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2017
50 – Manche

Le Mont-Saint-Michel – Le village

Fouille préventive (2017)
Responsable d’opération : Elen Esnault

Entrées d’index

Année de l'opération :

2017

Numéro d’opération :

163742

Nature de l'opération :

fouille préventive
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Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Inrap

Texte intégral

1Malgré la renommée du Mont-Saint-Michel, l’histoire du village reste paradoxalement à découvrir. Les recherches anciennes ont en effet porté essentiellement sur l’abbaye délaissant souvent le village.

2La surveillance archéologique des travaux de rénovation et d’effacement des réseaux, débutée en novembre 2015, offre l’opportunité d’une vision étendue du bourg médiéval. Menée dans les rues et venelles du village, elle a conduit notamment à la découverte de sépultures en novembre 2016. Une fouille préventive a alors été prescrite et s’est déroulée du 5 au 25 janvier 2017.

3Les plus anciens vestiges identifiés, qui reposent directement sur le rocher, correspondent à des éboulis de blocs de granit autrefois liés à une maçonnerie. La surveillance de travaux menée à l’automne 2017 a montré que ces moellons appartenaient en effet à un mur situé dans l’axe de la rue. Le caractère imposant de cette maçonnerie laisse envisager une enceinte, sans qu’il soit possible pour le moment de la dater.

4Ces vestiges sont ensuite en partie détruits et le site est abandonné pendant un laps de temps suffisamment long pour que les éboulis soient scellés par une importante épaisseur de dépôts éoliens. La chronologie de ces premières phases n’est pas connue avec certitude. Néanmoins, elles sont suivies par l’installation d’un cimetière paroissial dont la fouille a permis l’obtention d’informations primordiales pour la compréhension du village primitif.

5La présence du cimetière était avérée, notamment par les travaux de 1913 qui mentionnaient la présence de sépultures et leur destruction pour la mise en place des réseaux. Néanmoins, aucune fouille n’avait alors permis d’enrichir les connaissances sur ces découvertes et la purge des niveaux archéologiques réalisée au début du xxe s. laissait présager la disparition quasi-complète des vestiges. Or, la fouille a révélé la présence d’une cinquantaine de sépultures. Certes, la plupart sont tronquées mais certaines sont suffisamment bien conservées pour livrer des informations essentielles. Les premiers résultats permettent de restituer une ébauche du cimetière. Les défunts, adultes et enfants, sont inhumés en suivant le pendage du rocher naturel dans des sépultures aménagées avec des blocs de granit formant des parois latérales, des fonds et probablement des couvercles. Le peu de bouleversements des connexions anatomiques témoigne de la présence de linceul.

6L’étude en cours permettra d’apporter des informations sur l’âge du décès, le sexe, l’état sanitaire de la population. Les datations au radiocarbone de treize sépultures date le cimetière de la seconde moitié du xe s. Ainsi, il est contemporain de l’arrivée des bénédictins et de la construction de Notre-Dame-sous-Terre. Cela traduit-il la présence d’un village déjà bien établi lorsque les bénédictins arrivent sur le Mont ? Pour P. Pelgas, la présence d’un bourg dès le xe s. ne fait pas de doute : le « burgus » est mentionné au travers d’un incendie relaté dans l’Introductio Monachorum datée de 1060. Dom Huynes précise que l’incendie dont il est question date de 992.

7Dans tous les cas, la datation du cimetière permet de situer les phases précédentes dans une chronologie antérieure au xe s. Ainsi, le mur découvert très récemment pourrait appartenir à une première occupation, peut-être à celles des moines-ermites qui arrivent sur le Mont-Tombe aux vie-viie s. et construisent deux oratoires, dédiés à Saint-Symphorien et à Saint-Étienne ou au moins à celle du sanctuaire Saint-Michel, attribué à Saint-Aubert au début du viiie s.

8C’est peut-être d’ailleurs ce premier rempart, encore en partie en élévation, qui sert de limite au cimetière. En effet, la désorientation progressive des sépultures témoigne d’une contrainte spatiale forte. Imaginé jusque-là plus au nord à l’abri des vents, le village primitif se situe au contraire déjà en partie basse, autour de l’église paroissiale dont la fondation remonte au moins à la seconde moitié du xe s.

9Cette première fortification, totalement inédite, a pu être en partie remplacée par une palissade en bois, celle qui a été incendiée par les Bretons en 1204 lors de la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste :

« le tout fut facile à faire aux Bretons, car la ville n’estoit point close de muraille mais de pallis de bois seulement »

Au vu des découvertes récentes, la palissade, imaginée jusque-là comme première fortification, revêt alors une image relativement archaïque en comparaison de la première enceinte maçonnée. Il est possible d’envisager qu’il s’agissait d’une protection temporaire, le temps de réparation ou de reconstruction d’une véritable muraille.

10Quoi qu’il en soit, le village se retrouve bel et bien sans défense. Ainsi, à partir de 1256 sous l’impulsion de l’abbé Richard Turstin, une nouvelle fortification est entreprise. Le village se rétracte alors : au lieu de reprendre le tracé précédent, la muraille est construite en retrait à l’intérieur du village. Elle vient flanquer le chevet de l’église et traverse l’ancien cimetière dont une partie à l’est de l’église est abandonnée depuis quelque temps déjà.

11Démantelée en grande partie au xive s. lors de l’édification du nouveau rempart, le tracé de l’enceinte du xiiie s. reste méconnu. De même, aucun vestige appartenant au rempart n’a pu être mis en évidence, si ce n’est une tranchée de récupération des matériaux de 3 m de large formant une chicane. Jusqu’ici inconnue, la chicane est certainement à mettre en lien avec l’emplacement de la porte dont il est fait mention dans un texte plus tardif :

« Ledit d’Estouville et les moynes les firent renforcer l’an 1425, auquel temps la porte de la ville fut changée, estant vis-à-vis de l’église paroissiale, elle fut mise là où elle est à présent »

12Malgré l’exiguïté de la rue, l’enchevêtrement des réseaux en place et les remaniements importants au cours des siècles, la fouille au pied de l’église paroissiale a permis d’obtenir des informations essentielles sur l’histoire du village : la première occupation caractérisée par une enceinte maçonnée est suivie par un abandon avant que le bourg primitif ne s’implante autour du xe s. La morphologie évolue sans doute progressivement jusqu’à un effacement d’une partie du cimetière avant 1204 qui est marqué par les destructions des Bretons. Le village reconstruit est alors plus resserré et protégé par une nouvelle enceinte maçonnée. La porte, située près de l’église, permet d’accéder au cœur d’îlot desservi par des venelles. Ces chemins vont disparaître progressivement au profit de la Grande Rue qui devient l’artère principale alors que le village s’est étendu au pied du rocher, une première fois au xive s. puis, de nouveau, au xve s.

Fig. 1 – Largement tronqué par les réseaux de voirie, on reconnaît cependant le niveau de dépôt éolien qui recouvre toute l’emprise de fouille avant d’être recouvert par le cimetière qui est lui-même coupé par le rempart édifié au xiiie s.

Fig. 1 – Largement tronqué par les réseaux de voirie, on reconnaît cependant le niveau de dépôt éolien qui recouvre toute l’emprise de fouille avant d’être recouvert par le cimetière qui est lui-même coupé par le rempart édifié au xiiie s.

DAO : E. Esnault (Inrap).

Fig. 2 – Sépultures aménagées avec des blocs formant des parois

Fig. 2 – Sépultures aménagées avec des blocs formant des parois

Cliché : F. Lecampion.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Largement tronqué par les réseaux de voirie, on reconnaît cependant le niveau de dépôt éolien qui recouvre toute l’emprise de fouille avant d’être recouvert par le cimetière qui est lui-même coupé par le rempart édifié au xiiie s.
Crédits DAO : E. Esnault (Inrap).
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/73663/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 243k
Titre Fig. 2 – Sépultures aménagées avec des blocs formant des parois
Crédits Cliché : F. Lecampion.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/73663/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Elen Esnault, « Le Mont-Saint-Michel – Le village » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Normandie, mis en ligne le 02 juin 2021, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/73663

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Auteur

Elen Esnault

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