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AccueilRégionsCorse19992A – Corse-du-SudSollacaro – I Calanchi Sapar’Alta

1999
2A – Corse-du-Sud

Sollacaro – I Calanchi Sapar’Alta

Fouille programmée (1999)
Responsable d’opération : Joseph Cesari
Notice rédigée avec Laurent Costa, Franck Leandri et Fabrice Nicolle

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : ministère de la Culture

Texte intégral

1L’extension des décapages, sur la terrasse Nord de Sapar’Alta, a permis d’identifier deux nouvelles structures, désignées par les numéros « IV et V ».

2Dans le secteur de Sapar’Alta, l’habitat s’est organisé en fonction de la topographie du site, sur les espaces les mieux adaptés. L’implantation des constructions a été réalisée par rapport au pendage général du terrain et à la distribution des masses rocheuses, tout en réservant des espaces cultivables. Les fouilles permettent de constater un important aménagement de la « Terrasse Nord », limitée au sud-est et à l’ouest, par des chaos rocheux. Les effets du ruissellement, qui alluvionne régulièrement le bas de cette terrasse, se sont ici conjugués aux pratiques agricoles pour déterminer la conservation différentielle des vestiges archéologiques. L’érosion, activée par les travaux de labours et d’épierrement, a rassemblé par solifluxion, en aval de cette zone, des sédiments hétérogènes qui en perturbent les niveaux archéologiques.

Les architectures conservées

3La planimétrie des vestiges mis au jour sur la terrasse Nord de Sapar’Alta, souligne toute la complexité des constructions édifiées par les préhistoriques. La présence de plusieurs bâtiments est identifiables à partir d’une série de murs arasés, imbriqués les uns dans les autres. Les principales arases sont orientées est-ouest. Les murs de refends nord-sud, sont partiellement conservés. Tous ces murs sont construits en moyen appareil, mettant en œuvre des pierres irrégulières disposées en un double parement comblé de tout-venant. Leur état de conservation n’autorise qu’une restitution partielle de leur organisation. Les relevés pierre à pierre ont abouti à individualiser plusieurs unités architecturales ou « structures », numérotées de I à V.

La « Structure I »

4Cette construction partage d’est en ouest, la Terrasse Nord en la séparant de l’enrochement du chaos granitique sud-sud-est. Son mur sud (12,5 m x 2 m de large), a déterminé l’organisation des autres bâtiments qu’il contient. Bien conservé, son analyse prouve qu’il appartenait à une construction massive, rectangulaire de 12 x 13 m, aux angles arrondis. Cet édifice offrait une surface utile d’environ 62 m2, calculée hors emprise des rochers qui affleuraient à l’intérieur du bâtiment. Cet enrochement interne pouvait servir de point d’appui pour les charpentes. À l’est, le mur de refend, qui présente une section d’environ 10 m de long, est opposé à la pente générale est-ouest. Ce mur était fondé sur des rochers. Seul l’angle sud-est, avait été construit sans appui rocheux naturel. Au fil des siècles, afin de maintenir les terres, les agriculteurs avaient édifié une murette qui séparait longitudinalement la « Terrasse Nord » de Sapar’Alta. Les assises de fondation de cette murette s’appuyaient sur la construction préhistorique. À l’opposé, le mur ouest, qui s’est maintenu sans possibilités de déplacement ou d’extension, bien qu’il soit adossé à la paroi verticale du chaos granitique, est moins bien conservé. On peut considérer que les murs, est et ouest, de la « Structure I », jouaient le rôle de murs pignons. Les murs nord et sud, les plus longs, étaient sans doute les murs goutterots.

Les « Structures II et III » : structurations intérieures ou structures indépendantes ?

La « Structure II »

5La présence du mur est-ouest, qui double à l’intérieur, le mur sud de la « Structure I », permet d’individualiser une autre unité d’habitation ou « Structure II ». Le décalage entre les « Structures I et II » est faible (1,10 m). Cette disposition prouve que le mur sud, de la « Structure II » n’appartenait pas à la première habitation, car l’espace utile serait trop exigu et se réduirait à une sorte de long couloir. La découverte de l’angle nord-ouest a confirmé qu’il ne pouvait s’agir des deux côtés d’une même habitation, mais d’un autre bâtiment, plus petit que le précédent. L’espace utile délimité par les murs de la « Structure II » est nettement plus réduit par rapport à celui de la « Structure I », on peut l’évaluer à environ 30 m2. Cette seconde arase, formait un édifice emboîté dans la « Structure I », et ne pouvait servir à la cloisonner.

La « Structure III »

6La « Structure III » est mal conservée car faiblement enfouie, elle représente le niveau archéologique supérieur dans ce secteur de la « Terrasse Nord ». Très détruite par les travaux agricoles, son plan est moins lisible que celui des deux structures précédentes. Son mur principal, d’orientation est-ouest, s’articulait autour du rocher central qui organise l’agencement de toutes les constructions. L’angle nord-ouest de la « Structure III », ainsi qu’un lambeau de son sol, pavé à l’aide d’un radier de petites pierres et de galets, sont bien conservés. La « Structure III », formait une habitation emboîtée dans la « Structure II ». Comme les précédentes, cette troisième construction était de plan rectangulaire, avec 5 m de large pour environ 8 m de long. Ses murs avaient une épaisseur moyenne de 0,80 m et ils délimitaient une surface utile de seulement 15 m2.

La « Structure IV »

7L’extension de la fouille, vers l’est, avait mis au jour une nouvelle unité architecturale, la « Structure IV ». Cette dernière est formée par un mur de pierre à double parement d’environ 1 m de large qui a été reconnu sur une longueur de 11 m. Au niveau de sa fondation, il prend appui sur la « Structure I ». Dans l’état actuel du décapage, il n’est pas possible de se prononcer sur la contemporanéité de ces deux constructions. On doit souligner que l’angle sud-est de la « Structure I » a été fortement dégradé par l’arrachement des grosses pierres qui ont été réemployées dans la murette moderne.

8Bien qu’incomplètement dégagée, la « Structure IV » se présente comme une nouvelle unité architecturale qui individualise une habitation, aux dimensions proches (?) de celles de la « Structure I ».

La « Structure V »

9Cette construction, dont le mur ouest prend appui sur ceux des « Structures I et II », est en cours d’identification. Elle est adossée à la masse rocheuse nord de la terrasse de Sapar’Alta et son mur sud, devrait être mitoyen avec la « Structure IV ».

Les techniques de construction des murs

10Le mur sud de la « Structure I » a été réalisé au moyen de gros blocs d’assises, qui intercalent des pierres brutes de moyen module, pesant entre 20 et plus de 50 kg. On observe en outre que ces blocs étaient disposés, à joints vifs, sur deux files parallèles contenant un blocage en pierres de divers calibres. Dans ce blocage, se trouvent plusieurs fragments de meules et de molettes, mais aussi d’autres déchets de taille. Ces éléments de l’activité domestique étaient donc recyclés, comme matériaux de construction.

11La technique de construction des « Structures II, III et IV » est presque identique à celle employée dans la « Structure I », seule la largeur des murs a été réduite. La largeur moyenne de ces murs est d’environ 1,10 m. On constate que l’on a incorporé aux sols, des galets et des molettes brisées, qui servent comme dalles de pavage. Les murs utilisent toujours le même type de blocs mal dégrossis qui associent à des blocs granitiques, des gros galets en provenance d’anciennes terrasses fluviatiles des abords du site.

12Le mur sud de la « Structure IV » est terminé, à son extrémité ouest, par un trou de poteau. L’usage de poteaux en bois, insérés dans l’épaisseur des murs, permet d’émettre l’hypothèse d’un colombage. Le mur de pierre, scandé par des poteaux de bois, servirait alors de solin.

13On doit insister sur les principaux points suivants :

  • les murs arasés sur la terrasse Nord de Sapar’Alta ne présentent aucune rupture dans la technologie utilisée par leurs constructeurs. Les différences d’appareils sont difficiles à caractériser. Toutefois, on observe des variations de leur largeur dans chacune des différentes structures ;
  • les matériaux de la « Structure I » ont sans doute servi aux constructions suivantes. Ces murs qui pouvaient avoir une élévation maximale d’environ 2 m, formaient un solin qui maintenait des poutres régulièrement espacées et qui supportaient la charpente ;
  • nous avons constaté, le long des murs sud des structures « I et IV », la présence de nombreux fragments d’épais torchis qui pourraient provenir des toitures. La quantité de ces fragments est insuffisante pour affirmer qu’il s’agissait bien des éléments d’un toit. L’emploi de pisé comme revêtement des toitures est suggéré sur la structure III, et dans l’aménagement du rocher ouest où l’on a découvert une forte accumulation de fragments de ce matériau. Si, dans ces deux cas, il pouvait s’agir d’éléments en provenance d’une toiture, nous n’excluons pas la possibilité d’emploi du pisé dans les murs ou les cloisons. L’argile a peut-être été aussi utilisée soit comme revêtement, soit comme liant, mais son usage pour l’isolation ou comme ciment, reste encore à démontrer.

Hypothèse de trois édifices d’habitation construits au cours de trois périodes distinctes

14Les couches archéologiques épousent le pendage nord-sud et est-ouest du relief de la « Terrasse Nord ». On constate que dans la partie nord, qui accuse un dénivelé d’environ 1 m par rapport à la zone sud, les structures architecturales affleuraient. L’habitation qui forme la « Structure III » est contenue dans le niveau le plus superficiel, donc le plus détruit par les travaux agricoles.

15Les deux autres structures sont mieux conservées dans leurs parties sud. Les arases de leurs murs étaient enfouies à -50 cm de la surface du sol, elles ont donc été mieux protégées.

16Dans l’ensemble, il s’agit bien de trois maisons dont on peut encore lire le plan au niveau de leurs fondations. Ces habitations étaient rectangulaires, leur forme géométrique avait été imposée par la configuration des lieux. La présence d’affleurements rocheux et l’importance des chaos granitiques, avaient été habilement exploités par les préhistoriques. Les constructeurs avaient trouvé sur place leurs principales carrières mais aussi les supports pour asseoir les murs et les charpentes de leurs édifices. Dans l’état actuel des travaux, on peut considérer que la première construction est représentée par la « Structure I ». Ce bâtiment était aussi celui qui disposait des murs les plus larges, ce qui laisse supposer une bonne solidité. C’est à partir de ce premier édifice que vont s’organiser les constructions suivantes. Ces bâtiments successifs ont été réduits. Chacun d’entre eux présente une diminution de son espace habitable, mais aussi une mise en œuvre moins soignée de ses murs, dont la largeur est plus faible.

17Le resserrement de l’espace habitable a été opéré dans le sens sud-nord, en faisant varier la largeur des bâtiments et non leur longueur. Si les raisons de ces modifications nous échappent, nous sommes en mesure de comprendre les modalités techniques de leur réalisation. Ce sont les contraintes topographiques et la distribution des masses rocheuses qui sont à l’origine des formes architecturales initiales. Les modifications successives seront donc calquées sur le plan du premier édifice, tout en adaptant les nouvelles constructions aux besoins du moment.

18L’orientation générale est-ouest des lieux est aussi celle des plus grands côtés des divers bâtiments. Il était impossible de modifier cette disposition qui est préétablie par l’environnement rocheux. En outre, les variations de chaque édifice devaient intégrer les éléments des constructions précédentes. On ne pouvait que modifier la largeur des constructions, dans le sens sud-nord. La partie nord du terrain s’ouvre sur un espace sans enrochement, utile aux cultures.

19À partir des observations ci-dessus on peut avancer l’hypothèse suivante :

  • la « Terrasse Nord » de Sapar’Alta a été structurée par trois bâtiments successifs. Le premier de ces bâtiments est certainement le plus extérieur. Les couches archéologiques les plus riches en matériel sont entièrement contenues dans ses limites ;
  • les murs intérieurs contenus dans cette structure sont des réductions successives de ce premier bâtiment. Les variations de la surface utile de chacune des trois structures vont en se réduisant. Ces réductions, qui ont été opérées par raccourcissement du mur de refend sud de chaque structure, réutilisent partiellement les ruines des structures précédentes. À chaque étape de la réorganisation et de la réédification d’une nouvelle structure d’habitat, une partie des matériaux des ruines des constructions précédentes est conservée. Ces éléments créent un léger talus qui s’oppose au sens général de la pente et forme un obstacle contre le ruissellement.

Le matériel archéologique

20Dans la « Structure III », une concentration de déchets lithiques (surtout de rhyolite) sur 2 m2 (M5 et N5), pourrait indiquer le fonctionnement d’un atelier de taille. Mais ces éléments peuvent aussi provenir de la destruction des murs et des sols où ils étaient réemployés. Des fragments de charbons de bois ont été découverts sur le sol de la « Structure III » (couche A2), mais il n’a pas été possible de localiser un foyer.

21Les restes fauniques en provenance de ces structures sont peu nombreux. Il s’agit le plus souvent de couronnes dentaires fragmentées, de bovins ou de suidés. Souvent brûlés, ces vestiges sont des rejets de cuisine mais leur dispersion aléatoire, ne permet pas actuellement de délimiter les espaces réservés à cette activité.

22Les activités métallurgiques sont attestées par la présence de nombreuses gouttelettes bulleuses de laitier. Les scories et les objets de cuivre sont plus rares.

23De très rares éléments céramiques sont issus du bris sur place, ou d’un abandon sur le sol de fréquentation des habitats. Dans la plupart des cas, nous sommes en présence de fragments céramiques qui ont été volontairement introduits dans les sols de terre battue, ou dans les interstices des pierres de pavement. La forte fragmentation, la distribution aléatoire, l’impossibilité d’opérer des remontages et la diversité typologiques des objets de provenance de ces débris, caractérisent la gestion des tessons de céramiques. Les éléments céramiques, comme les déchets lithiques, proviennent davantage d’une technique de recyclage que d’un reliquat des activités domestiques abandonnés sur place.

Fig. 1 – Planimétrie des terrasses Nord et Sud du gisement d’I Calanchi

Fig. 1 – Planimétrie des terrasses Nord et Sud du gisement d’I Calanchi

J. Cesari (SRA).

Localisation du prélèvement

Nature de l’échantillon

Réf. laboratoire

Date BP

Date BC cal.

Monument central
B96-A1

Charbon

LGQ 262

2950 ± 160

Monument central
B96-A2

Charbon

LGQ 263

3380 ± 140

Taffonu 2
Corroi d’étanchéité

Charbon

GIF 7153

4080 ± 60

2871-2468

Taffonu 3
Chambre 1

Charbon

GIF 7154

3740 ± 60

2398-1936

Taffonu 4
Chambre A2

Charbon

LGQ 267

3580 ± 140

2396-1529

Taffonu 4
Couche B1

Charbon

LGQ 270

3930 ± 150

2874-1977

Taffonu 4
Foyer 2

Charbon

LGQ 264b

3920 ± 150

2870-1969

Taffonu 4
Foyer 3

Charbon

LGQ 265

3950 ± 190

2913-1885

Taffonu 6

Charbon

LGQ 279

3910 ± 150

2869-1950

Sondage

Charbon

LGQ 271

5030 ± 270

4444-3104

Terrasse Nord
Structure III

Charbon

LGQ 268

3660 ± 220

2623-1459

Monument central
Couche A2

Charbon

LGQ 266

3580 ± 140

2396-1529

Grand abri
US-51

Charbon

R2773

4402 ± 43

3090-2921

24Calibration à 2 sigma.

25Stuiver, Reimer 1993.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Planimétrie des terrasses Nord et Sud du gisement d’I Calanchi
Crédits J. Cesari (SRA).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/23455/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 697k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Joseph Cesari, Laurent Costa, Franck Leandri et Fabrice Nicolle, « Sollacaro – I Calanchi Sapar’Alta » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Corse, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 01 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/23455

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Auteurs

Joseph Cesari

Drac Corse (service régional de l’archéologie)

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Responsable d’opération

Joseph Cesari

Drac Corse (service régional de l’archéologie)

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