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2023
69M – Métropole de Lyon

Lyon (5e) – Clos de la Visitation

Fouille programmée (2023)
Responsable d’opération : Benjamin Clément

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Université Franche-Comté

Clément B. 2024 : Rapport archéologique 2023. Clos de la Visitation, Lyon 5e : contribution à l’histoire militaire de la colonia Lugdunum, 2 vol.

Texte intégral

1Le programme trisannuel de fouille archéologique du clos de la Visitation (Lyon 5e) a pour objectif d’étudier, de manière exhaustive, un complexe militaire qui appartenait au camp de la Cohorte urbaine de la colonia Lugudunum. Il a été initié en 2019 par une première campagne de fouille qui a essentiellement concerné les niveaux les plus récents de ce complexe, en lien avec la bataille de Lyon et le sac de la ville par les troupes de Septime Sévère en février 197 apr. J.-C. Il s’est poursuivi en 2021 sur la même aire de fouille, afin de dégager les niveaux les plus anciens de deux parcelles. Les résultats obtenus ont été riches et mettent en lumière une occupation militaire qui débute sous le règne de l’empereur Tibère, supplantant des habitats datés du début du règne d’Auguste. Ce complexe semble orienté vers le stockage des armes et la production et a livré un corpus exceptionnel de militaria.

2En 2022, les explorations se sont concentrées sur un nouveau secteur situé au sud-est des fouilles précédentes. Elles ont révélé la limite méridionale de ce complexe militaire, ainsi qu’un édifice économique se développant le long d’une voie. Enfin, la découverte majeure de cette nouvelle campagne concerne la mise au jour de deux tronçons de murus gallicus marquant la limite orientale du plateau de la Sarra.

3En 2023, la dernière campagne de fouille a permis de terminer l’exploration de l’îlot oriental, entièrement destiné au stockage (fig. 1). Au cours du Haut-Empire, et plus précisément durant l’année des quatre Empereurs, ce vaste entrepôt reçoit les armes (pilum, lance, glaive, arc et flèches, artillerie) de la cohorte, ainsi que celles des troupes qui vont passer à Lyon au gré des conflits (siège de Lyon en 68), et des campagnes de Vitellius qui prend pour capitale la ville durant quelques mois de l’année 69 apr. J.-C. Nous avons donc pour objectif de présenter de manière diachronique les vestiges mis au jour durant les différentes campagnes et de montrer les avancées dans notre connaissance du développement et de l’occupation de Lugudunum entre le ier av. et le iiie s. apr. J.-C.

Fig. 1 – Emprises des différentes campagnes de fouille

Fig. 1 – Emprises des différentes campagnes de fouille

DAO : UFC.

4Ce projet, porté par le laboratoire Chrono-Environnement, le service archéologique de la Ville de Lyon, l’université Franche-Comté et le laboratoire ArAr, réunit les différents acteurs lyonnais de l’archéologie autour de visées scientifiques autant que pédagogiques, puisqu’il constitue l’un des chantiers-écoles des universités Lumière Lyon 2 et de Franche-Comté. Il a permis d’accueillir cette année une trentaine d’étudiants issus d’une dizaine d’universités différentes.

5La troisième année du programme trisannuel du clos de la Visitation avait pour objectif d’explorer un nouveau secteur en bordure de terrasse et situé à l’est de la parcelle, afin de mieux caractériser l’occupation de l’îlot oriental (parcelle IV) du complexe militaire, et de poursuivre la fouille du dépôt d’armes julio-claudien, ponctuellement atteint en 2019 et 2021. Il s’agissait également de compléter les données sur l’occupation protohistorique du site, dans ce secteur en rupture de pente où l’érosion plus importante des vestiges nous a permis de dégager, sur des surfaces plus importantes, le terrain naturel.

6Les résultats ont été au rendez-vous et ont permis de confirmer la destination militaire de la parcelle IV entre le règne de l’empereur Tibère et la toute fin du iie s. apr. J.-C. Si l’arasement de vestiges complique la reconnaissance des niveaux en lien avec la bataille de Lyon, les structures mises au jour confirment l’interprétation d’un vaste entrepôt destiné au stockage d’armes lourdes associées à la présence pérenne de troupes militaires. Cette campagne a également été l’occasion de mieux documenter les niveaux coloniaux, qui sont caractérisés dans cette partie du site par un petit édifice domestique orienté sur la trame A. Au total, une superficie de près de 350 m2 a été ouverte. À l’issue de la campagne, le terrain naturel a été atteint sur près de 80 % de l’emprise. Les vestiges mis au jour couvrent une période chronologique comprise entre la première moitié du ier s. av. J.-C. et le iiie s. apr. J.-C.

7L’un des objectifs de cette année était de reconnaître et de fouiller le tronçon oriental de murus gallicus (F4076) mis en évidence en 2022 (fig. 2). Ce dernier devait traverser l’emprise de fouille en son milieu, offrant une fenêtre suffisante pour le documenter de manière exhaustive. Toutefois, malgré un dégagement sur une surface importante des niveaux précoces du site et la réalisation de sondages mécaniques et à la tarière à l’emplacement supposé de cette structure, force est de constater qu’elle s’interrompt, sans doute sous la berme de 6 m de large, laissée cette année entre les deux emprises de fouille. Ainsi, la structure F4076 vient partiellement combler l’amorce de la rupture de pente, marquée à cet emplacement sous la forme d’un mur de terrasse retenant les terres à l’ouest et marquant fortement le paysage côté est, en bordure du plateau de la Sarra. L’interruption du tronçon F4076 nous oblige à revoir les hypothèses émises l’année précédente, à savoir la présence d’une structure défensive qui viendrait ceinturer le plateau de la Sarra à l’intérieur d’une première enceinte, marquée par le tronçon mis au jour place Abbé-Larue. Si la nature même des structures mises au jour en 2022 ne semble pas devoir être remise en cause, ces tronçons F4076 et F4088 forment un angle droit en bordure du plateau de la Sarra et devaient jouer le rôle de mur de terrasse, permettant de ménager une plateforme monumentale, dont l’extension totale reste pour le moment à découvrir.

Fig. 2 – Plan général des vestiges à l’état 1

Fig. 2 – Plan général des vestiges à l’état 1

Échelle : 1/350.

DAO : UFC.

8La campagne 2023 a permis de mieux cerner la phase qui succède directement à l’abandon du complexe public protohistorique et marque la fondation de la colonie de Lugudunum. Un petit édifice rectangulaire, associé à quelques négatifs de poteau, a été mis au jour dans la moitié orientale de l’emprise de fouille. Orienté sur la trame A, il comprend deux pièces en enfilade, pour une superficie minimale de 100 m2. La limite méridionale de l’édifice se développe hors emprise de fouille. Toutefois, l’absence de maçonneries dans l’emprise de fouille 2022 laisse supposer que sa fermeture s’effectuait sous la berme, et permettait de restituer une superficie totale de 106,50 m2 (12,5 × 8,5 m). Cependant, les techniques de construction, la présence de sol en terre battue et l’absence de structure artisanale clairement reconnue pourraient souligner une occupation de nature domestique. Ces vestiges viennent compléter des structures ténues déjà observées en 2021. Il s’agit notamment d’un tronçon de maçonnerie (F1133) mis au jour sous l’espace B02. Situé à 12,50 m du mur occidental du bâtiment H, il témoigne peut-être de la présence d’un autre édifice orienté sur la trame A. Plus au nord, c’est un ensemble de trous de poteau associés à un niveau de sol qui pourraient témoigner de la présence d’un édifice plus léger. Quelle que soit leur interprétation, ces vestiges permettent de reconnaître l’extension urbaine de la première colonie, qui semble couvrir toute la partie sud du plateau de la Sarra et s’étendre bien au-delà de l’emprise qu’avait proposée A. Desbat. Les fouilles préventives menées en 2014 à l’emplacement du couvent avaient, par ailleurs, livré une fosse et un niveau de sol également daté des années 40-20 av. J.-C., permettant de valider une occupation répartie en différents points du clos de la Visitation.

9Sous le règne d’Auguste, le site est intégré au plan d’urbanisme qui remodèle la colonie entre les années 20 et 15 av. J.-C. Au nord, deux îlots orientés sur la trame C sont mis en place sur deux terrasses, séparées par un puissant vide sanitaire (F2035). L’îlot oriental reconnu cette année semble occupé par un seul édifice de grande envergure, organisé autour d’une cour à portique et doté de larges pièces en fond de parcelle. Les comparaisons permettent de reconnaître un entrepôt à cour interne, dont l’extension devait atteindre les 1 800 m2 de superficie. Au préalable de ces travaux d’urbanisme, le site semble exploité pour ses gisements de lœss, puis remblayé, afin d’offrir une surface propice à la mise en place d’un îlot urbain.

10L’un des objectifs de la campagne 2023 était de poursuivre la fouille de la pièce D01 à l’état 4 afin de mieux percevoir la nature, la taphonomie et la chronologie du dépôt d’armes mis en évidence lors des campagnes 2019 et 2021. Il s’agissait également de mieux caractériser l’édifice dans lequel prend place ce dépôt afin de comprendre ses modalités de constitution et d’abandon. L’organisation de la parcelle IV à l’état 4a a pu être clairement identifiée cette année et permet de comprendre les différentes étapes d’intégration de l’entrepôt augustéen dans le casernement de la cohorte urbaine à la transition entre les règnes d’Auguste et de Tibère. L’édifice ne semble pas évoluer, du point de vue de son plan comme de la distribution des espaces et des circulations. Seuls les sols sont repris régulièrement et des supports de pilier maçonnés sont ajoutés à la pièce D01 afin de renforcer son architecture. Une installation particulière précède la mise en place des planchers dans les pièces D01 et F04 : il s’agit d’un alignement de dix armes en fer plantées à la verticale. Ces éléments ne semblent pas installés dans une structure particulière, mais ils transpercent les couches sous-jacentes et forment une ligne droite équidistante des murs périmétraux F2035 et F4156 qui suit une orientation parfaitement similaire à ces derniers. Ces armes ne sont pas espacées entre elles selon un rythme régulier, certaines étant distantes de 0,20 m, tandis que d’autres sont écartées de 0,90 m. L’interprétation d’un tel aménagement demeure incertaine. Signalons, pour le moment, l’absence de comparaison à l’échelle du monde romain. Le caractère volontaire de ce « dépôt » ne fait en revanche aucun doute et peut-être faut-il y voir un acte symbolique de consécration ou de protection de l’entrepôt mis en place lors des réfections effectuées dans le courant du règne de Claude, sans doute en lien avec l’arrivée de la XVIIe cohorte.

11La fouille fine des niveaux d’occupation/abandon des espaces de stockage D01, F04, mais également F03 a révélé la présence d’un ensemble exceptionnel de petit mobilier jonchant toute sa surface (fig. 3). Cet épandage, déjà perçu et documenté partiellement lors de la campagne 2019 et 2021, se compose d’objets en fer et en alliage cuivreux rattachés quasi exclusivement au domaine militaire. Ce sont, au total, toutes campagnes de fouilles confondues, 617 artefacts militaires qui ont été mis au jour au sein des deux pièces de l’entrepôt. Parmi les militaria identifiés cette année, on compte toujours de très nombreuses armes offensives, dominées par les éléments de lances et les javelots. Parmi les armes de poing, on dénombre encore une quantité non négligeable de petits fragments de fourreau en alliage cuivreux ou en fer. Les objets liés à l’artillerie sont également présents, avec la découverte de plusieurs traits de catapulte et pointes de flèches ainsi qu’un fragment de renfort d’arc en corne. Concernant l’armement défensif, l’élément le plus notable est sans doute un umbo de bouclier complet, auquel on peut ajouter la présence probable de fragments de bandes de cuirasses segmentées. À l’instar du bâtiment B02 à l’état 5, l’architecture et les mobiliers découverts dans l’édifice D/F permettent de l’interpréter comme un entrepôt destiné au stockage des armes (armamentarium).

Fig. 3 – Détails du niveau d’armes jonchant le plancher de D01/F04

Fig. 3 – Détails du niveau d’armes jonchant le plancher de D01/F04

a, amoncellement de talons de lances et javelines ; b, fer de lance et phalère de harnais ; c, umbo de bouclier ; d, tiges de pilum, pointes de flèches et talons.

Clichés : UFC.

12Les vestiges relatifs aux états 4c et 4d sont, une nouvelle fois, très ténus cette année, notamment en raison des travaux importants engagés à l’état 5 pour modifier l’îlot oriental. Toutefois, quelques éléments permettent de suivre l’évolution de l’entrepôt D/F, qui ne semble pas subir de changement majeur. À la fin du iie s. (état 5), l’îlot oriental subit un remblaiement très important destiné à rattraper la différence de niveaux de près de 2 m avec la terrasse occidentale. Les années précédentes, il avait été possible d’observer l’obstruction du vide sanitaire F2004, qui devient un large mur séparant les deux îlots. Cette année, il a été possible de caractériser précisément les travaux engagés sur l’îlot oriental, essentiellement préservés dans la partie occidentale de l’emprise.

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Bibliographie

Clément B. 2020 : Lyon 5, fouilles du clos de la Visitation : contribution à l’histoire militaire de la colonia Lugdunum, Rapport de l’opération 2019, 2 vol.

Clément B. 2022 : Lyon 5, rapport archéologique 2021. Clos de la Visitation, Lyon 5e : contribution à l’histoire militaire de la colonia Lugudunum, 2 vol.

Clément B. 2023 : Lyon 5, Rapport archéologique 2022. Clos de la Visitation, Lyon 5e : contribution à l’histoire militaire de la colonia Lugdunum, 2 vol.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Emprises des différentes campagnes de fouille
Crédits DAO : UFC.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/177913/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 756k
Titre Fig. 2 – Plan général des vestiges à l’état 1
Légende Échelle : 1/350.
Crédits DAO : UFC.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/177913/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 537k
Titre Fig. 3 – Détails du niveau d’armes jonchant le plancher de D01/F04
Légende a, amoncellement de talons de lances et javelines ; b, fer de lance et phalère de harnais ; c, umbo de bouclier ; d, tiges de pilum, pointes de flèches et talons.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/177913/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Benjamin Clément, « Lyon (5e) – Clos de la Visitation » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 13 janvier 2025, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/177913

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Auteur

Benjamin Clément

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Responsable d’opération

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