Rendu W. 2011 : La Chapelle-aux-Saints, Corrèze (19), la Bouffia Bonneval, rapport de fouille programmée, Limoges, SRA Limousin.
La Chapelle-aux-Saints – La Bouffia Bonneval
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Année de l'opération :
2011Numéro d’opération :
123093Nature de l'opération :
fouille programméeNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : CNRS
Texte intégral
1La Bouffia Bonneval à La Chapelle-aux-Saints est une petite cavité du Sud-Corrèze, creusée à l’interface des marnes et des cargneules de l’Hettangien. Elle est célèbre pour la découverte en 1908, par les abbés Jean et Amédée Bouyssonie assistés de leur frère Paul, d’un squelette néanderthalien presque complet qui a été interprété comme la première sépulture paléolithique. Cette découverte marqua un tournant dans les études anthropologiques portant sur les populations passées. Pour la première fois, la question de l’existence d’une pensée symbolique dans d’autres populations humaines que celle de l’Homme anatomiquement moderne était posée. Néanmoins, des incohérences entre les descriptions faites par les Bouyssonie et les faits archéologiques ont poussé certains auteurs à s’interroger sur la réalité de cette sépulture. De plus, alors que l’individu de La Chapelle-aux-Saints est l’un des néanderthaliens les mieux décrits, son contexte archéologique reste largement méconnu de la plupart des préhistoriens. Les fouilles entreprises sur le site depuis 1999 ont ainsi pour objectifs de documenter le contexte chronologique, paléoenvironnemental et culturel de ce site, ainsi que d’apporter de nouveaux éléments de discussion sur l’existence de la sépulture.
2Le travail effectué cette année à La Chapelle-aux-Saints fait suite à 10 années de travaux archéologiques initiés par Thierry Bismuth (SRA Limousin) puis repris en 2007 par Cédric Beauval (Archéosphère). Ces campagnes ont permis d’identifier l’existence de différentes cavités livrant des dépôts archéologiques attribués au Paléolithique. L’une de ces cavités, la Bouffia 118, a fait l’objet de fouilles en extension qui ont permis d’identifier des ensembles archéologiques contemporains de ceux de la Bouffia Bonneval. Parallèlement, le travail mené sur les anciennes collections a conduit à proposer que la grotte ayant livré la sépulture était constituée de plusieurs ensembles archéologiques correspondant à différentes phases du Paléolithique moyen. Ainsi, il a été proposé que plusieurs niveaux archéologiques devaient exister au sein de la Bouffia Bonneval mais que, compte tenu des méthodes de fouilles du début du xxe s., les Bouyssonie n’avaient pas pu les individualiser.
3Ainsi, une opération de terrain a été menée cette année pendant les mois de juin et de septembre afin de tester les hypothèses formulées à la suite des travaux antérieurs. Les objectifs étaient, d’une part, d’identifier s’il restait des unités stratigraphiques en place puis de les caractériser et, d’autre part, de dégager d’éventuels éléments permettant de discuter de la sépulture.
4Quatre sondages de 3/4 de mètre carré chacun ont été réalisés au sein du talus. Le substrat marneux a été atteint à une profondeur d’environ 40 cm. Parallèlement, différents secteurs ont été ouverts au pied du porche et au sein de la Bouffia Bonneval sur une surface totale d’environ 5 m2. Dans la quasi-totalité des cas le substrat marneux a été atteint sous une épaisseur variable d’un sédiment extrêmement riche en matériel archéologique. Aucun dépôt paléolithique en place n’a pu être identifié jusqu’à présent, les artefacts archéologiques semblant correspondre aux déblais des fouilles Bouyssonie ainsi que des activités archéologiques ou non, postérieures. Le matériel lithique est constitué d’éclats, d’un grand nombre de racloirs et de nucléus, tous, pour le moment, attribués au Paléolithique moyen. Le débitage Quina semble bien représenté au sein des dépôts. Cette industrie a été produite au détriment de quartz et quartzites ainsi que de silex jaspoïdes provenant de l’environnement proche du site. Il est à noter qu’une part importante des matériaux ont une origine lointaine, et des silex du Bergeracois et du Fumélois ont été identifiés. Plusieurs éclats et un racloir ont également été produits à partir de cristal de roche. Concernant les restes fauniques, le Renne domine l’assemblage suivi du Bison et, de manière plus anecdotique, du Cheval. Des restes de carnivores ont également été attribués au Loup, au Renard et au Blaireau, bien que l’origine paléolithique de ce dernier soit peu probable. Des restes de faunes récentes, notamment de poule et de dinde, ont également été identifiés dans les dépôts au sein de la cavité. Malgré la présence de quelques restes digérés confirmant la fréquentation de la cavité par les grands carnivores, l’importante fréquence des traces anthropiques suggère que la part humaine dans l’origine de l’assemblage est prépondérante : en effet de nombreux restes portant des stries de découpe, des os brûlés, ainsi que plusieurs retouchoirs ont été trouvés associés au matériel lithique.
5Simultanément, un des sondages au sein de la cavité a conduit à l’identification d’une dépression au sein du substrat marneux (fig. 1). Sa fouille partielle montre qu’elle atteint une longueur d’au moins 1,2 m. Bien que des perturbations du substrat marneux liées à de la cryoturbation ont déjà été mises en évidence lors des campagnes précédentes au sein des différentes cavités, la Bouffia Bonneval n’a pas livré de telles structures. De plus, les dimensions de la dépression ne correspondent absolument pas à celles décimétriques des zones remaniées. Localisée à 2,5 m de l’entrée et à 1 m de la paroi ouest, cette dépression se situe à l’emplacement approximatif de la fosse sépulcrale décrite par les Bouyssonie en 1908. La hauteur du fond de la dépression au plafond de la cavité est exactement identique à celle relevée par les Bouyssonie laissant supposer que cette structure est celle où le squelette a été découvert au début du siècle dernier.
Fig. 1 – Dépression identifiée au cours de la campagne 2011 et correspondant vraisemblablement à la fosse reconnue par les Bouyssonie

Cliché : W. Rendu (CNRS).
6Cette campagne a permis la mise en évidence d’une excellente conservation du matériel archéologique des déblais Bouyssonie et leur similitude avec les éléments récoltés lors de leurs fouilles. De plus, la découverte de la dépression apporte de nouveaux éléments de discussion sur la sépulture néanderthalienne. Si les analyses en cours venaient à confirmer nos observations, nous serions alors en face de la seule fosse sépulcrale néanderthalienne encore conservée à ce jour ce qui permettrait de jeter un nouveau regard sur les actes funéraires des populations moustériennes de l’Ouest Européen.
7Ces travaux ont fait l’objet d’une présentation dans le cadre du colloque de l’European Society for Human Evolution à Leipzig (Allemagne) le 23 septembre et sont en cours de publication.
8Une nouvelle demande a été déposée pour l’année 2012. L’objectif d’identifier la présence d’éventuels dépôts du Paléolithique moyen est maintenu et est complété par un second dévolu à la confirmation ou l’infirmation de notre interprétation comme fosse sépulcrale de la dépression creusée au sein du substratum.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Dépression identifiée au cours de la campagne 2011 et correspondant vraisemblablement à la fosse reconnue par les Bouyssonie |
Crédits | Cliché : W. Rendu (CNRS). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/80228/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 247k |
Pour citer cet article
Référence électronique
William Rendu, « La Chapelle-aux-Saints – La Bouffia Bonneval » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 16 juin 2021, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/80228
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