Villarodin-Bourget – Rocher des Amoureux (Les Tufs)
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Année de l'opération :
2024Numéro d’opération :
2215118Chronologie :
Préhistoire, Néolithique, Protohistoire, âge du Bronze, Bronze ancien, âge du Fer, Premier âge du Fer, Second âge du Fer, époque moderne, époque contemporaineNature de l'opération :
opération de diagnosticNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Inrap
Landry C. 2025 : Viviers-du-Lac, Savoie, Auvergne-Rhône-Alpes : Rocher des Amoureux (Les Tufs), rapport de diagnostic, Bron, Inrap.
Texte intégral
1Le diagnostic archéologique du Rocher des Amoureux, réalisé en juillet-août 2024 dans la commune de Villarodin-Bourget, à l’occasion du projet d’aménagement d’un parking pour le célèbre site d’escalade, a permis d’étudier, pour la première fois, la nécropole de l’âge du Fer, connue depuis les premiers travaux routiers du xixe s.
2Quatre longs sondages ont été creusés à la pelle mécanique pour explorer un terrain de 1 600 m2, situé dans le défilé dit du « Roc Tourné », au pied amont de l’éperon rocheux des Amoureux, entre 1 177 et 1 183 m d’altitude.
3La stratigraphie du site est très intéressante, autant du point de vue anthropique que naturel. Une dépression au sud-ouest de l’emprise a enregistré une longue séquence, de 3 m d’épaisseur, faisant se succéder, au-dessus d’une moraine sableuse à blocs, un premier épais sol noir, placé dans le Néolithique par référence régionale, mais aux structures associées peu parlantes, des colluvions sablo-caillouteuses, un deuxième sol brun-gris associé à des sépultures de l’âge du Fer, puis une dernière épaisse phase colluviale historique. Il est difficile de replacer les événements naturels mis en jeu dans une évolution morphoclimatique régionale par manque de fiabilité de la chronologie, notamment pour le sol le plus ancien, et par manque de référentiels. Ces lacunes pourraient être comblées en fouillant finement ces anciens sols.
4L’opération a été l’occasion de mener une synthèse documentaire sur le contexte archéologique des environs du village du Bourget et de réévaluer certains ensembles mobiliers mauriennais, qui servent de comparaisons dans le rapport de diagnostic lié à cette opération archéologique, et dont la plupart sont en cours d’étude dans le cadre de publications en voie d’achèvement.
5Les indices observés lors du diagnostic démontrent une implantation vraisemblablement dès le Néolithique. Des traces de labour sont visibles sous le paléosol le plus ancien, et des creusements sont associés à cet horizon : fosse d’extraction de matériaux, négatif de poteau. Deux restes fauniques indéterminés ont été prélevés dans ce paléosol, à 3 m de profondeur. Les pièces d’outillage lithique recensées au pied du Rocher des Amoureux orientent la réflexion vers des activités humaines au cours du Néolithique final.
6L’occupation du site se poursuit à l’âge du Bronze, comme en atteste une alêne résiduelle du Bronze ancien, isolée dans le second paléosol. Les indices mobiliers, répertoriés anciennement au pied du Rocher, dessinent également un horizon du Bronze final (un bracelet et de la céramique).
7Au cours de l’âge du Fer une nécropole se développe sur le site. Le tumulus de La Chaussine, 350 m à l’est du défilé, constitue le plus ancien marqueur funéraire identifié, dans les environs immédiats du Rocher des Amoureux, dès le Hallstatt D1. Une sépulture, postérieure, mais, pour l’heure, mal datée, y est aménagée, et de nombreuses autres sépultures non datées ont été détruites dans le défilé en 1875.
8Le diagnostic de 2024 révèle un sol, associé, par la céramique, à un horizon Hallstatt D3/La Tène A. Postérieurement, un probable monument funéraire est édifié, qui pourrait avoir servi de couverture et signalisation à la sépulture fouillée en 1974 quelques mètres au sud-est lors de l’aménagement du rond-point, et datée de La Tène A/B1 par son mobilier (torque, bracelet et fibule), ou à une tombe antérieure, qui reléguerait celle de 1974 en position adventice.
9Au sein du paléosol protohistorique, les nombreux vestiges de consommation de viande mis au jour, sur l’ensemble de l’emprise, mais de façon plus dense dans la zone occidentale, représentent potentiellement les témoins d’une occupation domestique en marge de l’espace funéraire, dont les vestiges structurés n’ont pas été observés. Ces restes fauniques pourraient aussi provenir de gestes de sacrifices et de consommation rituelle, seconde hypothèse également impossible à vérifier dans le cadre du diagnostic. Ils témoignent néanmoins d’une alimentation carnée reposant principalement sur des animaux domestiques, parmi lesquels ceux de la triade classique du cheptel apportent la plus forte contribution. Au sein de ces derniers se remarque la place prépondérante des caprinés et des bovins, celle du porc arrivant nettement en retrait. Enfin, il est à signaler l’apport non négligeable fourni par le cheval.
10En outre, une meule a été découverte en position secondaire à la base du second paléosol. Cette molette est d’un type particulier, fréquent en République tchèque et plus spécifiquement en Moravie, et, de manière plus sporadique, en Allemagne et Italie. Ces pièces sont toujours datées de La Tène ancienne et semblent dériver d’un modèle utilisé dans la Grèce ancienne : le type Olynthe. Dans les Alpes occidentales, on trouve, à la même époque, de rares exemples à Roubion (Alpes maritimes), à Jausiers (Alpes-de-Haute-Provence) et peut-être à Sion (Valais, Suisse), mais la molette du Rocher des Amoureux constitue pour l’heure l’exemplaire le plus occidental.
11Mais l’apport principal de ce diagnostic réside dans la découverte de six nouvelles sépultures, dont cinq ont été fouillées à la demande du SRA. Les nouvelles données enregistrées confirment le développement de la nécropole à La Tène A au cours d’une première phase, possiblement centrée vers la fin du ve s. et le début du ive s. av. J.-C. Un hiatus demeure encore pour La Tène B, mais trois sépultures se rattachent à une seconde phase, attribuable à La Tène C, vraisemblablement dans la seconde moitié du iiie s. et la première moitié du siècle suivant.
12Les défunts ont été inhumés dans des coffrages composites (ou mixtes). Il s’agit d’un agencement architectural mis en œuvre directement au sein de la fosse, constitué de plusieurs matériaux (bois, pierre) ménageant un espace vide initial. Par définition, ces coffrages sont donc non mobiles et le transport du corps a pu faire l’objet d’autres éléments en matériaux périssables (litière, planches, etc.), dont les vestiges n’ont pas été mis au jour. Ces aménagements permettent de générer des espaces vides pour la décomposition, mis en évidence par les indices patents de la position des os (déplacement en dehors du volume initial du cadavre, rotation et bascule, disparition des volumes corporels, etc.). Les effets de délimitations linéaires, notamment perceptibles au niveau des membres supérieurs et inférieurs (parois longitudinales nord et sud) sont fréquemment observables, à une certaine distance des parois. Dans le cas où l’emprise du négatif a pu être restituée, le coffrage présente des dimensions adaptées en longueur à la taille du défunt tandis qu’en largeur, le coffrage est souvent étroit (0,40 cm) sans pour autant comprimer le corps. L’hypothèse d’un contenant à quatre côtés paraît ainsi pouvoir être retenue pour chacune des quatre sépultures les mieux préservées, dont une seule disposait d’un système de couverture conservé, constitué de grandes dalles.
13Enfin, le corpus mobilier mis au jour dans les tombes s’avère d’une grande richesse, avec près de 190 objets de parure (torque, bracelets) et accessoires vestimentaires (fibules, passants et appliques de ceintures). Ce lot documente opportunément la culture matérielle de la Haute-Maurienne à La Tène ancienne et moyenne, et esquisse quelques orientations de réflexion concernant les identités des populations qui y ont vécu. Les tombes de la première phase de la nécropole présentent par les accessoires vestimentaires des affinités avec le domaine hallstattien, tandis que des liens peuvent être tissés, indirectement, avec la sphère Golasecca, et que la parure adopte des codes propres à la culture laténienne. Quant aux défunts de la seconde phase, leurs costumes mêlent des fibules parfaitement celtiques à des ceintures dont les garnitures sont lointainement dérivées de modes ligures en provenance de Cisalpine, que les Alpins, friands de clinquant, développent jusqu’à leur paroxysme.
14La nécropole du Rocher des Amoureux s’inscrit dans cette série de sites établis sur des buttes proéminentes ou au pied d’éperons rocheux, qui semblent avoir une signification particulière dans la mémoire et l’imaginaire des habitants de la vallée de la Maurienne pendant la Protohistoire, et plus spécifiquement au cours de l’âge du Fer.
15Par la suite, aucun nouvel indice ne documente le devenir du site aux époques romaine et médiévale. Le Rocher des Amoureux ne semble plus constituer un repère aussi privilégié sur l’itinéraire antique de la rive droite. Il prend malgré tout au début du xviiie s. une importance militaire stratégique, puisque l’armée française de Louis XIV s’appuie sur cet éperon pour barrer le versant en 1707-1708 pendant la campagne contre les troupes savoyardes dans le cadre de la Guerre de Succession d’Espagne. Les vestiges de fortifications mises au jour sur le site témoignent de ces travaux.
16Enfin, la concentration de militaria du milieu du xxe s. dans les niveaux de surface du site invite à se demander si des combats non documentés par les sources n’auraient pas eu lieu dans ce secteur pendant la Seconde Guerre mondiale, ou si les munitions mises au jour ont été tirées dans le cadre de la chasse.
17Retenons, à l’issue de ce diagnostic, que, dans l’absolu, les données recensées en Savoie ne livrent que des corpus réduits de sépultures de l’âge du Fer, majoritairement liés à des découvertes anciennes et/ou fortuites. Dès lors, l’ensemble sépulcral de Villarodin-Bourget, par la présence d’un potentiel grand nombre de tombes et leur état de préservation exceptionnel, pourrait livrer des données majeures pour l’approche des pratiques funéraires du second âge du Fer en Maurienne, et, plus largement, en contexte alpin. La mise en œuvre d’un protocole s’inscrivant dans une démarche archéothanatologique permettra ainsi de renouveler et actualiser les connaissances des gestes et pratiques des populations protohistoriques de cette vallée interne.
Fig. 2 – Photogrammétrie de la sépulture SP 10 datée des ive-iiie s. av. J.-C.

Clichés et traitement photogrammétrique : A. Lattard (Inrap).
Fig. 3 – Molette découverte à Villarodin-Bourget

Dessin : L. Jaccottey ; DAO : V. Bourson ; cliché : C. Landry (Inrap).
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Plan phasé du diagnostic du Rocher des Amoureux 2024 |
Crédits | DAO : C. Landry, L. Kuntz (Inrap). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/187000/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 445k |
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Titre | Fig. 2 – Photogrammétrie de la sépulture SP 10 datée des ive-iiie s. av. J.-C. |
Crédits | Clichés et traitement photogrammétrique : A. Lattard (Inrap). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/187000/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1022k |
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Titre | Fig. 3 – Molette découverte à Villarodin-Bourget |
Crédits | Dessin : L. Jaccottey ; DAO : V. Bourson ; cliché : C. Landry (Inrap). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/187000/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 549k |
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Titre | Fig. 4 – Catalogue de l’instrumentum Pl. 4 moderne et contemporain (Obj. 191 à 214) |
Crédits | Clichés : C. Landry (Inrap). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/187000/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,0M |
Pour citer cet article
Référence électronique
Christophe Landry, « Villarodin-Bourget – Rocher des Amoureux (Les Tufs) » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 24 février 2025, consulté le 30 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/187000
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