’Atlas de la rente noble du Chapitre d’Ainay (milieu xviiie s.). Les murs sont construits en moellons de calcaire des Monts d’or et le sol consiste en un dallage de calcaire (probablement du choin de Villebois), apparaissant à la cote de 165,50 m NGF et ne présentant pas de pendage. La nécessité d’améliorer la salubrité de l’hôpital impose, sous l’impulsion d’Augustin Polinière notamment, la construction de nouveaux aménagements au cours du deuxième quart du xixe s., dans la moitié nord de l’Hôtel-Dieu. On bâtit donc une machine à vapeur, des réservoirs d’eau, ainsi qu’une buanderie et ses annexes. Les fondations apparues au centre de la zone A de l’emprise sont constituées d’un mur périphérique dessinant un espace rectangulaire de 11,80 m de long (nord-sud) sur 8 m de large (est-ouest). Ces murs de contours sont des fondations en béton, installées dans le gravier du Rhône à une profondeur maximum de 164,40 m NGF, et arasées entre 166,33 m NGF et 165,85 m NGF. Un système complexe de canalisations en briques, de réservoirs et de probables lieux de stockage vient compléter ce dispositif.
Fig. 5 – Cour Sainte-Marie (tranche 4) : céramique en place sur un sol antique près de murs recoupés par une sépulture double d’enfants du premier Moyen Âge
Cliché : SAVL.
Fig. 6 – Cour Sainte-Marie (tranche 4) : cimetière protestant du xviie s.
DAO : M. Lagrange (SAVL).
Fig. 7 – Cour Sainte-Marie (tranche 4) : réseau souterrain de canalisations de la buanderie du xixe s.
Cliché : SAVL.
24L’intervention sur la tranche 5, menée du 18 août au 25 octobre 2015, a été effectuée à l’emplacement de l’ancien bâtiment V, localisé au nord-ouest de l’ancienne cour de la Chaufferie et au sud de l’actuelle chapelle et ancienne église de l’Hôtel-Dieu, le long de la rue Bellecordière. Elle a permis de mettre au jour des occupations successives antiques, médiévales et modernes, précédant les dernières constructions contemporaines. Les niveaux d’inondation naturels, atteints sur l’ensemble de la surface, révèlent la succession classique dans ce secteur de la rive droite du Rhône des alluvions grossières (graviers et galets) et fines (sables, limons ou argiles). Les alluvions les plus anciennes, identifiées à 163,55 m NGF en légère pente vers le sud (20 cm), sont surmontées par des alluvions plus fines, souvent conservées à l’état résiduel, du fait de creusements et terrassements antiques.
25Les premières occupations ne sont pas perceptibles avant la deuxième moitié du ier s. apr. J.-C. Elles se caractérisent par des phases de remblaiements et par des structures en creux, probables assainissements de ce secteur. Un niveau de sol composé d’un cailloutis induré est mis en place au centre de l’emprise à la fin du iie ou dans la première moitié du iiie s. (163,70 m NGF), avant un premier abandon du secteur. Au sud, deux niveaux de voirie contigus plus tardifs ont été aménagés dans la deuxième moitié du ive s. et perdurent jusqu’au début du ve s. Cette chronologie est assurée par la présence de seize monnaies réparties sur ces deux niveaux. Ils sont constitués d’un cailloutis précédant un aménagement de blocs de calcaire émoussé, de granite et de gneiss. Longés au nord par un probable fossé bordier, ils forment un espace de circulation de plus de 11 m de large qui a pu être suivi sur 15 m de long, prolongement d’une voirie de même période et de même orientation, découverte en 2012 dans la cour de la Chaufferie (tranches 1 et 2, cf. Bertrand 2015). Le secteur est par la suite abandonné et rehaussé par de nouveaux apports alluvionnaires jusqu’au xiiie s.
26Quelques creusements pourraient signaler une présence au premier Moyen Âge. Une nouvelle occupation est avérée au milieu du xiiie s., par l’aménagement au nord d’une voie, la rue Serpillière, longeant le premier édifice hospitalier, dont les niveaux de la fin de la période moderne avaient été identifiés en 2014 et 2016 plus à l’est dans la cour Saint-Henri (tranches 8 et 9j, cf. Ardouin 2015 ; Ardouin 2018). L’intervention a permis de suivre l’évolution de cette voie à travers cinq niveaux successifs sur 1 à 1,50 m de stratigraphie, depuis son origine, identifiée aux alentours de 165 m NGF, jusqu’à sa disparition totale en 1844. Au sud de cette voirie, se mettent en place, à la même période, les premières maisons du Bourgchanin, petit bourg lié à la reconstruction du pont du Rhône et à la présence de l’Hôtel-Dieu, qui devient rapidement un quartier d’habitation. La fouille a mis au jour les vestiges des premières habitations, pour l’essentiel constitués de quelques structures en creux. Un vaste puits appareillé en galets, dont l’usage est probablement partagé à l’origine, est installé dans le courant du xiiie s. Il pouvait être adossé au pignon arrière d’une maison qui n’a cependant pas été identifiée, du fait des destructions modernes. Le puits, abandonné au xve s., est comblé par des remblais, qui ont livré un abondant mobilier détritique (céramique, verre, faune, etc.). L’étude archéozoologique révèle des traces de dépouillements sur des ossements de chats découverts dans le comblement du puits et des traces de découpe bouchère sur ceux de porcs identifiés dans une fosse médiévale. Ces vestiges semblent refléter l’activité d’un boucher et d’un pelletier attestés à la fin du Moyen Âge par les textes d’archives.
27Quelques structures (puits, fosses) témoignent des cinq maisons attestées par les archives textuelles sur cette emprise durant le xvie s., antérieures aux reconstructions consécutives à la normalisation de la rue du Bourgchanin (actuelle rue Bellecordière), qui s’accompagne d’un nouvel alignement des façades entre 1617 et 1619. Les nouvelles constructions s’étendent sur les jardins et les cours et sont toutes dotées de sous-sols et d’étages. Les caves, les cages d’escalier et plusieurs fosses d’aisance associées aux latrines de ces maisons ont pu être identifiées. Un petit ensemble d’une quarantaine de monnaies empilées, enfoui vers 1629 sous le sol d’une des caves, tend à confirmer la datation d’une partie de ces reconstructions.
28Au nord, l’église est édifiée au milieu du xviie s. sur l’emprise de l’ancien hôpital et décalée en limite de la rue, remaniée à cette occasion. Au xviiie s., l’Hôtel-Dieu rachète progressivement les maisons du quartier du Bourchanin pour étendre son emprise vers le sud. À l’est, sont bâtis le réfectoire et les cuisines, dont les façades viennent s’implanter contre l’arrière des maisons subsistantes, ne laissant, au mieux, qu’une cour réduite. Une nouvelle maison, de dimensions restreintes et sans sous-sol, est construite par l’établissement hospitalier sur un jardin au nord-est. Cette petite maison, localisée intégralement sur l’emprise, est la seule à avoir conservé une partie du sol du rez-de-chaussée, carrelé de terres cuites. Située face à la chapelle, elle était destinée à l’hébergement des prédicateurs externes reçus pour certains offices. La rue, coupée de son accès au Rhône et réduite à une impasse, est, dans son état final, pavée de galets. Un égout lui est associé, longeant le nord des façades subsistantes au début du xixe s.
29En 1841, l’Hôtel-Dieu décide d’aménager un promenoir le long de la rue Bellecordière. Toutes ces maisons sont détruites avant 1844 et sont, comme le tronçon de voie, remblayées, figeant en place les fondations et les sols de caves en terre battue noircie par le charbon. Les fosses d’aisance sont alors probablement curées, avant d’être recyclées en dépotoirs. Un abondant mobilier (céramique, verre, faune, etc.) de la première moité du xixe s. a pu y être collecté. Avec le promenoir, est construit un bâtiment annexe des cuisines, le bâtiment V, qui subsiste, jusqu’à sa démolition en 2015.
Fig. 8 – Rue Bellecordière (tranche 5) : voie tardo-antique du ive s.
Cliché : SAVL.
Fig. 9 – Rue Bellecordière (tranche 5) : voie tardo-antique du ive s.
Cliché : SAVL.
Fig. 10 – Rue Bellecordière (tranche 5) : report des constructions moderne sur un extrait de l’Atlas de la rente noble du Chapitre d’Ainay du milieu du xviiie s.
DAO : C. Ybard (SAVL).