Marcey-les-Grèves, Saint-Jean-de-la-Haize, Ponts – Contournement de Marcey-les-Grèves
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Année de l'opération :
2014Numéro d’opération :
163490Lieux :
France métropolitaine, Normandie, Département de la Manche, Marcey-les-Grèves, Saint-Jean-de-la-Haize, PontsChronologie :
Protohistoire, âge du Bronze, âge du Fer, Premier âge du Fer, Second âge du Fer, Antiquité, Antiquité gréco-romaine, Antiquité romaine, époque médiévale, Haut Moyen Âge, Moyen Âge classique, Bas Moyen Âge, époque moderne, époque contemporaineNature de l'opération :
opération de diagnosticTexte intégral
1Le projet de construction, par le Conseil départemental de la Manche, du contournement de Marcey-les-Grèves, a donné lieu à l’émission d’un arrêté de prescription de diagnostic archéologique (arrêté de prescription no 16-2013-273 modifié par l’arrêté 16-2013-279 du 7 novembre 2013). Cette déviation, longue d’environ 4 km et reliant la RD 973 à l’ouest à l’A84 à l’est, se place à 2,5 km en moyenne au nord de la commune d’Avranches et traverse les territoires communaux de Marcey-les-Grèves, Saint-Jean-de-la-Haize et Ponts. Ce projet couvre une superficie de 74 ha.
2Les 1 128 structures inventoriées lors du diagnostic, essentiellement des fossés dits parcellaires et des fosses, ont fait l’objet d’un tri à partir de critères cartographiques (comparaison du cadastre actuel et du cadastre napoléonien) et de critères morphologiques (orientation, disposition, forme active ou fossile). Elles sont envisagées en comparaison de l’état actuel des structures paysagères et cartographiées dans la trame actuelle. Le paysage actuel correspond, en géographie culturelle, à l’unité de paysage baptisée le « Val de Sée » (Brunet 2001). Ses traits caractéristiques, aujourd’hui en voie d’effacement, sont une trame parcellaire bocagère sur talus planté très géométrique, définissant des parcelles modestes, des exploitations dispersées dotées d’un plant de pommiers, d’une habitation à la maçonnerie de moellons et de plusieurs bâtiments agricoles en pan de bois et cadres de torchis autrefois couverts en chaume. Cette description prototypique définit la phase parcellaire actuelle. Cette phase n’est pas achevée, elle évolue et, à travers de nouveaux usages, semble aller vers un effacement de ses traits caractéristiques (remembrements, modernisation des têtes d’exploitation, développement de nouvelles cultures). Pour autant, son infrastructure (la voirie, les limites parcellaires conservées) ne change pas fondamentalement : la trame parcellaire est seulement moins détaillée, les arbres moins nombreux et l’architecture agricole moins endémique. De la même façon, à l’autre bout du temps, on ne connaît pas la période de mise en place des infrastructures de cette phase parcellaire dite actuelle. On sait seulement, à travers le cadastre napoléonien, que ce mode d’occupation et d’exploitation du sol est en place, presque tel quel, au début du xixe s. D’autre part, nous avons constaté sur le terrain que, malgré sa faible représentativité, le mobilier recueilli dans les structures fossiles de la phase parcellaire actuelle ne renvoie jamais à une période antérieure au Moyen Âge classique. C’est un des objectifs du diagnostic que d’aborder la question de l’origine de cette phase parcellaire en fonction de laquelle s’articule l’approche de l’ensemble des vestiges.
3Au terme du tri, quatre segments de l’emprise ont révélé la présence de structures fossoyées fossiles discordantes avec la phase parcellaire actuelle (sites 1 à 4). Nous considérons ces vestiges comme antérieurs à la phase parcellaire actuelle parce qu’une activité simultanée des deux systèmes paraît dysfonctionnelle. Nous nommerons cette phase antérieure « phase parcellaire ancienne ». À ces quatre sites s’ajoute un cinquième point de découverte (site 5) qui se signale par une structure ponctuelle ayant livré du mobilier céramique de la fin de l’âge du Bronze ou du premier âge du Fer. C’est sur ce seul critère d’ancienneté mobilière que repose son identification archéologique car il ne semble pas être en relation avec un quelconque réseau de fossés.
4Le site 1 consiste en quelques linéaments de fossés et fosses éparses. Cet ensemble se développant sur 150 m de longueur a livré du mobilier en faible quantité et couvrant la période de la Protohistoire au haut Moyen Âge en passant par la période antique. Le site 2 n’a livré aucun vestige matériel permettant d’ancrer ces quelques structures dans le temps. En revanche le site 3, qui se développe sur plus de 12 ha et 1 100 m d’emprise, offre plus d’opportunités stratigraphiques et chronologiques que les deux sites précédents puisque les éléments fossiles discordants se manifestent sous la forme d’une trame parcellaire orthogonale dans laquelle des occupations domestiques laténienne et du haut Moyen Âge (au moins aux ixe-xe s.) ont été identifiées et qui garantissent son fonctionnement à ces époques. On rencontre également des structures fossiles de la phase parcellaire actuelle qui croisent les structures de la phase antérieure (fossés, bâtiments agricoles, chemin creux) mais qui parfois tendent à s’y conformer. La discordance d’orientation qui a permis d’identifier des occupations anciennes et une phase parcellaire associée pourrait n’être qu’un trompe-l’œil et pose la question de la rupture ou du conservatisme dans le changement à travers le maintien de certaines infrastructures (les chemins creux notamment, certains axes parcellaires) d’une phase à l’autre. Le site 3 trouve des points de comparaison dans les sites de Plomb (Carpentier 2007) et Montours (Cattedu 2001), où des occupations de la même tranche chronologique du haut Moyen Âge, installées dans des trames parcellaires comparables, ont été mises au jour. Le site 4 a livré son lot de traces fossiles de la phase parcellaire actuelle et de la phase parcellaire ancienne discordante. Cette dernière s’illustre sous la forme d’un long axe coudé à partir duquel quelques fossés définissent des espaces assez vastes de part et d’autre de lui. On n’observe pas de nettes concentrations de structures ponctuelles associées à ces dits espaces contrairement au site 3. Le mobilier recueilli dans les structures de la phase ancienne renvoie à la même tranche chronologique que les sites 1 et 3, à savoir de La Tène au haut Moyen Âge.
5Si nous considérons l’emprise des travaux comme un échantillon du Val de Sée alors les enseignements chronostratigraphiques de chaque site s’additionnent, s’articulent et contribuent à un même diagramme chronostratigraphique. Ce présupposé amène à faire l’hypothèse que les quatre systèmes fossiles antérieurs observés en différents points de l’emprise relèvent d’une seule et même phase parcellaire. La chronologie absolue de cette phase ancienne, abordée à travers le mobilier céramique recueilli dans les structures, semble s’orienter sur une phase en place à La Tène et perdurant au moins jusqu’aux ixe-xe s. Le fait que la même tranche chronologique soit désignée par le mobilier sur les sites 3 et 4 alors qu’ils sont séparés par 2 km en renforce la pertinence archéologique. Le seul témoin d’une occupation antérieure à La Tène consiste en une structure ponctuelle associée à un vase de stockage de la fin de l’âge du Bronze ou du premier âge du Fer, qui était fiché dedans. Cette fosse ne paraissait pas être en relation avec un réseau fossoyé. Cela pourrait constituer un terminus pour l’origine de la phase parcellaire ancienne. Cette phase parcellaire ancienne discordante avec la phase actuelle est toujours en place aux ixe-xe s. comme l’atteste l’occupation médiévale étendue du site 3. La période gallo-romaine apparaît sous forme mobilière discrète, dans le comblement de certaines structures des sites 1 et 4, mais ne semble pas contribuer massivement à l’évolution de l’infrastructure paysagère. La période de fin de la phase parcellaire ancienne ne peut pas se situer avant l’abandon de l’occupation domestique médiévale du site 3. Il en est de même pour l’origine de la phase parcellaire actuelle qui ne peut pas se situer avant le xe s.
6Bien que rare et peu caractéristique, le mobilier recueilli dans le comblement des structures fossiles de la phase parcellaire actuelle ne renvoie jamais à des périodes antérieures au Moyen Âge classique ou au bas Moyen Âge. C’est dans cet horizon vague, de plusieurs siècles, que l’infrastructure parcellaire actuelle, son bocage et ses fermes, semblent devoir prendre forme.
7Les phases parcellaires ancienne et actuelle ont quelques traits distinctifs que nous voudrions souligner. Le premier point concerne la discontinuité de la mise en valeur du sol durant la phase ancienne puisqu’on observe des vides en vestiges de la phase ancienne entre les sites sur des distances plus ou moins grandes. Même si le site 3 se développe sur 1 100 m de longueur, on observe un début et une fin des structures fossoyées qui le manifestent. Cela contraste avec les aménagements parcellaires actuels qui envahissent tout l’espace ainsi qu’en témoigne l’absence de zones délaissées par le document cadastral. À partir de cette observation nous émettons l’hypothèse que la phase parcellaire ancienne, de La Tène au haut Moyen Âge au moins, se caractérise par une occupation discontinue du sol alternant ager et un important saltus. La phase parcellaire actuelle et sa cadastration totale ne ménageant aucun extérieur, signent le terme d’une tendance de fond de l’histoire qui mène à un paysage entièrement artificialisé et sous contrôle. Le deuxième trait distinctif entre les deux phases parcellaires découle de la première observation et concerne la position qu’occupent préférentiellement les vestiges de la phase ancienne, en partie haute des versants.
8La fouille du site du « Mesnil » à Plomb, un territoire communal inscrit dans l’unité de paysage du Val de Sée (Carpentier 2007) montre, sur une superficie de quelques milliers de mètres carrés, un diagramme chronostratigraphique compatible avec celui de Marcey-les-Grèves, avec une occupation antique à laquelle succèdent des vestiges médiévaux des ixe-xe s. inscrits dans une trame fossoyée serrée définissant des parcelles modestes dédiées à des fonctions spécialisées (habitat, stockage, pâture...), un abandon du site au xiie s. après une redéfinition de l’habitat et une réoccupation domestique au xixe s. sous la forme d’une longère. Ce phasage est compatible avec celui issu de l’opération de Marcey-les-Grèves à ceci près que l’on n’observe pas de discordance après le Moyen Âge entre deux systèmes parcellaires qui se succèderaient. À Tirepied, une autre commune du Val de Sée, au lieu-dit du Chêne au Loup, une opération de diagnostic archéologique sur une superficie de 30 ha a permis de mettre au jour de nombreux vestiges (Flotté 2011). L’emprise des travaux occupe les versants et le sommet de l’interfluve formé par La Sée au sud et le ruisseau de La Mazurie à l’ouest. (…) La plus ancienne occupation consiste en un bâtiment naviforme et une fosse du Bronze ancien/campaniforme. L’autre horizon chronologique rencontré concerne le début de La Tène finale. La céramique recueillie est généralement faite de la même pâte micacée rencontrée sur les sites 3 et 4 du contournement de Marcey-les-Grèves, ce qui conforte la datation que nous avons proposée. Cet horizon chronologique se manifeste par un vaste réseau fossoyé parcellisant tout autant le plateau que le versant de l’interfluve, sur la totalité de l’emprise. Dans cette trame généralement assez lâche, définissant des espaces aux limites floues, on distingue deux zones de forte densité structurelle. La première prend la forme d’un enclos rectangulaire de 20 x 30 m implanté sur le versant et contenant de nombreuses structures ponctuelles témoignant de la présence d’un bâtiment où se sont déroulées des activités de combustion. La seconde, sur le plateau, se traduit par une très forte densité en fossés organisés sur une trame orthogonale plutôt concordante avec l’organisation parcellaire actuelle et par la présence d’assez nombreuses structures ponctuelles. Difficile de conclure à la présence d’un enclos dans cette grille de fossés ou à celle d’un parcellaire loti. Ce secteur très dense se développe sur 2,6 ha. Il est frappant de constater qu’à Tirepied comme sur le contournement de Marcey-les-Grèves, hormis des aménagements ponctuels campaniformes ou de l’âge du Bronze final-début du premier âge du Fer (site 5), la phase parcellaire fossile (discordante à Tirepied ?) livre du mobilier du second âge du Fer pour ses lots les plus anciens. De ce point de vue les deux diagrammes stratigraphiques ne sont pas contradictoires et semblent même signaler un phénomène pertinent. Il faudrait mener plus avant les recherches sur les formes anciennes de la phase parcellaire actuelle de Tirepied pour juger de la réalité ou non d’une rupture dans l’organisation de l’infrastructure parcellaire constatée après le xe s. à Saint-Jean-de-la-Haize (site 3). À l’issue du diagnostic, on ne peut que noter l’absence de mobilier du haut Moyen Âge et de l’Antiquité à Tirepied.
9À Montours (Cattedu 2001), les séquences d’occupation commencent au haut Moyen Âge, l’occupation domestique s’arrête en ce lieu autour du xe s. Par la suite les sols sont mis en culture, continûment semble-t-il, jusqu’à nos jours et sur les mêmes axes qu’à la période médiévale. On observe des points de divergence et des différences d’échelle d’observation qui ne permettent pas de dire si ces trois récits chronostratigraphiques renvoient à un même modèle ou s’ils renvoient à des récits différents concernant des territoires différents, vécus, occupés et utilisés différemment. Il s’agit de savoir, en multipliant les observations, si ces diagrammes chronostratigraphiques sont des outils qui permettent de définir, à partir de leurs limites géographiques de validité, les limites de territoires anciens.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Exemple d’architecture du « Val de Sée » à l’abandon |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/35125/img-1.jpg |
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Titre | Fig. 2 – Habitat du haut Moyen Âge du site 3 |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/35125/img-2.jpg |
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Pour citer cet article
Référence électronique
David Flotté, « Marcey-les-Grèves, Saint-Jean-de-la-Haize, Ponts – Contournement de Marcey-les-Grèves » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Normandie, mis en ligne le 18 septembre 2020, consulté le 13 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/35125
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